Pharmacien, agronome… Antoine Parmentier a eu mille vies, mais une seule passion, dévorante : la pomme de terre.
La légende urbaine veut qu’il ait importé la pomme de terre en France. Il n’en est rien, même si Antoine Parmentier était certainement l’un des plus grands lobbyistes du tubercule. Né en 1737 dans la Somme dans une famille de petits commerçants, Parmentier entre dès 13 ans en tant que commis dans une pharmacie. Cinq ans plus tard, il fait ses armes dans une officine parisienne qui le forme aux rudiments du métier d’apothicaire. Lorsqu’il a 20 ans, la guerre éclate. N’ayant pas les fonds pour acquérir sa propre officine – les problèmes des pharmaciens de l’époque n’étant pas si différents des nôtres -, Parmentier entre dans la pharmacie militaire. Il est rapidement fait prisonnier à Hanovre. Une détention qui se révélera être un mal pour un bien, car elle lui permettra de découvrir la passion de sa vie : la pomme de terre. Alors que ses geôliers lui servent de la bouillie de patate, la même que celle destinée aux cochons, Parmentier se prend d’affection pour cette plante décriée de tous. Il voit en elle un atout imparable pour lutter contre les famines de l’époque, alors que la patate, considérée comme une nourriture dégradante, est réservée aux animaux. Accusée de provoquer la lèpre, la peste, ou encore de détruire les terres paysannes, la pomme de terre est également dévalorisée par l’église pour des raisons plus terre à terre. Le tubercule rapportait peu en dîme, contrairement aux récoltes céréalières.
Bourreau de travail
De retour en France, Parmentier découvre que la culture en ligne peut augmenter la productivité des cultures de patates et démontre leur innocuité. En 1772, les membres de la faculté de médecine de Paris finissent par déclarer que sa consommation ne présente pas de danger. L’interdiction de cultiver des pommes de terre est finalement levée par le Parlement. L’histoire voudrait que Parmentier ait même servi un repas entièrement composé du tubercule à Louis XVI, qui porta sa fleur à la boutonnière. Son travail de lobbyiste se poursuivit par ailleurs lors de dîners où il recevait les grands hommes de l’époque, à l’instar de Lavoisier ou Benjamin Franklin. Parallèlement, et alors que la pomme de terre devient son cheval de bataille, Parmentier réussit le concours d’apothicaire des Invalides à 29 ans. Il y cultivera un jardin expérimental pendant des années, et deviendra par la suite maître pharmacien. Hygiéniste avant l’heure, Parmentier était persuadé que la santé passait avant tout par une bonne alimentation. Il œuvra ainsi toute sa vie à améliorer la qualité des produits : la conservation du pain et de la farine, l’extraction de sucre à partir de végétaux européens face à la pénurie de sucre de canne liée à l’abolition de l’esclavage en 1793, la culture du maïs… Cuvier, père de l’anatomie comparée, disait de lui qu’il était « partout où l’on pouvait travailler beaucoup, rendre de grands services et ne rien recevoir, partout où l’on se réunissait pour faire le bien, il accourait le premier ».
« La pharmacie exige de la gravité dans les mœurs »
Après avoir créé la Société de pharmacie de Paris, Parmentier devint même professeur à l’école de boulangerie de la capitale. Une vie faite de mille et une passions, de laquelle naquirent nombre d’ouvrages scientifiques, comme le cocasse « Avis aux bonnes ménagères des villes et des campagnes sur la meilleure manière de faire le pain » (1777). Le pharmacien n’abandonna néanmoins jamais la médecine au détriment de l’agronomie. À la fin du XVIIIe siècle, il se battit par exemple pour que la vaccine soit inoculée aux plus démunis, et travailla sur la salubrité des hôpitaux. De la pharmacie, il dira qu’elle « exige plus qu’aucune autre profession, de la gravité dans les mœurs, de la sagesse dans la conduite, une grande docilité aux conseils de l’expérience, l’amour de l’ordre et de la vie sédentaire, une sévérité de principes et une inflexible probité ». Parmentier mourut en 1813, à 76 ans, d’une infection pulmonaire. Il repose désormais au cimetière du Père-Lachaise, non loin de Molière et de La Fontaine. Plus de 200 ans après sa mort, quelques promeneurs viennent encore déposer des pommes de terre sur sa tombe.
Source principale : Société d’histoire de la Pharmacie





