À l’arrivée de la ménopause, les hormones dégringolent et entraînent avec elles l’apparition de symptômes physiques et psychiques. Comment s’accommoder à ce dérèglement ? Cap sur la santé et sur l’acceptation
Par Cléo Derwel
Bouffées de chaleur, sueurs nocturnes, troubles génito-urinaires, fatigue, irritabilité… Voilà les symptômes engendrés par l’arrivée de la ménopause. Cette période de la vie des femmes, marquée par l’arrêt de l’ovulation et l’amenuisement des règles, survient généralement entre 45 et 55 ans. En cause : la diminution de la production de deux hormones sexuelles, la progestérone puis l’œstrogène.
Dompter les symptômes physiques
Une vague bouillante agrémentée de transpiration débarque sans prévenir, au bureau comme la nuit, envahissant le visage et le haut de la poitrine. Les bouffées de chaleur sont l’un des symptômes les plus communs de la ménopause et concerneraient trois femmes sur quatre. Généralement plus intenses en début de ménopause, elles peuvent s’étendre sur 5 voire 10 ans.
Selon l’Inserm, 87 % des femmes ménopausées présentent au moins un symptôme en plus de l’arrêt des règles, et 20 à 25 % d’entre elles souffriraient de troubles sévères affectant leur qualité de vie. Baptisées « troubles climatériques », ces manifestations physiologiques et psychiques associées à l’arrêt de la fonction ovarienne diffèrent selon le vécu et l’expérience personnelle de chacune.
La carence en œstrogènes, à l’origine des maux de la ménopause
D’un point de vue biologique, l’œstrogène interagit avec des neurones présents dans l’hypothalamus et responsables de la régulation thermique du corps. À l’aube de la ménopause, la baisse de cette hormone sexuelle perturbe les processus qui maintiennent la température interne. Ainsi, les vaisseaux sanguins situés sous la surface de la peau se dilatent et conduisent à des bouffées de chaleur.
Les troubles génito-urinaires, comme les sécheresses intimes, s’expliquent aussi par cette carence hormonale. Alors que l’œstrogène hydrate et lubrifie naturellement le vagin, sa diminution significative autour de la cinquantaine peut provoquer un inconfort et des irritations.
Que faire ?
Aujourd’hui, la solution la plus efficace pour diminuer l’intensité et la fréquence des symptômes reste le traitement hormonal. Pour celles qui ne sont pas en capacité de le suivre – pour des raisons médicales ou personnelles– des alternatives sans œstrogènes sont à l’étude. En 2023, la mise sur le marché d’un médicament sans hormone ciblant les bouffées et les sueurs nocturnes a été autorisé par la Commission européenne. Le fézolinétant n’est pas encore commercialisé en France, car il fait l’objet de recherches supplémentaires. En effet, les évaluations de la sécurité du fézolinétant ont révélé une légère augmentation des tumeurs et des kystes, comparé au placebo. Les effets indésirables générés par la prise sur le long terme de cette nouvelle molécule sont surveillés.
20 à 25 % des femmes souffriraient de troubles sévères affectant leur qualité de vie, selon l’Inserm.
D’autres approches non pharmacologiques comme l’hypnose, l’acupuncture et le yoga peuvent soulager les femmes, mais leur efficacité reste encore à prouver scientifiquement.
Quant à la sécheresse vaginale, elle peut être atténuée par un traitement œstrogénique, qu’il soit administré par voie orale ou appliqué localement. Les lubrifiants, les gels à base d’acide hyaluronique et les ovules peuvent également soulager la sensation d’inconfort lors des rapports sexuels.
87 % des femmes ménopausées présentant au moins un symptôme en plus de l’arrêt des règles, selon l’Inserm.
Maximiser le bien-être et la santé
La ménopause ne se réduit pas à des manifestations physiques. Les années qui la précèdent, les changements hormonaux et les troubles du sommeil se répercutent sur l’humeur des femmes. Pour mieux appréhender ce processus naturel : prioriser la santé et le bien-être.
Adopter de bonnes habitudes pour préserver sa santé
Les mesures hygiéno-diététiques restent importantes pendant cette période de transition. Une activité sportive suffisante, une alimentation équilibrée et une vie sociale et affective bien remplie contribuent au bien-être. L’arrêt progressif de l’ovulation s’accompagne de modifications marquantes comme une perte de masse osseuse et l’augmentation des risques cardiovasculaires. Il est donc essentiel de prendre soin de sa santé pour limiter ces complications. Là encore, l’association d’une activité physique, d’une alimentation équilibrée avec le suivi d’un traitement œstrogénique aidera à lutter contre la fragilisation des os.
La ménopause, un passage comme un autre
Contrairement aux idées reçues, la ménopause incarne aussi une période positive, suite à laquelle une partie des femmes peut se sentir libérée, débarrassée notamment des règles ou du poids de la contraception. Passer d’un état à un autre n’est jamais simple, mais les professionnels de santé sont là pour encadrer ce changement. Gynécologues, médecins généralistes ou sages-femmes sont à même d’accompagner et de conseiller celles qui souffrent de symptômes physiques ou psychiques et de leur donner les clés pour faire attention à leur santé.

« Le traitement hormonal possède de nombreux
bénéfices »
Quatre questions à la Dr Odile Bagot, spécialiste en gynéco-obstétrique, et auteure du livre « Ménopause, pas de panique ! ».
Vocation Santé : Quelles sont les fonctions du traitement hormonal de la ménopause ?
Dr Odile Bagot : La Haute Autorité de santé (HAS) recommande sa prescription pour les femmes touchées par des troubles climatériques – bouffées de chaleur, troubles de l’humeur, troubles du sommeil et syndrome génito-urinaire – invalidants. Il est d’une efficacité redoutable pour les faire disparaître. Le traitement possède de nombreux bénéfices : il diminue les risques de cancer de l’estomac, du pancréas, et du côlon, mais augmente un peu ceux de l’ovaire. La thérapie hormonale n’aggrave pas non plus le risque de cancer du sein dans les 5 premières années, sous réserve d’utiliser des hormones bio-identiques, des hormones de synthèse identiques à celles produites par notre corps. De plus, le traitement n’accroît pas le risque vasculaire, mais au contraire l’atténue. Enfin, il permet également de prévenir l’apparition d’ostéoporose.
« Une fois installée, soit les femmes supportent bien la ménopause, et c’est tant mieux ! Soit ce n’est pas le cas, on traite les symptômes et la vie est belle »
En consultation, ressentez-vous une certaine réticence des femmes vis-à-vis de ce traitement ?
Si on leur explique correctement, et qu’on ne leur fait pas peur avec des idées fausses : non. Mais les femmes ont tout à fait le droit d’essayer autre chose avant. Dans les années 2000, des études américaines et anglaises basées sur des traitements non utilisés en Europe montraient une augmentation du cancer du sein ainsi que du risque vasculaire. Le problème est que ces données ont fait très peur aux femmes, alors que l’on a largement démontré l’inverse aujourd’hui.
Ces dernières années, des médicaments non hormonaux contre les bouffées de chaleur ont fait l’objet de recherches. Qu’en penser ?
Cela peut être intéressant pour les femmes qui ne peuvent pas prendre d’œstrogènes et pour qui les bouffées de chaleur sont très invalidantes. En effet, ces médicaments sont utiles en cas de contre-indications ou dans certaines situations cliniques. Contrairement à l’hormonothérapie, ils pourraient convenir aux personnes atteintes d’un cancer du sein. En revanche, la prise du traitement hormonal de substitution de la ménopause a de nombreux bénéfices sur les os, les vaisseaux sanguins, les fonctions cognitives, les sécheresses vaginales, auxquels ces médicaments ne peuvent pas pallier. Aujourd’hui, en France, et contrairement à d’autres pays, il n’existe pas de médicament qui contrôle la thermorégulation pendant la ménopause. L’Abufène, un médicament contenant un acide aminé, a été commercialisé, mais ne fonctionne pas.
Est-ce qu’il existe des alternatives ?
Oui, les phytoœstrogènes [ndlr : des composés issus des plantes aux propriétés similaires des œstrogènes], par exemple, mais ils possèdent les mêmes contre-indications que les hormones féminines dans les cas de cancer du sein. Ensuite, il existe des compléments alimentaires qui associent différents éléments : la vitamine B, l’ashwagandha, les extraits purifiés de pollen… C’est très difficile d’avoir des études comparatives, mais certaines dites « en vie réelle » montrent que les symptômes sont souvent améliorés, mais pas complètement guéris ! Les bouffées de chaleur ne disparaissent pas, elles deviennent juste plus supportables. Une fois installée, soit les femmes supportent bien la ménopause, et c’est tant mieux ! Soit ce n’est pas le cas, on traite les symptômes et la vie est belle.





