Le cancer du sein, c’est quoi ?
Le cancer du sein est la prolifération anormale des cellules de la glande mammaire. « Différents paramètres définissent une agressivité plus ou moins importante du cancer : taille de la tumeur et ses possibles métastases*, type d’anatomopathologie, présence de récepteurs* hormonaux, présence de facteurs de prolifération ou de diffusion… », explique le Pr Nicole Tubiana-Mathieu, oncologue au centre hospitalo-universitaire de Limoges.
L’importance de la pluridisciplinarité
« C’est au cours de ces 20 dernières années que nous nous sommes rendu compte que les nombreuses étapes thérapeutiques de la prise en charge du cancer nécessitaient la coordination de l’ensemble des spécialistes : chirurgien, oncologue, radiothérapeute… », décrit Nicole Tubiana-Mathieu. La réunion de concertation pluridisciplinaire, mise en place il y a 20 ans avec le premier plan Cancer (2003-2007), permet ainsi de réunir les différents spécialistes afin qu’ils discutent ensemble de la conduite à tenir pour chaque patient.
La généralisation du dépistage
Le dépistage organisé du cancer du sein a été mis en place en 2004. Les femmes âgées de 50 à 74 ans sont invitées à réaliser une mammographie tous les 2 ans. « Le dépistage permet de diagnostiquer des tumeurs de plus en plus petites et ainsi de mettre en place une prise en charge précoce », précise Nicole Tubiana-Mathieu.
Une meilleure connaissance de la tumeur
Mécanismes, récepteurs, marqueurs* moléculaires… La meilleure connaissance biologique et moléculaire du cancer du sein permet de mieux le caractériser et ainsi de proposer un traitement sur mesure.
Les évolutions thérapeutiques
En fonction des différentes caractéristiques de la tumeur, l’équipe médicale propose le traitement le mieux adapté. Plusieurs options sont envisageables, seules ou combinées.
Chirurgie
Le but de la chirurgie est de retirer le tissu cancéreux. La chirurgie du sein est de deux types :
- Non conservatrice : ablation totale du sein (mastectomie).
- Conservatrice : seuls la tumeur et le tissu environnant sont retirés (tumorectomie).
« La chirurgie a été nettement allégée, le geste est moins agressif, en particulier au niveau du curage ganglionnaire [ablation de tous les ganglions de l’aisselle] qui a pu partiellement disparaître grâce à la technique du ganglion sentinelle [qui consiste à retirer et analyser dans un premier temps uniquement le ganglion le plus proche de la tumeur afin de déterminer s’il est utile ou non de retirer les autres]. Des recherches sont en cours pour l’alléger davantage », indique Nicole Tubiana-Mathieu.
Radiothérapie
La radiothérapie consiste à irradier la zone tumorale. Elle est généralement utilisée après la chirurgie pour détruire les dernières cellules cancéreuses. « Les nouvelles techniques sont de moins en moins toxiques et permettent une irradiation plus concentrée et plus rapide », explique l’oncologue.
Hormonothérapie
Certains cancers du sein sont dits « hormonosensibles », c’est-à-dire que leur développement est sensible à la présence d’hormones (oestrogènes ou progestérone) en raison de la présence de récepteurs* au niveau des cellules cancéreuses. Selon Nicole Tubiana-Mathieu, « l’hormonothérapie est une arme majeure dans le cancer du sein. Environ 60 % des cancers du sein présentent ces récepteurs hormonaux ». Aujourd’hui, les nouveaux médicaments sont moins toxiques et plus efficaces. « La durée du traitement a aussi évolué : chez certains types de patientes, l’hormonothérapie est mise en place sur 10 ans contre 5 ans auparavant ».
Chimiothérapie
Les médicaments de chimiothérapie agissent sur les cellules cancéreuses pour les détruire ou empêcher leur multiplication. « La durée des chimiothérapies a été raccourcie, on est passé de cures d’1 an à des cures de 4 à 6 mois », indique l’oncologue.
Thérapies ciblées
L’utilisation des thérapies ciblées a explosé ces dernières années. Ces nouvelles thérapeutiques ont la particularité de cibler spécifiquement les cellules cancéreuses en épargnant les cellules saines. Les cellules cancéreuses sont reconnues par les médicaments grâce à des récepteurs* présents à leur surface. Un des récepteurs le plus souvent exprimés chez les patientes est HER2 (20 % environ des tumeurs). « L’avènement des thérapeutiques ciblées a bouleversé de manière positive la prise en charge des cancers exprimant ce récepteur », s’enthousiasme Nicole Tubiana‑Mathieu.
Immunothérapie
Le but de l’immunothérapie est de stimuler le système immunitaire afin qu’il combatte la tumeur. Cette thérapeutique, révolutionnaire pour certains types de mélanomes notamment, n’en est à qu’à ses balbutiements pour le cancer du sein. Des essais sont en cours, mais il n’y a actuellement pas de traitements à disposition des patientes.
Soins de support
La prise en charge du cancer ne se limite pas à la neutralisation du cancer par des traitements spécifiques, il s’agit aussi de prendre en compte les conséquences de la maladie et des traitements, telles que les nausées et vomissements, la fatigue, les douleurs, etc. C’est ce qu’on appelle les soins de support, qui ont pour objectif d’améliorer la qualité de vie des patientes. Les soins de support sont désormais mis en place d’emblée, ce qui n’était pas le cas il y a 20 ans. Pour Nicole Tubiana-Mathieu, « la plus grande avancée en termes de soins de support est la reconnaissance des bienfaits de l’activité physique sur la fatigue, la qualité de vie, la récidive et la survie ».
Grâce aux progrès techniques et médicaux, le panel des thérapeutiques à disposition des patientes atteintes de cancer du sein s’est considérablement élargi et a contribué à améliorer nettement l’espérance de vie.
Grossesse après un cancer
Un désir mieux pris en compte
Du fait que le cancer du sein est de mieux en mieux soigné et d’une survenue parfois précoce chez la femme, nombre de patientes peuvent espérer avoir un enfant après leur cancer.
Or Nicole Tubiana-Mathieu, oncologue, rappelle que « la chimiothérapie induit la ménopause dans 70 % des cas après 40 ans et dans 30-40 % des cas à 30 ans ». Aussi, dès le diagnostic posé, le désir d’une éventuelle grossesse doit être évoqué avant mise en place des traitements. Il existe en effet différentes techniques de congélation des ovocytes pour une éventuelle grossesse ultérieure.
Quelques chiffres
63 ans, c’est l’âge moyen au diagnostic.
1/9, c’est la proportion de femmes qui aura un cancer du sein au cours de sa vie.
* Lexique :
- Métastases : on parle de métastases lorsque des cellules tumorales ont migré à distance du site initial. Par exemple, un cancer du sein est dit métastatique lorsque le foie est atteint également.
- Récepteurs : ce sont des protéines spécifiques présentes au niveau des cellules.
- Marqueurs tumoraux : ce sont des substances produites par les cellules cancéreuses, que l’on retrouve dans la circulation sanguine.
Rencontre avec Catherine Cerisey
Ancienne patiente, blogueuse et e-patiente
Catherine Cerisey a eu un cancer du sein diagnostiqué en 2000, qui a récidivé en 2002. Ablation du sein, reconstruction mammaire, chimiothérapie… Après plusieurs années de traitement, elle a décidé de faire de son cancer une force en contribuant à valoriser la place du patient dans le parcours de soins.
Vous avez lancé votre blog suite à votre cancer du sein.
Quand mes traitements ont été terminés en 2008, j’ai effectivement décidé d’ouvrir un blog d’informations que j’ai intitulé « Après mon cancer du sein »*. Au début, je relayais les initiatives d’Octobre rose, puis très vite, j’ai commencé à écrire mon histoire. Le blog a commencé à prendre de l’ampleur, à se faire connaître via les réseaux sociaux.
Je suis arrivée au bon endroit au bon moment : à cette époque, émergeait tout juste l’idée de placer le patient au centre de la prise en charge, et en parallèle, les journalistes commençaient à écouter la voix des blogueurs. Aujourd’hui, j’ai moins le temps d’écrire, mais il m’arrive encore de réagir lorsqu’un fait me marque, soit sur ma vie personnelle ou sur l’actualité… C’est au feeling et selon le temps que j’ai.
Aviez-vous imaginé que votre blog puisse avoir une telle portée ?
Non, et ce n’était pas le but ! Le but était vraiment d’informer les femmes atteintes d’un cancer du sein, de les accompagner et de leur redonner de l’espoir. J’aurai moi-même adoré rencontrer une femme qui avait 10 ans de recul sur la maladie pour pouvoir me projeter. Et je me suis dit qu’avec un blog j’allais toucher un grand nombre de femmes.
Quelles sont vos autres activités ?
Avec mon blog, j’ai commencé à me dire qu’il y avait probablement des actions à mener pour améliorer le parcours de soins des patients. J’ai notamment travaillé avec l’association Cancer contribution, qui a une démarche de démocratie sanitaire. Il m’a aussi semblé intéressant d’ouvrir une agence de conseil en santé pour permettre à tous les acteurs souhaitant mettre en place des projets pour les patients (associations, hôpitaux, agences de communication, laboratoires pharmaceutiques…) de le faire avec des patients. J’ai donc créé l’agence Patients & Web fin 2012-début 2013.
J’ai également travaillé avec une agence de communication sur le projet Ressources et Vous** : rédaction de livrets destinés aux patientes atteints de cancer du sein métastatique, rencontres avec des patientes dans toute la France et élaboration d’une web radio.
Quel impact a eu votre cancer sur votre parcours ?
Mon cancer a changé absolument tout. J’aurai pu essayé de reprendre une activité professionnelle – même si on sait à quel point c’est difficile avec un trou dans son CV de plusieurs années –, mais je me suis dit que ce cancer j’allais en faire une force.
J’estime qu’on acquiert des compétences en traversant un cancer et que ces compétences-là peuvent être mises en avant.
D’une certaine façon, en restant confrontée au cancer, je le mets à distance, avec comme but ultime d’aider les patients à traverser le mieux possible leur maladie. Je pense avoir une sensibilité que n’ont pas forcément les personnes qui ne sont pas passées par là.
Si vous aviez un message à faire passer ?
Jamais rien sur nous [les patients] sans nous. Il ne faut pas imaginer ce que les patients veulent, il faut travailler avec eux.
**www.prochedemalade.com/ressources-et-vous (une initiative Novartis Oncologie)
Propos recueillis par Charlène Catalifaud