Les « régimes anti-inflammatoires », kézako ? Effet de mode ou réelles données scientifiques ? Vocation Santé démêle le vrai du faux sur les liens entre inflammation et alimentation.
L’inflammation, nouvelle ennemie jurée des médias. Depuis des années, fleurissent par milliers, des articles incitant à adopter des régimes anti-inflammatoires. Consommer des aliments dits « anti-inflammatoires » entraînerait pléthore de bénéfices pour la santé : renforcement du système immunitaire, diminution des risques de développer certaines maladies comme le diabète de type 2, les pathologies cardiovasculaires, les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin, l’arthrose, l’asthme, les cancers… La liste n’en finit pas ! Une question demeure : qu’en dit la recherche scientifique ?
Une idée reçue entretient la croyance selon laquelle l’inflammation serait toujours mauvaise. La réalité est plus subtile (voir encadré). C’est lorsqu’elle devient chronique que l’inflammation engendre ses méfaits. À terme, elle fait alors le lit de certaines maladies : problèmes cardiométaboliques, progressions de certains cancers ou encore, pathologies rhumatismales. Adopter un régime anti-inflammatoire pourrait alors être bénéfique. Mais qu’est-ce que ce type d’alimentation ?
Simple équilibre alimentaire
« L’alimentation anti-inflammatoire, ce n’est ni plus ni moins que l’alimentation équilibrée. C’est une appellation un peu marketée de l’équilibre alimentaire », démêle Kévin Seyssel, diététicien-nutritionniste à Corbas (Auvergne-Rhône-Alpes), ainsi que docteur en nutrition et en métabolisme et, créateur de contenu sur YouTube. Riche en fruits et légumes, en céréales complètes, avec une consommation modérée de poissons et de légumineuses, mais faible en viande rouge et en aliments ultratransformés : le régime anti-inflammatoire n’a rien de très novateur par rapport aux recommandations officielles du Programme national nutrition santé de Santé publique France.
« Pour votre santé, mangez au moins 5 fruits et légumes par jour », dit le slogan. « Si elle n’atteint pas cela, notre alimentation est, de base, inflammatoire », argumente le nutritionniste.
Souvent référencée sous l’appellation « régime méditerranéen », l’alimentation équilibrée présente plusieurs avantages. Tout d’abord, elle contient principalement des aliments bruts — fruits et légumes frais — qui ont un effet bénéfique grâce à leur teneur en fibres et micronutriments (vitamines, minéraux, oligoéléments) contrairement aux aliments ultratransformés qui en sont dépourvus.
Le microbiote en action ?
Les fibres sont des glucides (sucres) non digestibles : notre organisme ne les assimile pas lors de la digestion pour en faire de l’énergie. Bien que non caloriques, ces fibres servent à nourrir notre microbiote intestinal, c’est-à-dire notre écosystème microbien intérieur constitué d’environ 100 000 milliards de microorganismes (bactéries, virus, champignons microscopiques…). Ce dernier, via la fermentation des fibres, produit des acides gras à chaînes courtes (acétate, butyrate, propionate…).
Même si toutes les fonctions de ces petites molécules n’ont pas encore été élucidées par les scientifiques, elles serviraient, selon plusieurs études, de médiateurs clés entre le microbiote et l’organisme. Elles pourraient, entre autres, réduire la quantité de molécules pro-inflammatoires (comme la protéine C réactive ou certaines cytokines), améliorer le métabolisme énergétique et moduler le système immunitaire. Cependant, certains acides gras à chaînes courtes, à haute concentration ou dans un contexte physiologique particulier, pourraient avoir des effets pro-inflammatoires. L’étude du microbiote reste à ce jour incomplète.
Éviter la nourriture industrielle
Outre les fibres, l’alimentation méditerranéenne regorge aussi d’acides gras polyinsaturés, notamment d’oméga-3 (poissons gras, graines, huiles végétales…), qui participent aussi à réduire la quantité de marqueurs pro-inflammatoires. Le régime méditerranéen « est un optimum vers lequel il faut essayer de tendre », argumente le nutritionniste.
Plusieurs causes alimentaires seraient responsables de l’inflammation chronique : excès de graisses saturées, d’acide gras trans (résultant de transformation agro-industrielle), de sucres « simples » (ajoutés), de sel, carences en phytonutriments ou encore, présence d’additifs et d’émulsifiants… Tout ceci entraînerait un déséquilibre du microbiote intestinal pouvant accroître la perméabilité des barrières de l’intestin aux molécules pro-inflammatoires.
« Des petits excès ne contrecarrent pas les effets bénéfiques de l’alimentation saine, tempère le diététicien. La problématique, c’est où mettre le curseur ? » Plusieurs nutritionnistes s’accordent sur la règle du 80/20 (80 % du temps des aliments « anti-inflammatoires », 20 % des moins « sains »). Soit environ deux repas par semaine. Ce qui permettrait de garder l’inflammation sous contrôle pour la plupart d’entre nous. Mais ce n’est pas une règle universelle prouvée par des résultats scientifiques. Il existe beaucoup de variabilité entre les personnes.
Si des mesures individuelles sont nécessaires pour équilibrer son assiette, selon Kévin Seyssel, « les politiques doivent aussi s’emparer de la problématique de prévention au niveau alimentaire puisque l’alimentation est l’un des quatre piliers fondamentaux de la bonne santé » avec l’activité physique, le sommeil et la relaxation, selon l’ouvrage éponyme du médecin britannique Dr Chatterjee. Et le nutritionniste de conclure : « On peut prévenir un nombre incommensurable de frais de santé en faisant de la prévention. »
Le focus sur l’inflammation n’est donc qu’un aspect de la nutrition équilibrée. Adopter une alimentation saine permet de réduire le risque de pathologies cardiométaboliques — diabète, obésité, hépatites, etc. — et d’autres pathologies à composante inflammatoire. En revanche, cibler ce seul mécanisme ne résoudra pas tout sans une approche plus globale.
C’est quoi l’inflammation ?
Dans le cas d’une atteinte physique (infection, blessure, allergie…), l’inflammation aiguë désigne la réaction propice et donc, protectrice, du corps. Ce processus naturel, déclenché par des cellules immunitaires résidentes du lieu d’agression, va permettre un recrutement actif d’autres cellules immunitaires in situ (sur place). En parallèle, les vaisseaux sanguins irriguant la zone se dilatent. Rougeurs, gonflements, douleurs et sensation de chaleur en résultent. Cette réaction ne dure généralement que quelques jours.
Au contraire, l’inflammation chronique, dite de « bas grade », désigne un processus inflammatoire anormal. L’atteinte physique est constante. Un ou des facteurs d’agression persistent et entraînent un infiltrat inflammatoire composé majoritairement de cellules immunitaires. Cette inflammation peut durer plusieurs semaines, voire plusieurs années. À terme, celle-ci peut engendrer une cicatrisation pathologique : une fibrose s’installe. Elle engendre alors une surproduction de collagène qui peut conduire, in fine, à la dysfonction, voire à la perte de l’organe concerné.
Par Sacha Citerne





