Petit organe méconnu, la thyroïde joue pourtant un grand rôle dans notre organisme. Alors qu’elle peut être touchée par diverses pathologies, on en parle avec la Pr Françoise Borson-Chazot de la Société française d’endocrinologie et médecin à l’hôpital Louis Pradel, à Lyon.
La thyroïde, qu’est-ce que c’est ?
Située à la base du cou, la thyroïde est un petit organe, d’environ 5 cm et pesant 15 à 20 g. « Il s’agit d’une glande endocrine qui ressemble à un petit papillon, dont les deux ailes se déploient à la base du cou devant la trachée », explique la Pr Françoise Borson-Chazot, endocrinologue à Lyon. La thyroïde produit des hormones qui sont ensuite libérées dans le sang. Il ne faut pas la confondre avec les ganglions, ces organes du système immunitaire situés dans le cou et qui gonflent en cas d’infection.
Les hormones thyroïdiennes
Les hormones produites par la thyroïde jouent un rôle dans de nombreux mécanismes : elles régulent la température corporelle, contrôlent le débit cardiaque, la dépense énergétique… « C’est simple, on ne peut pas vivre sans hormones thyroïdiennes. Les enfants qui naissent sans thyroïde rencontrent de nombreux problèmes, notamment au niveau du développement cérébral et de la croissance, si on ne leur apporte pas d’hormones de substitution », développe l’experte. Les deux hormones sécrétées par la thyroïde sont la T3, qui est l’hormone active mais qui est produite en faible quantité, et surtout la T4, qui se transforme peu à peu en T3 et sert de stock. Ces deux molécules sont notamment formées à partir d’iode qui provient de la nourriture.
« On ne peut pas vivre sans hormones thyroïdiennes »
Le rôle du cerveau
Cependant, la thyroïde ne sécrète pas toujours ces hormones au même rythme. L’hypophyse, une glande située à la base du cerveau, libère une autre hormone, la TSH (pour thyroid-stimulating hormone, hormone stimulante de la thyroïde), qui favorise la production de T3 et de T4 et la croissance de la thyroïde. Quand celle-ci produit trop peu, l’hypophyse sécrète une plus grande quantité de TSH, et à l’inverse, si la thyroïde libère trop d’hormones, le taux de TSH va diminuer. Ainsi, dans les bilans sanguins, c’est bien la TSH qui est mesurée et non les hormones thyroïdiennes directement. Il faut donc lire le résultat « à l’envers » : un taux de TSH trop élevé peut être le signe d’un manque d’hormones thyroïdiennes, et inversement.
Les maladies de la thyroïde
Les goitres
Il arrive que la thyroïde change de taille et grossisse : c’est ce que l’on appelle un goitre. Il peut être directement visible ou détecté par un médecin par palpation. « En vieillissant, des nodules peuvent apparaître dans le goitre, et modifier la production d’hormones thyroïdiennes ou devenir des tumeurs, rajoute la Pr Borson-Chazot. 95 % des nodules sont bénins et doivent simplement être surveillés, mais en cas de goitre multinodulaire volumineux, on peut procéder à une opération pour retirer la thyroïde. » Il est en effet possible de retirer un goitre, notamment s’il devient gênant pour le patient ou si la thyroïde dysfonctionne, mais la plupart ne pose pas de problème. La cause principale à l’origine des goitres est le manque d’iode qui peut être prévenu par l’utilisation de sel iodé. Chez les enfants et les adolescents, un apport en iode peut faire dégonfler la thyroïde, mais chez les adultes, le goitre est fixé et ne se résorbe pas.
Dans les bilans sanguins, c’est la TSH qui est mesurée et non les hormones thyroïdiennes directement.
L’hypothyroïdie
L’hypothyroïdie est une maladie dont la cause la plus fréquente est auto-immune : des anticorps du système immunitaire attaquent des cellules de la thyroïde et la détruisent. C’est une maladie fréquente (2 à 3 % de la population), qui touche le plus souvent des femmes, autour de 40 ans. Les personnes touchées par l’hypothyroïdie se sentent fatiguées, lentes, frileuses, leur cœur est plus lent, elles prennent du poids, développent du cholestérol et souffrent de constipation. « Pour détecter une hypothyroïdie, on dose la TSH pour voir si elle est trop haute. Mais il faut au moins deux dosages pour confirmer le diagnostic, et s’assurer que la valeur n’est pas ambiguë : il est normal de produire plus de TSH avec l’âge pour stimuler la thyroïde, et on produit aussi plus de TSH quand on a une plus grande masse corporelle » précise la Pr Borson-Chazot. En cas de forte élévation de TSH un traitement est nécessaire et consiste au remplacement des hormones manquantes.
La thyroïdite de Hashimoto est une maladie de la thyroïde auto-immune. Plus fréquente chez la femme, elle se manifeste par l’apparition d’un goitre et des symptômes de l’hypothyroïdie. Elle est d’ailleurs une cause très fréquente de l’apparition d’une hypothyroïdie.
L’hyperthyroïdie
À l’inverse, une hyperthyroïdie va se manifester par de la tachycardie (un rythme cardiaque trop élevé), une perte de poids et notamment de muscles, une sensation de chaleur intense accompagnée de transpiration abondante, de l’anxiété et de la nervosité. Sa fréquence est proche de celle de l’hypothyroïdie. « Pour traiter l’hyperthyroïdie, on peut avoir recours à des médicaments qui bloquent la thyroïde, à de l’iode radioactif qui va l’attaquer, ou à une opération », poursuit notre experte.
Les cancers
Les cancers de la thyroïde présentent en général un très bon pronostic. Il s’agit de cancers qui surviennent à tout âge et peuvent toucher une population plutôt jeune, avec un pic de fréquence autour de 25 ans. En particulier, plus le cancer est détecté chez un patient jeune (enfant ou jeune adulte), meilleur est le pronostic. Un goitre qui évolue très vite doit donc inquiéter. Il existe aussi des micro-cancers, dont la fréquence augmente avec l’âge. « 80 % des personnes de plus de 80 ans ont des nodules. S’ils font moins de 1 cm, il faut surveiller, mais il n’y a pas lieu d’opérer et d’entraîner un traitement à vie. L’important est donc de surveiller avant tout » indique la Pr Borson-Chazot.
Comment prendre soin de sa thyroïde ?
Les hormones thyroïdiennes étant composées d’iode, il est important que l’alimentation en apporte une quantité suffisante, ce qui peut autrement causer le gonflement de la thyroïde et l’apparition d’un goitre. « Il faut des apports iodés suffisant, surtout durant l’enfance. Le sel vendu en grande surface est supplémenté en iode, mais attention, ce n’est pas le cas de celui utilisé dans les produits industriels, les restaurants ou les collectivités, comme les cantines » rappelle la Pr Borson-Chazot. Durant la grossesse, les besoins en iode sont augmentés et il est conseillé de surveiller d’autant plus la prise d’iode, voire de recourir à des compléments si besoin : votre médecin ou votre pharmacien saura vous conseiller.
Remplacer les hormones thyroïdiennes
Chez les patients ayant subi une ablation de la thyroïde, il est essentiel de pallier le manque d’hormones. Il s’agit donc d’un traitement à vie, qui va apporter la T4 manquante. Cependant, d’autres traitements peuvent en limiter l’absorption, comme les compléments alimentaires qui apportent du fer, certaines vitamines, le calcium, ou certains traitements pour les douleurs d’estomac. Il est donc important d’en parler avec son médecin traitant afin d’ajuster la prise d’hormones et de ne pas risquer une hypothyroïdie.
Par Edwyn Guérineau





