Les athlètes repoussent toujours plus loin les limites du corps humain, mais la pratique de certains sports extrêmes ne se fait pas sans conséquence pour l’organisme. À quoi s’exposent les ultra-traileurs ? Éléments de réponse avec le Dr Jacques Pruvost, médecin du sport et traumatologue.
Par Arthur-Apollinaire Daum
Citius, altius, fortius, plus vite, plus haut, plus fort. Depuis une dizaine d’années, les courses d’ultra-trail sont en vogue. Ce sont des courses dont la distance excède celle d’un marathon classique, soit de plus de 42,195 km. Les principales courses recensées par la Fédération internationale d’athlétisme (World Athletics) font 50 ou 100 km, ou, dans un autre format, durent 24 à 48 heures, durant lesquelles l’objectif est de parcourir la plus grande distance, sur un trajet délimité. D’autres épreuves encore plus longues existent, parmi lesquelles l’Ultra-trail du Mont-Blanc de 170 km et 10 000 mètres de dénivelé ou encore les 6 jours de France, dont le record masculin se situe à 881,509 km et 775,255 km côté femmes.
Vocation Santé : Quelles sont les blessures les plus courantes chez les coureurs d’ultra-trails ?
Dr Jacques Pruvost : Les blessures les plus fréquentes sont les fractures de fatigue. Les chocs répétés, en particulier lors de la descente, créent des lésions osseuses, aboutissant à des fractures. Mais heureusement pour les coureurs, un entraînement adapté permet de les prévenir. Lors des entraînements, la densité osseuse augmente pour faire face à la fréquence élevée des chocs. Les os d’un ultra-traileur sont plus denses que ceux d’un footballeur ou d’un nageur, mais cette densité demande trois années d’entraînement pour être atteinte.
Quel impact sur les articulations ?
Dr Jacques Pruvost : En plus des os, les cartilages des articulations des membres inférieurs sont particulièrement touchés. Les dernières études estiment la durée de vie des genoux des coureurs d’ultramarathon à seulement 15 ans après le début de la pratique de la discipline. Passé cette période, une usure mécanique très importante est observée, à l’origine d’une arthrose évoluée, comparable à celle d’un individu d’une soixantaine d’années. Au bout de
15 ans de pratique, les surfaces amortissantes, cartilages et ménisques, sont altérées et leur cicatrisation ne se fait plus. Cette usure est spécifique des ultra-marathoniens, les coureurs sur terrain plat y sont aussi sujets, mais de manière beaucoup plus retardée.
« Les blessures les plus fréquentes sont les fractures de fatigue »
On voit souvent des coureurs vomir en cours de course. À quoi cela est-il dû ?
Dr Jacques Pruvost : Lors de ces courses, le corps va prioriser l’irrigation sanguine des organes qui en auront le plus besoin. C’est-à-dire les muscles, les membres et le cerveau. L’estomac et les intestins sont les perdants de cette équation et se voient privés de leur apport en énergie et nutriments par le sang. C’est ce mécanisme qui expose le coureur à des vomissements, des diarrhées, des douleurs intenses et, dans les cas les plus extrêmes, il peut y avoir une nécrose intestinale nécessitant une intervention chirurgicale. Les troubles digestifs sont fréquents, 30 à 40 % des coureurs y sont confrontés.
Quels sont les risques inhérents aux courses en haute montagne ?
Dr Jacques Pruvost : L’altitude à laquelle se pratiquent ces épreuves représente un danger potentiel, en tout cas pour les coureurs qui vivent à basse altitude. S’ils n’y prêtent pas garde, ils s’exposent à des problèmes d’ordre respiratoire, voire neurologique, dus à l’appauvrissement de l’air en oxygène. Les courses débutent parfois par un dénivelé positif de plus de 1000 mètres. Si le coureur est arrivé la veille sur le lieu de l’épreuve, son corps n’aura pas eu le temps de
s’adapter. Un délai de 3 jours minimum, 1 semaine dans l’idéal, est recommandé. Ces épreuves de dépassement de
soi ne sont pas pour les débutants, un accompagnement médical n’est pas superflu pour s’assurer de sa sécurité.
Comment préparer son corps ?
Dr Jacques Pruvost : Préparer son corps à un ultra-trail demande du temps et un entraînement adéquat. La technique de course elle-même doit être adaptée pour entraîner le plus efficacement possible les membres inférieurs à encaisser les chocs
répétés d’une course à fort dénivelé. L’alimentation aide aussi à se prémunir d’effets indésirables violents. D’abord, le sel : enrichir son alimentation de produits et boissons salés protègera les reins des contrecoups d’une perte trop
importante de sodium. Ensuite, même si c’est contre-intuitif, s’entraîner à marcher et courir après manger. La digestion induisant une vascularisation supplémentaire des intestins, le corps s’habituera à vasculariser ces organes
aussi lors d’une course.
35h52min
C’est le temps qu’à mis le français Grégoire Curmer pour compléter l’ultra-trail Terre des Dieux, l’un des plus difficiles au monde : 170 km, 11 000 m de dénivelé en suivant les balises du GR20.
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Un livre à destination de tous les coureurs, du néophyte à l’ultra-marathonien, qui souhaitent optimiser leurs chances de réussite.





