Les jeux vidéo sortent désormais du monde du divertissement pour toucher la santé. Tour d’horizon des nouvelles thérapies utilisant le virtuel pour guérir le réel.
Des jeux sur tablette ou smartphone pour accompagner le traitement de certains troubles du langage à l’utilisation de la réalité virtuelle pour mettre fin à des phobies ou des addictions, l’univers numérique apporte son lot de nouveautés au monde médical.
Dans cette nouvelle révolution thérapeutique, Poppins, un serious game visant à accompagner les enfants souffrant de dyslexie et de dysorthographie, tire son épingle du jeu. Ce jeu — disponible sur smartphone et tablette — était à l’origine un projet académique mené par l’École Polytechnique et l’AP-HP. Il est issu de l’association entre François Vonthron, président et co-fondateur de Poppins, le Dr Michel Habib, neurologue spécialisé dans les troubles dys exerçant au CHU de Marseille, et le Pr David Cohen, chef du département psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière.
Cette application propose ainsi des jeux de rythme stimulant les parties du cerveau insuffisamment actives chez les enfants “dys”. Elle possède un ensemble de mini-jeux où le jeune joueur doit, par exemple, écouter des phrases pour les reconstituer et résoudre des énigmes dans un monde rempli de personnages colorés. Jouer pour aller mieux
« Les travaux du Pr Habib ont mis en évidence le fait qu’il y a des zones du cerveau qui sont communes à la musique et l’apprentissage de la lecture, détaille Élodie Bernard, chargée des relations extérieures chez Poppins. Ils ont aussi mis en lumière le fait qu’il y a des connexions dans le cerveau plus développées que la moyenne chez les musiciens et qu’elles sont moins riches chez les personnes “dys” ». Des découvertes qui forment la base de Poppins.
Poppins, prouvé scientifiquement
Avec divers jeux linguistiques et musicaux réalisés en collaboration avec Ubisoft, grand nom du jeu vidéo, Poppins offre une nouvelle façon de participer au traitement de la dyslexie et de la dysorthographie chez les enfants de 7 à 11 ans. Ce serious game a été testé dans le cadre d’une étude clinique de phase III comme l’aurait été un médicament ou un vaccin.
« Les résultats préliminaires de l’étude montrent une amélioration de la vitesse de lecture et une précision plus importante chez les enfants utilisant l’application. L’étude démontre aussi une amélioration dans la compréhension des sons composant le langage, notamment chez les enfants atteints d’une dyslexie sévère » détaille Élodie Bernard.
1500 familles
Poppins est utilisé par près de 1500 familles. Les créateurs du jeu ont limité l’utilisation du jeu à des sessions de 20 minutes par jour pour respecter les recommandations officielles de l’Organisation mondiale de la santé concernant le temps d’exposition aux écrans. Qui plus est, ils ont mis à la disposition des parents une plateforme en ligne leur permettant de suivre l’évolution des capacités de leur progéniture.
Pour pouvoir atteindre un panel plus important de familles, Poppins souhaite proposer de nouveaux univers graphiques qui pourront plaire aux adolescents. « Nous travaillons aussi sur de nouvelles études pour pouvoir étendre le nombre de pathologies auxquelles nous nous adressons », ajoute Élodie Bernard.
La réalité virtuelle pour lutter contre les phobies et la dépendance
L’utilisation d’espaces virtuels dans le cadre de thérapie ne se limite pas aux deux dimensions des écrans tactiles. La réalité virtuelle (VR) — ces casques englobant l’ensemble du champ de vision de leurs utilisateurs pour les plonger dans un environnement virtuel — commence à faire ses preuves, tout particulièrement outre-Atlantique.
Lors des séances de psychothérapie menées par des chercheurs, les personnes phobiques ou addictes sont littéralement confrontées à la source de leur mal dans un environnement immersif simulé au sein du casque de réalité virtuelle. Il est alors possible de transporter les patients dans tout type de situations leur permettant d’apprivoiser leurs peurs et leurs manques au fil des séances. L’utilisation de la réalité virtuelle permet de stimuler les mêmes zones du cerveau qu’en situation réelle et donne donc des résultats similaires tout en étant moins coûteuse.
« Nous pourrions même aller encore plus loin avec la réalité virtuelle, imagine Stéphane Bouchard, directeur du laboratoire de cyberpsychologie de l’Université du Québec et détenteur durant 21 ans de la Chaire de recherche du Canada en cyberpsychologie clinique. Prenons l’exemple d’une personne ayant peur des hauteurs. Dans la simulation nous pouvons amener les participants à volontairement plonger dans le vide. Ce qui est contre-intuitif parce qu’on ne ferait pas cela dans la vraie vie. Mais en même temps, on peut réaliser qu’on a le contrôle sur ce que l’on fait et que nous ne sommes pas happés par le vide. C’est un apprentissage émotionnel qui ne peut se faire qu’en VR ».
SnowWorld : une immersion sur la banquise pour apaiser les grands brûlés
Plonger le patient dans un monde glacé pour oublier la douleur intense d’une brûlure, c’est le but de SnowWorld, un jeu en réalité virtuelle utilisé par le centre de traitement des brûlés de l’hôpital pédiatrique Shriners à Galveston au Texas. Le personnel soignant fournit un casque de réalité virtuelle aux patients pour les transporter sur la banquise où ils peuvent faire des batailles de boules de neige avec des pingouins et des ours polaires lorsqu’ils subissent des interventions sur leurs brûlures. Cette technique permet au patient d’oublier sa brûlure le temps de l’opération et réduit sa douleur de 30 à 50 %, ce qui est aussi important qu’une dose modérée d’opioïdes sans les effets indésirables inhérents à ces derniers.
Par Corentin Bell
Crédits : Poppins et Pixabay





