L’obésité est devenue pandémique. De nouveaux traitements anti-obésité, comme Wegovy et plus récemment Mounjaro, sont arrivés sur le marché en France. Décryptage de leur accessibilité et de leur fonctionnement.
Par Sacha Citerne
« C’est vraiment une révolution en médecine de l’obésité. Par contre, nous avons des études montrant qu’après l’arrêt du traitement, le poids remonte », souligne Pr Patrick Ritz, professeur de nutrition clinique, CHU de Toulouse.
En France, 18,1 % des adultes sont en situation d’obésité – soit 9,8 millions de Français – selon l’étude Observatoire français d’épidémiologie de l’obésité 2024. Un chiffre en hausse qui suit la tendance mondiale. Depuis 1975, le nombre de cas d’obésité a quasi triplé à l’échelle planétaire selon l’Organisation mondiale de la santé. Mais de nouveaux traitements « anti-obésité » pourraient-ils ralentir la courbe ?
Mis sur le marché par le laboratoire danois Novo Nordisk, le sémaglutide – déjà en vente depuis 2019 sous le nom d’Ozempic pour certaines personnes vivant avec un diabète – est disponible en France sous le nom de Wegovy depuis octobre 2024. Seuls les dosages et les conditions de prescription diffèrent entre ces deux produits.
Maigrir, à quel prix ?
Les conditions fixées réservent l’Ozempic au traitement du diabète de type 2 insuffisamment contrôlé. Des patients « avec un diabète en prévention cardiovasculaire secondaire, renseigne le Pr Patrick Ritz, professeur de nutrition clinique au CHU de Toulouse, c’est-à-dire avec des antécédents cardiovasculaires. Par exemple, chez les personnes diabétiques ayant fait un infarctus, le traitement par Ozempic va prévenir la récidive ». Dans ces cas-là, le traitement est remboursé par l’Assurance maladie.
Pour Wegovy, depuis octobre : les patients en situation d’obésité devaient casser la tirelire pour l’obtenir. Mais le 4 décembre, la Haute autorité de santé (HAS) a donné un avis favorable à son remboursement, une première étape vers la prise en charge par l’Assurance maladie. La prise en charge de Wegovy restera réservée aux adultes en obésité sévère (IMC ≥ 35 kg/m2) et seulement après échec d’une prise en charge nutritionnelle associée à une activité physique. Il doit être prescrit par un médecin spécialiste en endocrinologie-diabétologie-nutrition ou compétent en nutrition. Et niveau coût ?
« Le prix dépend de la dose, nous dit le laboratoire, rapporte le Pr Patrick Ritz. Le prix de vente de l’industriel aux pharmacies tourne autour des 300 à 400 € [avec des doses variant de 0,25 à 2,4 mg par boîte, pour un mois de traitement, NDLR]. ». Le laboratoire danois évoque, pour sa part, un coût « de l’ordre de 9 à 12 euros » par jour. La HAS a reconnu au Wegovy un service médical rendu « important », ce qui devrait lui assurer un remboursement de 65 %.
Mais ce prix se paie parfois, aussi, par des effets indésirables. Selon les patients, le médicament « peut donner soit de la constipation, soit de la diarrhée et éventuellement des nausées et des vomissements », rapporte le Pr Ritz.
Imiter le naturel, il réduit les kilos
Le principe actif du Wegovy, le sémaglutide agit comme « imitateur » d’une hormone, le GLP-1. On parle ainsi d’analogue. Ce médicament « naît du concept d’intestin en tant que glande endocrine – qui produit des hormones dans le sang, explique le professeur. Le GLP-1 est une molécule fabriquée par l’intestin, qui a deux grandes propriétés : stimuler la sécrétion d’insuline et agir sur la faim et la satiété, au niveau des zones cérébrales qui les régulent ». Et il ajoute : « nous en sécrétons un petit peu après chaque repas ».
Les taux de GLP-1 vont donc naturellement monter et descendre au cours de la journée. « Pour avoir un effet plus durable, il faut le transformer pour qu’il reste plus longtemps, éclaire Patrick Ritz. Novo Nordisk a réussi à ‘’modifier le GLP-1 ’’ de façon à ce qu’il dure une semaine ».
18 % des Français sont en situation d’obésité.
Que disent les études ?
En 1 an, le sémaglutide entraîne en moyenne une baisse de 17 % par rapport au poids initial, selon les études cliniques menées par le laboratoire danois. Contre 25 à 30 % avec la chirurgie bariatrique, l’opération standard de l’obésité sévère, qui est en revanche très invasive et irréversible.
Après le Wegovy, d’autres molécules du même type ont fait leur entrée sur le terrain thérapeutique. Comme le tirzépatide, commercialisé sous le nom Mounjaro par le laboratoire américain Eli Lilly, qui vient d’être autorisé par la HAS, le 13 novembre dernier.
Comme Wegovy, dans l’obésité, Mounjaro est uniquement délivré sur ordonnance pour les personnes en obésité sévère, en deuxième intention de prise en charge. Mais, avec cette molécule, « la perte de poids est plus importante. Plutôt de l’ordre de 24 % en an », réagit le Pr Ritz.
La raison ? En plus d’agir comme le GLP‑1, celle-ci imite une autre hormone intestinale : le GIP. Elle a les mêmes effets que son homologue, mais agit en plus sur le métabolisme du tissu adipeux.
Le rétatrutide, une autre molécule de Lilly encore en phase d’essai clinique, possède même une triple action, en imitant encore une autre hormone : le glucagon. Ce dernier est une hormone du pancréas qui augmente le taux de sucre dans le sang, contrairement à l’insuline dont il agit à l’inverse sur beaucoup d’organes. Le glucagon a aussi des effets cérébraux : il augmente la satiété et la dépense énergétique du corps.
« C’est vraiment une révolution en médecine de l’obésité et du diabète, affirme le Pr Ritz, en tempérant : par contre, nous avons des études montrant qu’après l’arrêt du traitement, le poids remonte ». Un traitement à vie donc ? Une affaire à suivre en tout cas. •
Des thérapies pour d’autres maladies ?
Les analogues du GLP-1 ont fait leurs preuves pour traiter le diabète de type 2 et l’obésité. Mais ils pourraient également être bénéfiques dans d’autres pathologies. Depuis plusieurs mois, de nombreuses études fleurissent sur le potentiel thérapeutique de cette famille médicamenteuse : impact sur les addictions en diminuant les crises de manque, réduction du risque cardiovasculaire, effets bénéfiques sur le syndrome des ovaires polykystiques, l’arthrose, la dépression, ou sur les maladies du foie. Le sémaglutide diminuerait même le risque de développer la maladie d’Alzheimer, chez les personnes ayant un diabète de type 2. Car pour l’instant, ces études sont réalisées uniquement chez des patients obèses ou diabétiques. On ne connaît à ce jour pas les effets des analogues du GLP-1 sur des personnes métaboliquement saines.





