En cette fin d’année, va se tenir une nouvelle édition du Téléthon. Lancé pour la première fois en 1987 par le papa d’un jeune malade, cet événement récolte des fonds à destination de la recherche.
Entretiens avec Serge Braun directeur scientifique et François Lamy, vice-président de l’association AFM-Téléthon.
Rencontre avec Serge Braun directeur scientifique du Téléthon.
Vocation Santé : Les myopathies, qu’est-ce que c’est ? Combien de personnes touchent-elles ?
Serge Braun : Ce sont des maladies neuromusculaires qui touchent soit les muscles soit le système nerveux. On en connait plus de 300. Elles touchent 100 000 personnes en France.
Existe-t-il un traitement curatif ou au moins des pistes de recherche ?
Il commence à y en avoir pour certaines maladies, y compris parmi les plus sévères. Dans le cas de l’amyotrophie spinale infantile, une maladie qui touche les neurones moteurs, il y a maintenant trois médicaments dont une thérapie génique issue de recherches menées au Généthon, le laboratoire expert de la thérapie génique de l’AFM-Téléthon.
Comment fonctionnent les thérapies géniques ?
Le principe est très simple : on administre à l’organisme une information génétique qui va lui permettre de fabriquer une protéine qui lui manque. Pour que l’information atteigne les cellules cibles, on va créer un transporteur à partir d’un virus que l’on aura rendu inoffensif. Comme une lettre que l’on poste, le transporteur va convoyer l’information à destination. « Pour être le plus efficace possible, il faut traiter dès la naissance »
« Pour être le plus efficace possible, il faut traiter dès la naissance »
Au total, combien de temps a-t-il fallu pour développer ces traitements ?
Il faut une génération pour mettre au point une nouvelle famille de médicaments, quelle qu’elle soit. Ça a été vrai pour les transfusions sanguines, pour les greffes d’organes et plus près de nous les immunothérapies. Les premiers essais remontent à la fin des années 1980 et les premiers médicaments enregistrés par les autorités de santé en Europe aux États- Unis l’ont été en 2016. Aujourd’hui, il y a 29 thérapies géniques qui sont reconnues dans le monde.
Quelles avancées récentes a-t-on pu observer, notamment dans le dépistage néonatal ?
Pour être le plus efficace possible, il faut traiter dès la naissance. En quelques semaines, la maladie progresse et fait des dégâts, d’où l’importance du dépistage néonatal. Des études sont actuellement menées dans les régions Grand Est et Nouvelle-Aquitaine pour évaluer une possible généralisation du dépistage néonatal, les premiers résultats sont encourageants.
Et dans la myopathie de Duchenne ?
La thérapie génique est au stade des essais cliniques, il y a cinq équipes dans le monde qui développent une thérapie génique pour cette myopathie, dont Généthon. À ce jour, 300 enfants dans le monde sont rentrés dans ces essais et les résultats sont prometteurs. Un de ces cinq acteurs a obtenu un feu vert de l’Agence du médicament américaine, la FDA, pour les enfants âgés entre 4 et 5 ans.
Une thérapie génique a montré son efficacité chez des patients atteints du syndrome de Crigler- Najjar, quelles perspectives est-ce que cela ouvre ?
Ce syndrome se caractérise par un excès dans le sang d’une protéine, la bilirubine. Elle s’accumule et peut être neurotoxique et mortelle. À la naissance tous les enfants ont un peu d’excès de bilirubine dans le sang. Pour les enfants qui ont ce problème génétique, un traitement à la lampe bleue à vie est nécessaire. Ils y passent jusqu’à 16 heures par jour pour aider à la dégradation de la bilirubine. Cette thérapie génique mise au point par Généthon, a permis à trois patientes, dans le cadre d’un essai clinique, de se passer de la photothérapie depuis au moins 18 mois, grâce à une injection unique dans le sang permettant de fabriquer la protéine manquante dans le foie.
Quelles autres pistes de recherche que les thérapies géniques sont en cours de développement ?
Des thérapies cellulaires où on cherche à régénérer les organes en greffant des tissus reconstitués sont en voie de développement. Cela existe déjà pour la rétine et nous commençons à le faire pour la peau mais il y a un décalage par rapport à la thérapie génique. Il y a quelques essais, quelques avancées, mais ça va prendre un peu de temps.
« Ce qui est important, c’est qu’il reste un espoir »
La dystrophie musculaire de Duchenne en 2023 c’est :
Rencontre avec François Lamy, papa de Luka et vice-président de l’AFM Téléthon
Vocation Santé : Quel âge a votre fils Luka ? De quelle maladie est-il atteint ?
François Lamy : Luka a 16 ans, il en aura 17 lors du prochain Téléthon. Il est atteint de la myopathie de Duchenne, la maladie emblématique du Téléthon.
Comment avez-vous découvert que Luka en était atteint ?
C’est une maladie récessive liée au chromosome X. Ces chromosomes déterminent le sexe de l’enfant. Lorsqu’on reçoit deux X, on développe des caractères féminins ; lorsqu’on reçoit un X et un Y, on développe des caractères masculins. Dans le cas de Luka le dépistage a été rapide. Il devait subir une intervention chirurgicale à l’âge de 15 mois et son bilan sanguin était anormal donc assez rapidement il y a eu une suspicion de myopathie. La CPK était élevée, c’est un marqueur biologique de la dégradation musculaire. Deux mois après le premier bilan sanguin anormal on a eu la confirmation d’une myopathie et encore un mois plus tard on avait identifié la cause génétique.
Quel impact a pu avoir sur votre vie de famille la découverte de la maladie ? Comment est-ce que Luka le vit ?
L’annonce de la maladie est une catastrophe. Chacun réagit différemment mais au début c’était l’effondrement. Après le diagnostic, on rentrait à la maison, on donnait à manger à Luka et tous les soirs avec ma femme on se couchait complètement abattus, sonnés. C’est plus ou moins long pour s’en remettre. Quand on a le diagnostic, ce qu’on voit c’est la mort au bout du chemin et la souffrance qui y mène. Luka le vit relativement bien, c’est difficile de répondre à cette question mais puisqu’il a été diagnostiqué très tôt, il ne se sent pas spécialement malade. Aussi loin qu’il s’en souvienne, il a toujours vécu avec des prises en charge médicales assez lourdes.
Quels soins peuvent être apportés aux malades ?
Il n’existe pas de traitement curatif de la maladie, bien que plusieurs essais cliniques de thérapies géniques qui permettraient peut-être de stopper la maladie soient en cours. Il existe des prises en charge kinésithérapeutiques et médicamenteuses avec des corticoïdes. Ce sont les seuls traitements efficaces qui permettent de ralentir la progression de la maladie. Il se trouve que ces médicaments n’ont pas d’autorisation de mise sur le marché pour la myopathie de Duchenne mais ce sont les seuls efficaces donc on les utilise.
Les avancées de la recherche vous donnent-elles de l’espoir ?
Les potentiels traitements restent pour une indication assez restreinte aujourd’hui : la thérapie génique s’adresse aux très jeunes enfants. Mais ce qui est important, c’est qu’il reste un espoir. Nous suivons ça de près, en se disant qu’un jour, je l’espère, notre enfant pourra en bénéficier. Nous n’imaginons pas inverser la maladie et faire remarcher des enfants ou des adultes mais au moins stopper la maladie. C’est notre espoir. Depuis 30 ans, l’espérance de vie pour les enfants atteints de myopathies de Duchenne a presque doublé, passant de 15 à 30 ans, ce qui est évidemment beaucoup trop court, mais chaque petite avancée permet de gagner des années de vie.
Depuis combien d’années êtes-vous êtes impliqué dans le Téléthon ? Qu’est-ce que cela apporte aussi à votre famille ?
Quand j’étais petit il y avait une manifestation Téléthon dans mon village à laquelle je participais. Lorsque j’ai eu le diagnostic pour Luka, j’ai appelé tout de suite l’association pour voir où en était la recherche et rencontrer d’autres familles touchées. Le fait d’appeler l’AFM Téléthon m’a permis d’entrevoir toute la vie qu’il y a à côté ou à cause de la maladie. L’implication dans l’association c’est surtout pour la communauté, pour tous les malades. La maladie n’est pas une fin en soi. Nous avons la chance avec Luka que la maladie avance moins vite mais nous gardons cette épée de Damoclès au-dessus de la tête, comme la perspective de la perte de la marche par exemple. Une souffrance qui se rajoute à un quotidien déjà pas évident.
Comment résumeriez-vous le combat de l’association aujourd’hui ?
Le combat de l’association, c’est vraiment les maladies rares en général et aujourd’hui plus particulièrement les maladies très rares. Pour la myopathie de Duchenne, il y a quatre ou cinq essais de thérapies géniques, c’est beaucoup pour une maladie rare. Par contre, pour les maladies très rares, là il n’y a plus personne puisque d’un point de vue économique, ça ne présente aucun intérêt. Rendre moins cher le développement de médicaments et trouver des mécanismes de financement du développement de ces médicaments, tout en sachant qu’on ne peut pas passer par toutes les étapes des phases d’accès à l’AMM quand il y a 10 malades dans un pays ou dans le monde. Le Téléthon concentre ses efforts sur les maladies très rares, sur lesquelles les industriels ne vont pas.
Si vous souhaitez faire un don : 
telethon.fr ou 36 37
Par Arthur-Apollinaire Daum
Crédits : AFM-Téléthon





