La pandémie perdure et nous sommes aujourd’hui tous suspendus à la sortie d’un vaccin qui permettrait de nous protéger du virus. L’Inserm a ouvert une plateforme pour se porter volontaire pour les essais cliniques, est-ce que cela veut dire que le vaccin est bientôt prêt ?
Les laboratoires pharmaceutiques du monde entier se sont lancés dans une grande course au vaccin contre le Covid-19. Mais, pour être sûres de l’efficacité et de la sécurité de ses vaccins, les agences sanitaires attendent des essais cliniques complets avant de donner leur approbation. Pour faciliter ces essais en France, l’Inserm a mis au point un site internet, Covireivac.fr, afin de centraliser tous les volontaires. « C’est une première, mais le contexte le justifie », a déclaré Odile Launay, professeure en infectiologie. Il suffit de quelques clics, de remplir un bref questionnaire pour être intégré dans la base. L’objectif de 25 000 volontaires a été atteint en quelques jours. « La forte affluence montre que les Français ont des motivations altruistes », a affirmé la spécialiste. Les volontaires inscrits seront ensuite contactés pour participer à des essais de phase 2 ou de phase 3.
Des essais ont déjà commencé dans de nombreux pays, des États-Unis à l’Afrique du Sud. Les essais français veulent se démarquer par le profil des volontaires, qui ne sont pas que des jeunes gens en pleine forme. « L’objectif est d’avoir un vaccin particulièrement adapté aux personnes âgées », rappelle le professeur Launay. L’Inserm veut avoir des données sur ces patients en particulier, en les comparant à des volontaires plus jeunes. Car avec l’âge, et certaines pathologies, le système immunitaire devient plus faible et sa réaction à un vaccin peut être différente, d’où l’intérêt de la comparaison. En outre, comme la procédure est extrêmement accélérée – d’habitude les essais pour les vaccins durent au moins 10 ans –, il est nécessaire de disposer de beaucoup de données, donc énormément de volontaires. Certains industriels veulent aller jusqu’à 60 000 tests avant de commercialiser leur vaccin.
Il faut aussi essayer plusieurs stratégies vaccinales pour analyser laquelle est la plus efficace, en termes de concentration de principe actif et de doses. Certains vaccins doivent être pris à plusieurs reprises pour être efficaces. Tout cela pousse à multiplier les essais.
À l’heure où nous écrivons ces lignes, six vaccins sont en phase 3, les plus avancés étant ceux du laboratoire anglais AstraZeneca et du laboratoire Moderna, les pouvoirs publics ont bon espoir que l’un de ces vaccins sera accessible au premier trimestre 2020. Les capacités de production n’égaleront pas tout de suite la demande, et les personnes les plus sensibles au Covid seront les premières vaccinées. Cela n’empêchera pas de poursuivre les essais cliniques. « Nous allons continuer à tester des candidats pendant plusieurs mois, voire plusieurs années, pour affiner la stratégie vaccinale », rapporte Jean-Danièle Lelièvre, professeur en immunologie à l’AP-HP.
Essais face à un placebo
Afin de déterminer avec un haut niveau de preuves scientifiques l’efficacité d’un traitement comme d’un vaccin, il faut le comparer au traitement existant et, s’il n’en existe pas, on le compare à un placebo. Cela signifie qu’une partie des volontaires recevront une injection sans principe actif, afin de les comparer avec ceux ayant reçu le traitement, et de voir si celui-ci a un effet.
Comment se déroulent les essais cliniques ?
Phase préclinique
Objectif : évaluation de la toxicité en fonction de la dose en utilisant le produit sur des animaux. Le modèle animal est fonction du médicament à tester, car il faut que la réaction soit la plus proche possible de celle de l’Homme, afin d’assurer la sécurité.
Phase 1
Très petit nombre de volontaires (quelques dizaines)
Objectif :
- L’innocuité du vaccin, c’est-à-dire s’il provoque des effets indésirables
- L’immunogénicité du vaccin, c’est sa capacité à provoquer une réaction immunitaire chez le patient, donc à produire des anticorps.
Phase 2
Petit nombre de personnes (quelques centaines)
Objectif :
- Continuer à analyser l’innocuité et l’immunogénicité du vaccin
- Établissement de la stratégie vaccinale (quelle dose à quel moment et à quelle fréquence ?)
- Premières analyses de l’efficacité : est-ce que le vaccin protège efficacement contre le virus ?
Phase 3
Grand nombre de personnes (plusieurs milliers)
Objectif :
- Déterminer l’efficacité du vaccin
- Déterminer sa balance bénéfice/ risque en le comparant soit à d’autres vaccins, soit à un placebo si pas de vaccin contre la même maladie
Demande d’autorisation de mise sur le marché auprès des agences du médicament -> si autorisation, commercialisation
Phase 4
ou pharmacovigilance : les patients ayant utilisé le vaccin peuvent faire part de potentiels effets secondaires ressentis à leur médecin ou pharmacien, ils sont tous colligés afin d’améliorer la connaissance du traitement.
Certaines phases peuvent être réalisées concomitamment pour gagner du temps. Les essais cliniques durent normalement une dizaine d’années avant commercialisation, voire plus. Ils sont grandement accélérés dans le cadre du Covid-19.
- 200 candidats vaccins à travers le monde, dont environ 40 sont en essais cliniques. Seuls six d’entre eux sont passés en phase 3 des essais cliniques.
Par Pierre-Hélie Disderot