Abilify MyCite, premier neuroleptique connecté, vient d’être approuvé par les autorités américaines. Véritable thérapie du futur, ce produit reste controversé sur le plan éthique.
C’est peut-être le début d’une nouvelle ère thérapeutique. À l’heure où les premiers objets connectés commencent à apparaître en pharmacie, la Food and Drug Administration (FDA), en charge de la commercialisation des médicaments aux États-Unis, vient d’autoriser la mise sur le marché du premier comprimé connecté. Il permettra au thérapeute de s’assurer que le patient a bien pris son traitement.
Un capteur de la taille d’un grain de sable
Abilify MyCite est une déclinaison de l’Abilify, médicament neuroleptique à base d’aripiprazole, indiqué dans le traitement de la schizophrénie et des troubles bipolaires. La différence entre ces deux spécialités réside dans la présence d’un capteur, de la taille d’un grain de sable, constitué de cuivre, d’aluminium et de silice. Sa désagrégation au contact des sucs gastriques permet l’émission d’un signal relayé par un patch, situé sur la cage thoracique, vers une application mobile. Ce patch devra être remplacé toutes les semaines pour être fonctionnel.
Le médecin traitant pourra ainsi s’assurer en consultant un site internet que le traitement est correctement suivi et alerter le patient en cas d’oubli. Cette surveillance accrue de l’observance permettra de lier efficacité thérapeutique et amélioration/dégradation clinique pour des pathologies où le suivi régulier du traitement est complexe. Une communication facilitée entre médecin et patient est également pointée par le laboratoire. L’agence précise qu’il n’a cependant pas été démontré que cette pilule connectée améliorait la prise du traitement. Par ailleurs, elle explique également que la présence d’un délai entre l’ingestion et la réception du signal ne permettra pas une mesure en temps réel ou dans les situations d’urgence telles qu’un surdosage.
Lobbying, éthique et transparence
Sur le plan éthique, l’arrivée des médicaments connectés risque de poser certains problèmes. Tout d’abord, ce genre de dispositifs pourrait porter atteinte à la liberté des malades de se soigner ou non. De plus, comme pour tout outil de santé connecté, la question de la sécurité et de l’exploitation des informations collectées semble légitime. Le marché des données est en pleine expansion, et même s’il existe des organismes publics de contrôle comme la commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), beaucoup de personnes acceptent de les partager sans porter attention aux conditions d’utilisation. De surcroît, aucune entreprise n’est à l’abri de subir un piratage informatique.
Enfin, il existe des enjeux économiques autour d’une meilleure observance des patients. Selon une étude IMS Health-France-Crip publiée en 2014, le coût évitable des complications dues à une mauvaise observance s’élève à 9 milliards d’euros par an. Il existerait donc un réel intérêt financier pour les organismes privés de santé de proposer des forfaits de prise en charge variables en fonction de l’observance des patients s’il existe des moyens pour la mesurer. Il n’est donc pas garanti que la pilule passe auprès de patients, à une époque où les suspicions de lobbying et d’espionnage des entreprises privées tournent à plein régime.