De quel malaise cardiaque parle-t-on ?
David Ginola a présenté un syndrome de mort subite d’origine cardiaque, c’est-à-dire que son coeur s’est mis à battre de façon complètement désordonnée (fibrillation ventriculaire). Il n’a alors plus envoyé le sang dans tout le corps comme il l’aurait dû. Dans l’immense majorité des cas, le syndrome de mort subite révèle une pathologie sous-jacente jusque-là inconnue. David Ginola, lui, présentait des artères coronaires avec un peu d’athérome (dépôt par accumulation de différents éléments dans la paroi des artères qui irriguent le coeur : graisse, sang, etc.), et l’une d’elles s’est bouchée. Le sang n’a alors plus perfusé les cellules du coeur, qui s’est mis à battre irrégulièrement. Il s’agit d’une complication très classique lorsqu’une artère du coeur se bouche. Le Pr Gilles Dreyfus, qui a opéré David Ginola au Centre cardio-thoracique de Monaco, a précisé qu’il n’avait pas fait d’infarctus. Pour qu’il y ait un infarctus, il faut qu’il y ait une mort des cellules, c’est-àdire que si le manque de perfusion du coeur dure assez longtemps, les cellules cardiaques meurent. Dans le cas de Ginola, une artère s’est bouchée pendant quelques secondes, provoquant une arythmie et une mort subite, mais, grâce à une prise en charge rapide, les cellules ne sont pas mortes et il n’y a donc pas eu d’infarctus.
Qu’est-ce qu’un quadruple pontage ?
Lorsqu’une artère est bouchée, il faut la déboucher. Pour cela, 2 options sont envisageables : – la dilatation de l’artère suivie de la pose d’un stent (sorte de ressort) à l’intérieur de celle-ci. Le geste est “simple” et est réalisé au moyen d’une sonde que l’on passe dans une artère radiale (au niveau du poignet) ou fémorale (au niveau du pli de l’aine) ; – un pontage, c’est-à-dire une dérivation via une autre artère implantée en aval de celle présentant des rétrécissements dus à l’athérome. Lorsque le pontage artériel est impossible, le chirurgien peut recourir à un pontage veineux pour lequel il prélèvera un bout de veine dans la jambe. L’une des extrémités de la veine sera rattachée à l’aorte et l’autre extrémité sera rattachée à l’artère en dessous de la zone qui est bouchée. Le coeur pourra alors être perfusé par le biais de cette nouvelle artère ou veine. Cette technique est plus lourde que la dilatation, car elle impose une chirurgie à coeur ouvert. Elle est choisie lorsque la dilatation est techniquement impossible. Dans le cas de Ginola, le chirurgien a préféré réaliser 4 pontages (ce qui veut dire que 4 artères étaient abîmées !).
Trois gestes pour sauver une vie en cas d’arrêt cardiaque
Appelez le 15 ou le 112
depuis un téléphone fixe ou portable.
Commencez à masser le cœur
jusqu’à l’arrivée du Samu.
Si d’autres personnes sont présentes, demandez-leur
si un défibrillateur est disponible à proximité.
Si c’est le cas, dites-leur d’aller le chercher le plus vite possible et défibrillez.
Quelques chiffres
- 110, c’est le nombre de morts subites d’origine cardiaque chaque jour en France.
- 213, c’est le nombre de morts d’une crise cardiaque chaque jour en France.
Interview du Pr François Carré,
cardiologue, service médecine du sport, CHU de Rennes
Un malaise cardiaque est toujours surprenant chez un ancien sportif, mais est-ce si rare ?
F. C. : Le sport n’immunise pas contre les maladies cardiaques. Il y a moins d’accidents cardiaques chez les sportifs que chez les non-sportifs, mais, même si le risque est très nettement diminué, il n’est pas de 0. Chez l’ancien sportif, tout dépend de la vie qu’il a menée après avoir arrêté le sport. Ce n’est pas parce qu’il a fait du sport pendant 15 ans qu’il n’a aucune chance d’être malade. S’il commence à fumer (d’ailleurs, beaucoup de sportifs fument !), s’il prend 30 kg et s’il mange n’importe quoi, il peut tout à fait être touché par un malaise cardiaque. L’exemple le plus classique et le plus terrible est celui de Johan Cruyff, ancien footballeur international néerlandais qui a survécu à un accident cardiaque, mais est mort d’un cancer du poumon. C’était un grand fumeur et, malgré des années de football au plus haut niveau, les artères de son coeur se sont bouchées. Le sport n’immunise donc en rien contre les maladies cardiaques. En revanche, pour un ancien sportif qui continue à faire du sport régulièrement et qui a une bonne hygiène de vie, le risque d’avoir un problème cardiaque est très faible. Donc moi cela ne m’étonne absolument pas qu’un ancien sportif bouche ses artères, tout dépend du mode de vie qu’il a adopté depuis qu’il ne fait plus de sport !
David Ginola a été hospitalisé seulement une dizaine de jours ? Est-ce la procédure habituelle ?
F. C. : Oui, aujourd’hui, dès qu’un patient va suffisamment bien, il sort. Si David Ginola est sorti après une dizaine de jours, c’est que l’intervention s’est bien passée et que l’équipe médicale qui l’encadrait a considéré qu’il pouvait sortir. On ne prend jamais le risque de faire sortir un patient plus tôt (même si c’est une célébrité !).
Un suivi particulier est-il nécessaire après un malaise cardiaque ?
F. C. : Dans l’immense majorité des cas, pour éviter que les artères se rebouchent, un traitement préventif est le plus souvent prescrit. Il associe un traitement anti-cholestérol et d’autres médicaments en fonction du degré d’atteinte du coeur (nécrose ou non, etc.). Si un stent a été posé, un traitement antiagrégant est également prescrit pour empêcher la formation de caillots au niveau du stent. Il doit être pris pendant 1 an puis, généralement, il est diminué.
Les prises en charge ont-elles évolué, comme dans d’autres disciplines, vers l’ambulatoire ?
F. C. : On intervient maintenant beaucoup plus vite chez les patients présentant des artères bouchées, dès l’apparition des symptômes. Et, effectivement, on met de plus en plus en place l’ambulatoire. Auparavant, on passait par une artère fémorale, donc une grosse artère, pour poser les stents. Il fallait donc garder le patient plus longtemps, car il y avait des risques plus importants, notamment de saignements. À présent, on passe par les artères radiales, plus petites, qui se trouvent au niveau du bras. C’est donc moins traumatisant et ce n’est pas rare que le patient entre le matin et puisse ressortir l’après-midi, voire le lendemain.