Maladie de la peau parfois impressionnante, mais sans gravité, le vitiligo se manifeste par l’apparition de taches décolorées sur le corps et le visage. Pour palier aux difficultés quotidiennes de la maladie, de nouveaux traitements se développent et seront bientôt disponibles pour les patients.
Qu’est-ce que le vitiligo ?
Le vitiligo est une atteinte de la peau qui se manifeste par des plaques blanches, bien délimitées, et qui s’étendent peu à peu. Ces plaques sont souvent symétriques des deux côtés du corps et touchent aussi bien le visage que le reste du corps, comme les mains ou même les parties génitales. Le vitiligo peut aussi provoquer un blanchiment des poils ou des cheveux. « Il s’agit d’une maladie auto-immune, explique Thierry Passeron, professeur de dermatologie au CHU de Nice et chercheur à l’Inserm, ce qui veut dire que le système de défense du patient se retourne contre lui-même et détruit les mélanocytes, les cellules qui fabriquent les pigments de la peau. »
Est-ce que c’est dangereux ?
Bien qu’il soit sans danger pour la santé et qu’il ne provoque pas de douleurs, le vitiligo peut malgré tout représenter une difficulté psychologique au quotidien pour les personnes atteintes. « Cela peut avoir des retentissements sur la vie professionnelle, sociale, ou sexuelle des patients, poursuit le Pr Passeron. Il est démontré que l’atteinte à la qualité de vie peut être supérieure que celle dans le diabète ou la dépression. » Ce mal être provient essentiellement de la stigmatisation des autres personnes face à l’aspect des patients. Pourtant, le vitiligo n’est pas contagieux, et le contact avec les personnes touchées ne présente aucun risque. Cependant, cette pathologie est parfois associée à d’autres maladies auto-immunes, le plus couramment des troubles de la thyroïde, que les médecins recherchent de façon préventive chez les patients.
Qui est touché ?
Cette maladie relativement fréquente, qui touche entre 0,5 et 2 % de la population, concerne aussi bien les hommes que les femmes, et ce partout dans le monde. « C’est une pathologie qui se manifeste souvent chez la personne jeune : d’un tiers à la moitié des cas se déclarent avant 20 ans, et 80 % avant 30 ans », précise le médecin. S’il existe une part de prédisposition génétique, il ne s’agit cependant pas d’une maladie héréditaire : avoir un vitiligo ne signifie pas que ses enfants le développeront à leur tour nécessairement. Cependant, avoir un parent ou un membre de sa fratrie atteint par le vitiligo est une prédisposition, et augmente à 5 ou 8 % les risques de le développer également.
Comment soigner le vitiligo ?
Jusqu’à présent, il n’existait pas de médicament indiqué spécifiquement pour le vitiligo. Les dermatologues utilisaient cependant des traitements plus généraux dans le but de limiter la réponse immunitaire et donc la destruction des mélanocytes, avec des séances d’UV en complément pour repigmenter la peau. Cependant, en avril dernier, l’Agence européenne du médicament a donné son accord pour une mise sur le marché d’un nouveau traitement destiné à prendre en charge le vitiligo, à la suite de deux essais cliniques concluants.
Un nouveau traitement encourageant
Ce médicament, qui devrait être rendu accessible d’ici le printemps 2024, consiste en une crème à appliquer deux fois par jour sur les plaques dépigmentées. « C’est un médicament très bien toléré par les patients, avec peu d’effets secondaires », relève le Pr Passeron. Si cette crème a montré de bons résultats sur les plaques du visage, elle est moins efficace sur le corps et en particulier sur les extrémités (mains et pieds). « C’est un véritable progrès, puisque c’est le premier traitement vraiment destiné au vitiligo, mais ce n’est pas une solution miracle pour autant, prévient le dermatologue. Dans tous les cas, il faut du temps : entre 6 et 24 mois de traitement pour obtenir une repigmentation significative. Il ne faut pas espérer avoir des résultats en quelques semaines. »
Une crème à associer avec des UV
Pour rétablir la pigmentation de la peau, cette nouvelle crème cible certaines molécules de la réaction immunitaire impliquées dans la destruction des mélanocytes, ce qui leur permet de se régénérer peu à peu. La peau commence alors à reproduire de la mélanine, le pigment qui la colore. « Dans les essais cliniques, les plaques de vitiligo ont complètement ou presque complètement disparu chez 30 % des patients après un an, simplement avec la crème, détaille le Pr Passeron. Dans la vraie vie, quand on associera cette crème avec des UV ou des expositions solaires, je suis très confiant qu’on obtiendra d’encore meilleurs résultats. »
D’autres médicaments à venir
Bien que notable, ce traitement reste un premier pas dans la prise en charge du vitiligo : « Chez des patients dont 5 ou 10 % de la surface corporelle est touchée, il est compliqué d’appliquer une crème le matin et le soir pendant un an. Désormais, des traitements oraux sont en développement pour les formes très étendues, utilisant des molécules de la même famille que pour la crème. » Des progrès sont aussi attendus pour traiter plus efficacement des zones difficiles comme les mains et les pieds, et pour soigner d’autres formes du vitiligo, plus rares. C’est le cas par exemple du vitiligo segmentaire, qui ne touche qu’une partie limitée du corps. « Cette crème constitue la première génération de traitement, mais il y en a plein d’autres qui arrivent, car il existe désormais un vrai engouement dans la recherche médicale autour de cette maladie », se réjouit le spécialiste.
Le vitiligo face au soleil
Contrairement aux idées reçues, le vitiligo ne rend pas plus sensible aux cancers de la peau liés au soleil. Si les zones dépigmentées sont plus à risque de faire des coups de soleil, les patients atteints de vitiligo présentent moins de cancers cutanés, et notamment de mélanomes, les “cancers du grain de beauté”, du fait de leur système immunitaire qui s’en prend aux mélanocytes. Au contraire, une exposition modérée au soleil, ou aux UV chez le dermatologue, aide à repigmenter la peau.
La greffe pour traiter le vitiligo
Pour certaines formes de la maladie, il est aussi possible d’avoir recours à une greffe de mélanocytes. Cela concerne notamment les patients dont la maladie est stable depuis au moins 1 an, et le vitiligo segmentaire, très localisé. Plusieurs techniques existent, et consistent la plupart du temps à prélever des mélanocytes sur une zone saine, afin de les réintroduire dans les plaques dépigmentées.
Le saviez-vous ?
- Le mot vitiligo vient du latin vitium (défaut) et possiblement du grec leukós (blanc)
- La maladie se déclare avant 20 ans pour un tiers des patients, et avant 30 ans pour 80 % d’entre eux.
- Jusqu’à 2 % de la population serait concernée par le vitiligo
Par Edwyn Guérineau





