Lætitia a 33 ans lorsque naît Victoire, sa troisième enfant. C’est une enfant très calme. Trop calme ?
Victoire est ma troisième enfant. Son grand frère et sa grande sœur avaient 9 et 10 ans quand elle est née. C’était une grossesse classique, avec une naissance sans problème apparent. Dès le départ, Victoire était un bébé très calme. Elle pleurait peu, nous nous disions que c’était sans doute parce qu’elle était la troisième et donc avec du bruit déjà autour d’elle… Vers 4-5 mois, on s’est dit que vraiment elle ne pleurait pas beaucoup et criait peu, une chance ! Nous avons rendu visite à une cousine qui avait 1 mois de moins que Victoire et l’on s’est rendu compte qu’elle bougeait bien plus que Victoire. Par exemple, quand je la mettais sur le ventre, Victoire ne levait pas la tête et pleurait pour être remise sur le dos. J’en ai parlé à la pédiatre qui m’a dit de ne pas m’inquiéter, qu’elle était peut-être un peu fainéante et que c’était sans doute parce que son frère et sa sœur faisaient tout à sa place, qu’il fallait lui laisser le temps de se développer à son rythme.
Vers 6 mois, nous avons vu un autre petit cousin qui avait 2 mois de moins qu’elle, lui aussi beaucoup plus mobile. La pédiatre a écouté mon inquiétude et a prescrit quelques séances de kiné pour me rassurer. Peu convaincue, je suis allée voir une autre pédiatre lorsque Victoire a eu 7 mois. Et là, nous sommes tombés de haut. La pédiatre a ausculté Victoire et a parlé immédiatement d’hypotonisme, qu’il fallait aller consulter un neuropédiatre, sans doute hospitaliser Victoire pour faire des examens, etc. Le choc. J’ai bien entendu cherché sur internet ce que signifiaient ces mots et je suis tombée sur plusieurs maladies, dont l’amyotrophie spinale, une maladie rare. Nous avons eu un rendez-vous avec un neuropédiatre en 1 mois. Là encore, nous avons dû refaire d’autres examens avant que le diagnostic définitif ne tombe : amyotrophie spinale. Notre vie venait de basculer. La neuroépdiatre nous a tout de suite mis en relation avec le centre de référence des maladies neuromusculaires. C’était en mars 2020, en pleine période du Covid–19 qui gênait tout le monde, mais nous, c’est le ciel qui nous est tombé sur la tête.
Lors d’un rendez-vous avec le neuropédiatre, on nous a expliqué que pour prendre en charge Victoire, nous avions trois possibilités. La première était de l’accompagner : ne pas donner de traitement, car la maladie entraîne une espérance de vie limitée, de 2 ans en moyenne, donc une prise en charge palliative était proposée. La deuxième était de faire des injections dans le dos, tous les 4 mois, à vie. Nous ne voulions pas lui infliger un traitement à vie… La troisième, soumise à conditions, était la thérapie génique. Nous souhaitions cette proposition, mais nous avons été prévenus que cela pouvait être long pour y parvenir car il y a une commission qui décide si les patients sont éligibles ou non à ce traitement, de nombreux critères entrent en compte, en plus en période Covid-19… Mais il s’agit d’un traitement à prendre une seule fois, et nous n’avions aucune hésitation : il fallait tenter la thérapie génique, d’autant que l’amyotrophie spinale est une maladie qui évolue très vite.
Le jour de mon anniversaire, j’ai reçu un appel, le plus beau coup de fil de ma vie, nous disant que Victoire pouvait obtenir le traitement de thérapie génique. C’était formidable, même si nous savions que ce n’est pas une partie de plaisirs qui s’annonçait : il fallait à nouveau refaire de nombreux examens, analyses, etc., pour suivre le protocole de thérapie génique et s’assurer qu’elle ne rejetterait pas le traitement. À partir des résultats, on nous a confirmé qu’elle allait recevoir le traitement.
Il fallait aller à Paris pour le recevoir, y rester une durée indéterminée et trouver une organisation pour gérer nos deux grands qui n’étaient plus à l’école à cause du Covid-19 !
Grâce au soutien d’une autre maman que j’avais connu entre temps, je connaissais les étapes qui m’attendaient. La veille de l’injection, nous nous sommes rendus à l’hôpital. Toute cette journée a été une succession d’examens et d’analyses pour s’assurer de l’état du cœur de Victoire, de ses poumons, etc. On nous a aussi détaillé l’ensemble du protocole qui est très précis, le suivi, etc.
Le lendemain, à 15 heures, a eu lieu l’injection de la thérapie génique. C’était très impressionnant, car il y avait beaucoup de monde autour de Victoire (des médecins, des infirmières, etc.). La pharmacienne est arrivée avec une valise contenant la poche avec la thérapie. C’était une valise comme celle qu’on voit dans les films, pleine de billets, mais là, elle contenait de l’or : la promesse d’une nouvelle vie pour ma fille. C’est la deuxième naissance de Victoire. L’injection dure une longue heure. Heureusement, Victoire était très calme, sereine, elle jouait avec son médecin. Ensuite, on nous explique qu’il va y avoir une surveillance renforcée pour s’assurer que son corps ne va pas attaquer la thérapie génique. Nous sommes finalement restées seulement 4 jours à l’hôpital. Des analyses et examens de suivi ont lieu dans les jours qui suivent, puis s’espacent à une fois par semaine, puis une fois par mois… pour s’assurer que le foie, le cœur, etc., vont bien.
Nous avons très rapidement vu les effets de la thérapie génique sur Victoire. Une semaine après l’injection, elle tenait assise toute seule ! Pas longtemps, mais quelques secondes inédites jusqu’ici ! Sa tête tenait mieux également au fil des jours. Les progrès se voyaient de jour à jour.
Aujourd’hui, près de 18 mois après l’injection, Victoire tient debout contre un mur, peut rester assise, marche dans l’eau lors des séances de balnéothérapie avec sa kiné, met des jouets à sa bouche, attrape la cuillère et la porte à sa bouche… Tous ces gestes sont des exploits qui se succèdent chaque jour ! Elle a un peu plus de 2 ans et utilise de façon autonome son fauteuil roulant manuel, elle le fait avancer seule. On est loin de ce que l’on nous avait prédit lorsque le diagnostic d’amyotrophie spinale avait été posé… Victoire va à la crèche et joue avec les autres enfants. C’est une petite fille très curieuse, qui parle beaucoup et est très à l’écoute des autres, même si elle a un sacré caractère ! C’est une petite fille heureuse et, si l’on vit avec sa maladie au quotidien, on le vit tous très bien.
Nous avons même l’espoir qu’elle puisse se déplacer sans fauteuil : marcher jusqu’à sa chambre, aller seule aux toilettes, etc. Les progrès sont si impressionnants que presque tous les espoirs sont permis…
« C’est allé très vite entre le diagnostic et l’injection. De toute façon dans une situation pareille, c’est très difficile mais on n’a pas le temps d’attendre et de se morfondre, on avance ! »
- Page Facebook de Victoire : La victoire est en nous
La thérapie génique
La thérapie génique consiste remplacer un gène dit défectueux car il ne produit pas la protéine “normale”, et l’absence de cette protéine entraînant le développement d’une maladie. Le principe est donc d’importer à l’aide d’un virus dit vecteur (rendu inoffensif mais qui a gardé la capacité à s’introduire dans les cellules) la copie d’un gène fonctionnel dans les cellules, pour que le gène s’y exprime et entraîne la production de la protéine manquante.
Ce traitement, comme des centaines d’autres, a été rendu possible grâce à la générosité des Français qui, depuis 35 ans, participent sans faille au Téléthon, chaque premier week-end de décembre. Le 35e Téléthon aura lieu les 3 et 4 décembre prochains dans toute la France. N’hésitez pas à participer aux animations qui aideront les malades et leurs familles ! Pour donner sans attendre le Téléthon, connectez-vous sur le site www.afm-telethon.fr
Propos recueillis par Gaëlle Monfort





