Olivier Ferrand fait partie des plus grands brûlés du monde. Son parcours de vie témoigne des forces et des ressources pour arriver à une résilience hors du commun.
Par Antonin Counillon
Vocation Santé : Quelle est l’histoire de votre accident ?
Olivier Ferrand : J’ai eu un accident de camping lorsque j’avais 9 ans, une lampe à gaz a mis le feu à la tente dans laquelle je me trouvais. Mon corps a été brûlé au 3e degré sur 97 % de sa surface. J’ai d’abord été pris en charge provisoirement à l’hôpital de Montpellier pendant 1 mois avant d’être transféré à un hôpital militaire de Paris pendant 5 mois, car ils étaient mieux équipés pour les brûlures importantes.
Durant toute cette période, j’étais placé dans un coma artificiel, j’étais opéré quotidiennement et ce n’était pas plus mal d’être inconscient. J’ai ensuite été en centre de rééducation hospitalier où je suis resté presque 7 ans. J’y ai eu une vie semi-normale avec une école sur place et des activités.
Comment avez-vous géré cela psychologiquement ?
Avoir un accident en étant enfant, ce n’est pas la même chose qu’en étant adulte : il y a moins “à perdre” en étant enfant, notre identité se construit avec cette différence. J’ai pu apprivoiser naturellement mon corps et sa pathologie, durant ces années. L’entourage, la famille et les amis y ont aussi joué pour beaucoup, j’ai eu de la chance de ce côté, mais c’est un facteur qui est aléatoire d’une personne à l’autre.
“Avoir un accident en étant enfant ce n’est pas la même chose qu’en étant adulte”
Le milieu médical offre également un soutien psychologique à travers l’ensemble du corps soignant : les médecins, les kinésithérapeutes, les ergothérapeutes… Il y a également des prises en charge par des psychologues et psychiatres, mais qui comportent parfois encore des lacunes, car il manque de spécialisations dans le domaine : c’est au bon vouloir des professionnels de se former à ce genre de cas. Aujourd’hui, il y a des traitements qui n’existaient pas à mon époque, comme par exemple des hypnothérapeutes spécialisés dans les traumatismes et les cauchemars, qui sont relativement fréquents chez les enfants brûlés.
Vous êtes très présents sur les réseaux, avec votre compte @captain_icarus. Depuis quand communiquez-vous sur votre histoire ?
Cela fait 2 ans que je communique sur les réseaux sociaux. Je m’y expose beaucoup, car cela permet de banaliser la brûlure pour qu’elle soit mieux acceptée. Grâce à cela, j’ai été contacté par des hôpitaux et j’y interviens auprès d’enfants dans le cadre d’un projet patient expert. Déjà, le simple fait de leur montrer que j’ai réussi à bien vivre malgré mes brûlures, notamment avec un travail, une bonne vie sociale et une famille, les rassure.
La plupart des enfants auxquels je m’adresse ont eu leur accident il y a moins de 1 an et il est important de prendre en compte cette temporalité dans les explications. Par exemple, il n’y a pas grand intérêt à leur dire qu’ils en ont pour 15 à 20 ans de soins. En général, je préfère ne pas prendre les devants et je leur laisse poser des questions.
“Le regard des gens traduit souvent des interrogations, mais très rarement des moqueries ou de l’agressivité”
Quelles sont les plus grandes difficultés rencontrées par ces enfants ?
Nous nous sommes rendus compte qu’une des plus grandes problématiques est la sortie d’hospitalisation vers le milieu scolaire et il est important de les rassurer sur cette réintégration. L’enfant n’a pas pu développer une totale acceptation et subira des regards du monde extérieur.
Le but est d’amoindrir la charge émotionnelle à travers des éléments de compréhension et avec le temps il est possible de s’habituer et d’apprendre. Le regard des gens traduit souvent des interrogations, mais très rarement de la moquerie ou de l’agressivité. De plus, ils peuvent être intimidés la première fois qu’ils nous voient, un peu moins la deuxième fois et puis la troisième fois, ils n’en ont plus rien à faire.
Avez-vous des conseils à donner à des personnes dans votre cas ?
Cela n’est bien entendu pas évident, mais il est important de ne pas s’isoler. Beaucoup de grands brûlés n’osent pas sortir de chez eux. Ne pas hésiter à demander de l’aide, parler, aller chez un psy ou pousser la porte d’une association. Pour cela, les réseaux sociaux sont très utiles : depuis que j’y suis actif, j’ai été contacté par beaucoup de personnes qui ont subi des brûlures pour échanger. Le contact et la visibilité améliorent l’acceptation et permettent de rendre les différences normales.
8 000 à 9 000personnes subissent des brûlures chaque année en France qui nécessitent une hospitalisation, selon Santé Publique France.
Olivier Ferrand a réalisé un livret éducatif destiné aux écoles pour aider l’intégration des enfants victimes de brûlures dans le milieu scolaire. Celui-ci s’adresse à la fois aux élèves et au personnel éducatif pour comprendre la brûlure et gérer cela avec bienveillance.





