Après le scandale Lactalis, tout parent s’est demandé comment était fabriqué le lait en poudre destiné aux tout-petits. Dix questions, dix réponses.
Le lait maternel est l’aliment le plus adapté jusqu’au début de la diversification, mais si la mère ne peut ou ne souhaite pas allaiter, d’autres possibilités existent. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande « l’allaitement exclusif jusqu’à 6 mois. De 6 mois à 2 ans, voire plus, l’allaitement doit être complété par une autre alimentation. »
1- Lait, formule, préparation infantile… quelles appellations ?
On parle de lait infantile, mais la véritable nomination est formule infantile. En effet, l’Anses (l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) a récemment rappelé que la réglementation européenne réserve l’appellation « lait » aux produits provenant de la traite d’une ou de plusieurs vaches. Il est donc préférable de parler de formule ou préparation infantile ou de substitut du lait maternel. De même, plus question de parler de laits végétaux, mais de jus végétaux.
2- Quelles différences entre les laits infantiles et les laits vendus en brique ?
Les préparations pour nourrissons (laits 1er âge) comme les préparations de suite (laits 2e âge) et les laits de croissance (laits 3e âge) ont une composition nutritionnelle précise, fondée sur les besoins des enfants aux différents stades de développement. Ils sont élaborés à partir de lait transformé auquel on ajoute les éléments nutritionnels adaptés aux besoins de chaque âge.
- Les laits en brique ou en bouteille ne portant pas de mentions spéciales n’ont pas été développés pour les tout-petits. Leur composition est donc variable (selon les saisons, selon la provenance, etc.) et souvent inadaptée aux besoins nutritionnels des moins de 3 ans.
3- Existe-t-il une réglementation pour sa composition ?
La composition des formules infantiles est très stricte : des directives européennes encadrent les ingrédients autorisés et interdits, mais aussi les quantités et additifs potentiels. L’objectif est de proposer des formules qui se rapprochent du lait maternel, l’aliment idéal pour couvrir les besoins nutritionnels des nourrissons.
- En France, l’arrêté du 11 avril 2008 (JORF du 23 avril 2008) fixe les ingrédients et les teneurs minimales et maximales en vitamines et minéraux autorisés pour ces produits, ainsi que les règles d’étiquetage, de présentation et de commercialisation.
- Les réglementations européennes sur les formules infantiles sont établies sur la base d’études scientifiques et des collèges d’experts en pédiatrie (European Society for Pediatric Gastroenterology, Hepatology and Nutrition, Société française de pédiatrie, etc.).
4- Comment fabrique-t-on les laits infantiles ?
L’ingrédient principal est du lait de vache. Ce lait, collecté frais par les industriels, est ensuite pasteurisé (chauffé à une température haute pour tuer l’ensemble des bactéries et virus potentiels), écrémé, puis transformé en poudre de lait. Cette poudre, sorte de lait concentré, est ensuite mélangée à d’autres ingrédients : des matières grasses, des glucides, des nutriments essentiels (vitamines, minéraux, facteurs de croissance), etc. pour répondre aux exigences réglementaires européennes. L’ensemble de ces étapes, de la traite de la vache au conditionnement de la poudre en boîte, est entrecoupé par de nombreux contrôles (bactériologiques, physicochimiques, etc.) pour s’assurer que la formule répond aux normes strictes exigées.
- Si la « recette de base » assure la qualité de la préparation, chaque industriel peut ensuite agrémenter la formule (à condition que les agréments soient autorisés par la réglementation européenne), notamment selon son indication. En effet, en cas de régurgitations, le lait aura un épaississant précis, en cas de coliques, des probiotiques peuvent être ajoutés, etc.
5- Comment choisir un lait infantile ?
Le choix de la formule infantile dépend essentiellement des parents : ils choisissent généralement de poursuivre avec la formule proposée à la maternité quand l’enfant semble bien la tolérer. Lorsque l’allaitement est interrompu, c’est souvent le médecin s’occupant de l’enfant qui recommande une marque, suivie ou non par les parents.
- En cas de coliques, de régurgitations ou d’autres symptômes, des formules spécifiques peuvent être proposées pour soulager votre bébé. N’hésitez pas à demander conseil à votre pharmacien ou votre médecin.
- Sachez qu’il est possible de changer de formule infantile si vous le souhaitez, par exemple parce qu’elle est trop chère ou parce qu’elle n’est pas disponible près de chez vous (argument important quand on sait que c’est l’aliment exclusif pendant 6 mois, pas simple s’il n’est vendu que dans un point de vente, loin de chez vous !). La réglementation impose des listes d’ingrédients strictes, permettant ce changement de lait sans conséquence sur la santé du bébé, seul le goût peut varier et entraîner (ou non) une préférence de l’enfant.
6- Quels sont les risques en ne donnant pas ces laits infantiles ?
Des cas de carences graves font malheureusement régulièrement la une des médias, les parents ayant nourri leur enfant avec du lait inadapté (ou des jus végétaux), souvent par conviction ou méconnaissance des risques. La Société française de pédiatrie a d’ailleurs mis en garde les professionnels de santé et les parents contre l’utilisation de ces boissons non destinées aux enfants afin d’éviter toute malnutrition qui peut entraîner la mort des enfants.
- L’Anses rappelle également dans sa saisine de 2011 que « toute insuffisance d’apport en énergie, protéines ou acides aminés, lipides, minéraux, vitamines, oligo-éléments peut avoir des répercussions sur la croissance en poids, en taille et sur le développement cérébral. Les répercussions sont d’autant plus sévères que l’insuffisance d’apport est précoce, importante et prolongée. »
7- Que penser des « laits » végétaux ?
Les jus végétaux (improprement appelés laits) ne sont pas adaptés à l’alimentation infantile et sont à éviter chez les enfants de moins de 1 an. À partir de 1 an, s’ils sont donnés, ils ne doivent pas remplacer la consommation de lait maternel ou de formule infantile, ils doivent être exceptionnels.
Leur composition ne répond absolument pas aux besoins des plus petits et des carences graves ont entraîné l’hospitalisation et même la mort de plusieurs enfants notamment en Belgique et en Italie.
- Il existe des préparations de suite élaborées sans protéines de lait de vache (par exemple en cas d’allergie de l’enfant, ou pour répondre aux convictions des parents), entre autres à base de protéines de riz ou de lait de chèvre, mais il est indispensable qu’elles indiquent sur leur emballage qu’elles sont adaptées à l’alimentation des enfants de moins de 3 ans. N’hésitez pas à demander conseil à votre pharmacien.
- Amande, soja, quinoa, châtaigne… Ces jus vendus souvent en magasins bio ne contiennent pas assez de calcium (voire pas du tout), d’acides gras essentiels et de fer et sont sans intérêt pour la croissance de l’enfant. Ils peuvent même être néfastes si ces éléments nutritionnels ne sont pas apportés par un lait adapté en supplément. La Société française de pédiatrie a établi une recommandation et a porté plainte contre X pour qu’une alimentation des nourrissons avec des boissons végétales soit considérée comme une maltraitance nutritionnelle.
8- Jusqu’à quand donner du lait infantile ?
Il existe trois types de lait infantile :
- la préparation pour nourrissons (de la naissance à 6 mois),
- les préparations de suite (de 6 mois à 1 an)
- et les laits de croissance (de 1 an à 3 ans).
Selon la Société française de pédiatrie : « Les laits de croissance contribuent à une bonne couverture de tous les besoins nutritionnels des enfants, quelle que soit la prise de denrées non lactées, sans aucun risque d’excès d’apport et sont recommandés pour les enfants de 1 à 3 ans. » Une bonne solution pour assurer l’équilibre nutritionnel lorsque les enfants ont des difficultés à manger de tout…
9- Et pourquoi pas du lait de vache ?
Le lait de vache est parfait pour faire grandir les petits veaux… mais pas les petits humains ! Selon le Plan national nutrition santé, les besoins en nutriments des humains et de leurs progénitures sont différents : le nourrisson a besoin « d’une nourriture adaptée, permettant de couvrir ses besoins nutritionnels, d’assurer sa croissance et son développement ». Le lait de vache et aussi le lait de chèvre ou les jus végétaux n’ont pas l’ensemble des éléments recommandés pour une croissance optimale. Les formules infantiles sont plus adaptées, notamment par leurs apports en fer et en acides gras essentiels.
- Si le lait est l’aliment exclusif avant 6 mois et majoritaire jusqu’à 1 an et doit donc être particulièrement adapté, le recours à du lait de vache après 1 an est possible, dans le cadre d’une alimentation équilibrée pour couvrir les besoins spécifiques des bébés de cet âge. Cependant, la Société française de pédiatrie recommande les laits de croissance (3e âge) qui sont spécifiquement développés pour répondre aux besoins des petits (enrichis en fer, en acides gras essentiels, en vitamines et appauvris en protéines et en sodium).
10- L’affaire Lactalis : où en est l’enquête ?
Décembre 2017, l’usine Lactalis de Craon demandait le rappel de ses laits en raison d’une contamination aux salmonelles. Les salmonelles sont des bactéries responsables de gastroentérites généralement bénignes, mais qui peuvent avoir des conséquences plus importantes chez les nourrissons, plus fragiles que les adultes. Trente-huit nourrissons ont été contaminés, certains hospitalisés. Après enquête, il semble de la contamination des poudres de lait soit due à des travaux qui ont eu lieu dans l’usine et qui ont rendu perméable la stérilité exigée dans ces usines. Les bactéries ont donc pu atteindre l’intérieur des bâtiments et contaminer les cuves de fabrication. Après arrêt de la partie concernée de l’usine pour nettoyage, un redémarrage de la production a été autorisé cet été.
- Des inconnues subsistent malgré tout : pourquoi le laboratoire chargé de faire les analyses n’a-t-il pas détecté les bactéries dans les échantillons testés ? D’autres laits, fabriqués en amont des rappels, étaient-ils potentiellement contaminés ? La suite de la procédure nous le dira peut-être.
Gaëlle Monfort





