Une pénurie de médicaments sévit en France depuis plusieurs années, mais cet hiver a été particulièrement marqué par l’absence d’un grand nombre de produits, dont des médicaments très utilisés comme l’amoxicilline ou le paracétamol. Comment les officines du pays ont-elles ainsi pu se retrouver avec les présentoirs vides ?
Contexte
Dès 2019, Agnès Buzyn, alors ministre des Solidarités et de la Santé, présentait dans sa feuille de route l’importance de « lutter contre les pénuries et améliorer la disponibilité des médicaments en France ».
Elle n’imaginait pas que se préparait alors une pandémie mondiale qui paralyserait le monde plusieurs mois et qui, couplée 2 ans plus tard à une guerre aux portes de l’Europe, embraserait la situation. Avec une inflation générale et des problèmes d’approvisionnement en sus, la population subit de plein fouet ces pénuries médicamenteuses.
Des médicaments dits d’intérêt thérapeutique majeur
Parmi les médicaments concernés par la pénurie, l’amoxicilline, l’antibiotique le plus prescrit aux enfants, qui représente 70 % des antibiotiques des ordonnances et subit une pénurie depuis novembre 2022 dans les officines françaises. À tel point qu’en début d’année 2023, 70 % des pharmacies de l’Hexagone avaient signalé leur absence sur leurs étagères. Autre médicament dont l’absence fait particulièrement parler d’elle : le paracétamol (Doliprane®, etc.) dont la molécule vient elle aussi à manquer dans les rayons des officines. Ce sont en particulier les versions pédiatriques qui manquent, en sirop par exemple.
Au-delà de ces deux médicaments très plébiscités, ce sont au total plus de 300 produits qui ont été déclarés absents par l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) au début de l’année 2023. Ce sont les laboratoires pharmaceutiques qui signalent à l’autorité sanitaire les pénuries qu’ils subissent. Année après année, en particulier depuis 2016, le nombre total de ces signalements augmente.
Un marché français peu attractif
Le Covid-19 a indirectement joué un rôle sur la pénurie, mais il a également eu un rôle bien plus direct, notamment en entravant le bon fonctionnement des lignes de production des médicaments importés en France. Depuis que les laboratoires ont délocalisé leurs productions loin de la métropole, notamment en Inde et en Chine pour y bénéficier d’une haute technologie moitié moins chère qu’en Europe, plus de 80 % des matières premières seraient produites en dehors des frontières françaises pour des raisons financières majoritairement. Or, ces pays ont un besoin grandissant de médicaments, limitant les capacités d’export. Par ailleurs, les pays producteurs de principes actifs ne sont pas les seuls responsables des pénuries de médicaments. Le fonctionnement français en soi est lui aussi un facteur aggravant : avec l’explosion des coûts de production liés à l’inflation généralisée et au coût de l’énergie qui bondit, et sachant que la France achète les médicaments à un prix très bas, les laboratoires fabricants préfèrent se tourner vers d’autres pays européens pour vendre leurs produits à des prix plus avantageux. La Suisse achète par exemple 40 % plus cher que la France, l’Allemagne 33 % de plus et l’Italie 18 % !
Vers une prochaine sortie de pénurie
Les pharmaciens insistent : ce sont les matières premières qui manquent, et non le médicament préparé. C’est donc, quoi qu’il en soit, chez les industriels qu’une lacune de main d’oeuvre se fait ressentir, jusque chez les particuliers. Afin de pallier la demande inassouvie de la patientèle, 47 pharmacies françaises ont été exceptionnellement autorisées par l’ANSM, dès début janvier, à confectionner elles-mêmes les traitements à base d’amoxicilline. C’est le cas par exemple de la pharmacie Delpech, à Paris, où 70 personnes s’affairent dans le préparatoire, laboratoire de l’officine dont les préparations couvrent une bonne partie des demandes en amoxicilline en Île-de- France. Désormais, l’actuel ministre de la santé François Braun se veut rassurant et promet que le pays s’extirpera de cette situation de tension en ce début d’année.
- Plus de 300 produits qui ont été déclarés absents par l’ANSM au début de l’année 2023
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Que faire en cas de pénurie de médicaments ?
Si votre pharmacie n’a pas pu vous délivrer votre traitement, pas de panique ! Pas question de parler d’automédication car un traitement sur ordonnance a un objectif précis et votre médecin a choisi le médicament le plus adapté à la situation. En revanche, discutez-en avec votre pharmacien si des alternatives sont possibles (molécule équivalente, générique…), toujours en gardant à l’esprit que c’est en attendant le réapprovisionnement du traitement initialement prescrit.
Par Pierre-Yves Lerayer & Gaëlle Monfort





