Alors que la plupart des magazines nous incite à perdre du poids avant l’été pour avoir un summer body parfait, nous allons à contre-courant : pourquoi, en réalité, est-il plus risqué de se mettre une telle pression que de ne rien faire ? On vous explique tout avec le Pr Éric Fontaine, médecin nutritionniste.
Pourquoi il ne faut pas chercher absolument à maigrir avant l’été ?
En réalité, la réponse est qu’il ne faut pas chercher à maigrir rapidement à tout prix. Or, c’est ce que propose les journaux et magazines du printemps et de l’été… La quête d’une perte de poids rapide est une erreur, et risquée, comme l’explique le Pr Fontaine : « Il est dangereux de perdre trop rapidement du poids car dans ce cas, on perd surtout du muscle ! Tous ceux qui veulent vous faire croire que vous pouvez rapidement perdre de la graisse sont des menteurs. La promesse de la perte de poids peut être souvent tenue, mais en réalité vous avez surtout perdu du muscle et peu de graisse. » En effet, le muscle contient neuf fois moins de calories que la graisse. On vous explique : 1 gramme de graisse contient 9 kilocalories, alors qu’un gramme de muscle contient environ 1 kilocalorie. Le muscle contient moins de calories pour le même poids, car il est principalement composé d’eau.
Cela signifie que lorsqu’on brûle 1 000 kilocalories, on perd soit 1 kg de muscle soit 110 grammes de graisse. Dans la vraie vie, on perd des deux, en proportion variable selon les situations, mais on perd d’autant plus de muscle que la perte de poids est rapide.
Peut-on perdre 3 kg par semaine ?
L’avis de l’expert : « Lorsqu’on entend qu’un régime permet de perdre 2 à 3 kg par semaine, c’est possible, mais il ne peut pas s’agir de 3 kg de graisse. Pour perdre 3 kg de graisse, il faudrait éliminer 27 000 kilocalories de plus que la dépense habituelle. Sachant qu’un individu consomme en moyenne 2 000 kilocalories par jour (près de 14 000 par semaine), dépenser deux fois plus d’habitude (environ 4 000 kilocalories par jour) serait donc nécessaire, tout en s’abstenant totalement de manger pendant une semaine pour arriver à perdre les 27 000 kilocalories contenues dans 3 kg de graisse. Ainsi, même en arrêtant de manger totalement, on ne peut physiologiquement pas perdre plus d’1 kg de graisse par semaine. »
Mais quand faut-il maigrir alors ?
Avant de se poser la question de perdre du poids, il faut faire de la prévention auprès de :
- Ceux qui sont en surpoids avec une pathologie ou dont le surpoids peut engendrer une pathologie et évoquer un rééquilibre alimentaire : arrêter de grossir, voire de perdre du poids sur le long terme, pour obtenir une perte de poids proportionnelle graisse/muscle.
- Ceux qui ont une raison esthétique, pour qui, médicalement, il n’y a pas de raison de le faire. La meilleure option est de ne pas faire d’écart pour ne pas grossir.
- En cas de pathologie (hypertension, diabète, cholestérol…) : une perte pondérale peut être bénéfique, là encore si elle est lente.
Un régime sans risque : avec de l’activité physique !
L’avis de l’expert : « Il faut que les gens le comprennent : il n’est pas dangereux de maigrir, à la condition que ce soit lentement et en faisant de l’activité physique. En stimulant le muscle, on limite sa perte au maximum. De la même manière, il est utile de diminuer le nombre de calories ingérées, mais pas les protéines qui sont importantes pour nos muscles. Et attention à ne pas tomber dans l’excès inverse : les protéines doivent être consommées en quantité raisonnable. »
Pour limiter la perte de muscle lors de la perte de poids, l’activité physique est donc la meilleure stimulation possible.
Comment faire en pratique ?
Dans la pratique, le régime consiste à manger moins, à créer un déficit calorique mais bien entendu pas de 100 %. Il sera donc possible de perdre quelques centaines de grammes de graisse par semaine lors d’une restriction, mais il ne faut pas espérer plus.
L’avis de l’expert : « Techniquement, notre corps ne peut pas consommer de la graisse sans consommer du muscle. En revanche, la proportion de consommation de la graisse ou du muscle peut être variable, notamment au début de la restriction. Après un certain temps, le corps s’adapte à la restriction et va consommer plus facilement des graisses que des muscles et c’est généralement là que les gens trouvent qu’ils maigrissent moins vite. Pourtant, c’est à ce moment de stagnation, parfois responsable de l’arrêt de la restriction, que le corps commence à puiser plus dans les graisses et moins dans les muscles. Chaque fois qu’on maigrit vite, intentionnellement ou non (par exemple à cause d’une maladie), la proportion de muscle utilisée est importante. »
Perdre et ne pas reprendre : mission impossible ?
Faire un régime puis retrouver les mêmes habitudes qu’avant le régime est la certitude de regagner du poids. Mais pire, ce que l’on reprend est principalement de la graisse, car pour récupérer du muscle, il faut pratiquer de l’activité physique. Après un régime, de retour dans la vie de tous les jours et sans augmentation de l’activité physique, le poids repris est principalement un poids de graisse.
L’avis de l’expert : « Après ces régimes successifs, on se rend compte que, finalement, pour un poids total assez équivalent, les corps sont modifiés : ils ont perdu du muscle au profit de la graisse. Cela se voit particulièrement bien sur les coupes musculaires de scanner ou d’IRM. Pour prendre un exemple, dans une boucherie, on peut constater qu’il existe des viandes rouges sans graisse et d’autres viandes dites persillées. C’est ce qui arrive lorsqu’on fait une succession de régimes. Le principal risque à long terme, c’est justement de transformer sa composition corporelle avec des muscles partiellement remplacés par de la graisse ».
Pourquoi ?
Même sans activité, le muscle a une dépense énergétique alors que la graisse ne brûle aucune calorie. Donc, en enrichissant nos muscles de graisse, à coups de régimes, on diminue notre dépense énergétique totale. C’est pour cette raison que certaines personnes remarquent qu’elles pèsent le même poids qu’avant, en mangeant pourtant moins ! Résultat, malgré l’effort du régime, il n’y a plus de perte pondérale. À force de faire ce type de régime (je maigris vite, je regrossis lentement, etc.), progressivement, le corps perd des muscles, prend de la graisse, tout en diminuant les dépenses énergétiques de repos.
L’avis de l’expert : « Ce n’est pas irréversible, mais cela nécessite une reprise de l’activité physique importante pour gagner du muscle et de ne plus suivre de régime. L’objectif ne doit pas être de perdre du poids pour pouvoir en regagner ensuite car on l’a vu, on perd du muscle et on “gagne” de la graisse… »
Comment faire face à des enfants qui n’aiment pas les légumes ?
D’abord, il ne faut pas interdire les pâtes et les pommes de terre ! En revanche, proposer d’autres aliments est indispensable. Se familiariser avec les fruits et les légumes aide grandement à les apprécier. Demandez aux enfants de vous accompagner au marché ou lors de vos courses, de participer à l’élaboration des repas, etc.
En tant que parent, il faut aussi être un modèle, montrer l’exemple : c’est très important, et cela a une réelle influence sur les enfants et leur rapport à l’alimentation.
L’avis de l’expert : « Chez les plus jeunes, l’activité physique reste très importante. Devant un enfant qui s’ennuie et trompe son ennui en mangeant (comme peuvent le faire très souvent les adultes…), il ne faut pas hésiter à lui proposer de sortir, de faire une activité à l’extérieur, etc. Attention, je ne dis pas qu’il faut interdire les écrans par exemple, juste qu’il ne faut pas passer sa vie devant, qu’il faut sortir courir, marcher, etc. »
Lorsque les enfants sont plus grands, il est indispensable de leur expliquer les bases d’une alimentation équilibrée et l’intérêt d’y tendre.
Il est aussi important et utile de les sensibiliser au marketing qui les entoure et à l’influence de la publicité…
La place du stress
Dire « je mange trop car je suis stressée » peut être vrai malheureusement. Pourtant, ces mauvaises habitudes peuvent coûter cher sur la balance. D’autant plus que dans ces situations, nous allons facilement vers des aliments gras et sucrés…
L’avis de l’expert : « Pour se détendre, se rassurer face au stress, on mange un peu plus… Et il ne faut pas grand-chose pour que ce soit suffisant pour grossir. On estime qu’ajouter l’équivalent d’un sucre (5 g) à chaque repas, soit 15 g par jour, entraîne une prise de 2,4 kg de graisse en 1 an… ».
Sans s’en rendre compte, à cause du stress par exemple, on peut manger davantage très facilement.
Troubles du comportement alimentaire et régime : un lien ?
L’avis de l’expert : « C’est une question importante pour laquelle il est difficile de répondre. Entre les troubles et les régimes, qui est l’œuf et qui est la poule, pourrait-on brièvement résumer. Il est difficile de connaître la cause exacte. »
Il est aussi indispensable d’impliquer directement la pression de notre société où notre image doit être irréprochable, pouvant être à l’origine d’une orthorexie (obsession alimentaire sur la quantité et la qualité des aliments) et donc d’une volonté de contrôle absolu sur son corps, son alimentation, etc. « Chez ces personnes, le plaisir de l’alimentation n’existe pas qui est pourtant essentiel ! »
Comment doit-on surveiller son poids ?
L’avis de l’expert : « Simplement, en se pesant. Mais sans être obnubilé : une fois par semaine, si l’on souffre d’une pathologie ; sinon, une fois par mois suffit ! Il est utile de connaître son poids moyen. Et attention, les variations de poids dans la journée peuvent aller jusqu’à 2 kg ! Selon ce qu’on a mangé, bu, si l’on est constipé ou non, etc. À partir de 3 kg, en plus ou en moins, en 1 mois, il faut se demander quelle peut en être l’explication. »
Et chez les personnes âgées ?
L’avis de l’expert : « Il n’est pas normal de maigrir en vieillissant ! Les personnes âgées ont généralement une dépense énergétique inférieure à celle de leur activité professionnelle. Mais, même en cas de diminution des dépenses caloriques, le besoin moyen en protéines est supérieur : environ 20 % supérieurs aux besoins moyens des adultes. Il est donc indispensable d’enrichir l’alimentation en protéines : viande, œuf, laitages, poisson, pâtisserie… et de surveiller le poids aussi des personnes âgées. »
Pourquoi ?
Lors de la digestion des protéines, une partie des acides aminés est détruite lors de ce que l’on appelle la séquestration splanchnique. Le foie détruit un nombre d’acides aminés qui croît avec l’âge. Ainsi, pour maintenir un taux d’acides aminés équivalent dans les muscles, il faut donc en consommer plus via l’alimentation.
Que penser des traitements chirurgicaux ? (sleeve, bypass…)
La question du bénéfice/risque est indispensable dans ces traitements : le traitement chirurgical peut être une indication dans certaines pathologies, si le risque de mortalité est associé au surpoids par exemple.
L’avis de l’expert : « Mais il faut être très attentif aux dérives ! Des personnes ont été opérées sans preuve que l’opération allait leur sauver la vie, notamment chez les adolescents. À ma connaissance, il n’existe pas d’études qui indiquent que la mortalité est diminuée par l’opération dans cette population. Il est aussi important de s’interroger sur le service rendu à ces patients sur le long terme. D’autant que ces patients doivent, suite à l’opération, se supplémenter en vitamines toute leur vie, particulièrement après un bypass. Et puis, ne soyons pas hypocrites, il existe des dérives mercantiles aussi dans le domaine des traitements chirurgicaux, sans que les critères soient remplis pour être éligibles à l’opération. »
« En réalité, l’objectif ne doit pas être de perdre du poids pour en gagner (spoiler : on en prend toujours), mais de ne pas en prendre trop pour éviter de vouloir en perdre. »
Sucres (cachés) :
composition en glucides d’aliments courants (chiffres issus de Ciqual-Anses 2022)
Grossophobie : une souffrance à ne pas négliger
Le mot grossophobie est entré dans le dictionnaire Robert en 2019 comme l’« ensemble des attitudes et des comportements hostiles qui stigmatisent et discriminent les personnes grosses, en surpoids ou obèses ». La grossophobie touche l’ensemble de la population, à tout âge. Si la société pousse vers un idéal de minceur, les réseaux sociaux ont une responsabilité importante dans l’ampleur de la grossophobie ces dernières années. Les marques de vêtements, qui arrêtent parfois leur taille à 44 ou 46, sont aussi en cause. Alors qu’à une autre époque, la chair et les rondeurs étaient un signe de richesse et donc exhibées, aujourd’hui, le moindre pli cutané devrait être caché pour ne pas être qualifié d’adipeux… Les plus jeunes, moins armés, peuvent souffrir de la grossophobie manifestée par leurs camarades de classe et il est indispensable de les soutenir. Une attention particulière est nécessaire dès la moindre remarque que peut faire un enfant sur son poids (s’il l’estime trop important) pour éviter un engrenage. Il en est de même dans le sens inverse : la première réflexion potentiellement grossophobe doit être discutée avec l’enfant pour comprendre son raisonnement et déconstruire ses croyances.
En cinq points
- Chercher à maigrir lentement
- Comprendre où sont les calories (sauces, mayonnaise, ketchup, fritures, sodas, jus…)
- Apprendre à aimer les légumes qui contiennent, eux, peu de calories
- Changer sa manière de manger pour toute la vie
- Consulter ! (Coaching, renforcement des connaissances, garder sa volonté…)
Par Gaëlle Monfort, avec la collaboration du Pr Éric Fontaine, médecin nutritionniste à Grenoble et Président du collectif de lutte contre la dénutrition.





