Depuis plus de dix ans, Valérie Damidot affiche sa bonne humeur sur les écrans de télé. Une image de bonne vivante, souvent moquée par son poids, qui cache en réalité une maladie hormonale : l’hypothyroïdie. Ce trouble de la glande thyroïde serait ainsi responsable de sa prise de poids. Après la naissance de ses enfants, l’animatrice de 51 ans affirme avoir pris quatre tailles et tenté, en vain, de maigrir.
Quand le papillon bat de l’aile
Température corporelle, consommation d’énergie, transit intestinal… La glande thyroïde, située à la base du cou, régule notre métabolisme. Et cette régulation se fait grâce aux hormones sécrétées par la glande : les hormones thyroïdiennes T3 et T4. Lorsque l’organe, en forme de papillon, n’est plus capable de produire assez d’hormones, on parle d’hypothyroïdie. Tout alors est ralenti. Le coeur bat plus lentement, la peau est pâle et sèche, la température du corps baisse et les nutriments sont moins vite brûlés. Résultat : l’hypothyroïdie peut entraîner une prise de poids rapide, souvent récalcitrante. Néanmoins, dans la majorité des cas, la prise de poids ne dépasse jamais quelques kilos.
Une prise de poids réversible
Lorsqu’elle est prise en charge, l’hypothyroïdie peut rapidement se stabiliser. Généralement, en quelques semaines de traitement, grâce à des hormones de synthèse, le taux revient à la normale. Et le poids aussi ! Seulement, la fatigue, le stress, la ménopause ou simplement une mauvaise hygiène de vie peuvent freiner cette perte de poids… Dans la moitié des cas, l’hypothyroïdie est la conséquence d’une réaction auto-immune. Le système immunitaire se retourne contre les cellules de la thyroïde, après une infection virale par exemple. D’autre part, l’hypothyroïdie peut être le résultat d’une exposition à la radioactivité, d’une chirurgie de la thyroïde ou encore d’une carence en iode, constituant essentiel de ces hormones. S’il existe de nombreux dérèglements de la thyroïde, l’hypothyroïdie reste le plus fréquent.
Le saviez-vous ?
L’injure “crétin des Alpes” est intimement liée à l’histoire de la thyroïde ! Et une épidémie de “crétins” a bel et bien existé dans les Alpes, jusqu’au début du XXe siècle. À l’époque, les montagnards avaient un accès très limité au sel de mer, riche en iode. Par conséquent, cette carence en iode entraînait un déficit d’hormones thyroïdiennes, notamment chez les nouveau-nés. Ces derniers naissaient avec de graves retards de développement physique et mental. Ceux qu’on appelait à l’époque les “crétins des Alpes” souffraient en réalité d’une hypothyroïdie congénitale. En 1952, pour pallier ces carences, les sels de table français sont supplémentés en iode. La carence en iode est, encore aujourd’hui, la première cause de déficience mentale évitable dans le Monde.
Hypothyroïdie : les chiffres clés
3 questions au Dr Carine Courtillot,
endocrinologue à l’hopital de la Pitié-Salpêtrière à Paris
La prise de poids est-elle un signe fréquent d’hypothyroïdie ?
C. C. : La prise de poids est assez courante, mais pas obligatoire ! 100 % des malades ne grossissent pas et, en général, cette prise de poids n’excède pas trois ou quatre kilos en moyenne. C’est la conséquence d’une diminution du métabolisme. Comme la thyroïde fonctionne au ralenti, le corps stocke plus et brûle moins. Mais contrairement aux idées reçues, on ne prend pas une quinzaine de kilos, en quelques semaines, à cause d’une hypothyroïdie. Si c’est le cas, c’est qu’il y a une autre cause sous-jacente, comme un problème alimentaire par exemple. Par ailleurs, l’hypothyroïdie peut entraîner une prise de poids indirecte. Le malade est plus fatigué ou déprimé, et peut donc avoir tendance à manger plus, et bouger moins.
Le diagnostic est-il facile à poser ?
C. C. : Souvent, l’un des premiers signes qui poussent à consulter est la fatigue. Même si ce n’est pas un symptôme très spécifique, les médecins généralistes ont souvent le réflexe de prescrire un dosage de TSH. Cette hormone, produite par l’hypophyse dans le cerveau, stimule la thyroïde et permet de vérifier la quantité d’hormones thyroïdiennes dans le corps. C’est très facile à faire, donc le diagnostic est rapidement posé. On propose ensuite souvent une prise en charge médicamenteuse quand le taux de TSH est supérieur à 10 μU/ml. Mais cela dépends des cas. La norme se situe généralement entre 1 et 4 μU/ml.
Comment traiter une hypothyroïdie et la prise de poids associée ?
C. C. : On ne propose pas de prise en charge alimentaire. Le traitement de l’hypothyroïdie est uniquement médicamenteux. Cela consiste à prendre des hormones thyroïdiennes de substitution. Et en général, le taux hormonal se régule en quelques semaines ou quelques mois. C’est assez long… Si après ce traitement, le patient reste en surpoids, c’est qu’il y a autre chose et qu’il faut mettre en place une prise en charge alimentaire adaptée. L’hypothyroïdie est plus fréquente chez les femmes après 40 ans.
Connaît-on les origines de l’hypothyroïdie ?
C. C. : Une hypothyroïdie peut être la conséquence d’une chirurgie de la thyroïde ou d’une radiothérapie dans une zone proche, mais pas d’un médicament par exemple. La forme d’hypothyroïdie la plus fréquente est la maladie d’Hashimoto, qui est la conséquence d’une réaction auto-immune. L’hypothyroïdie peut aussi avoir une origine hypophysaire. L’hypophyse est la glande qui commande la thyroïde dans le cerveau. Cette forme d’hypothyroïdie peut entraîner des erreurs de dosage et de diagnostic, car on ne peut pas se fier à la TSH. Il faut alors doser la T4.
Contrairement aux idées reçues, on ne prend pas une quinzaine de kilos à cause d’une hypothyroïdie.
Hypo, hyper, comment bien les reconnaître ?
Si l’hypothyroïdie se caractérise par une chute des hormones thyroïdiennes, l’hyperthyroïdie voit, à l’inverse, ces concentrations augmenter. Quelques symptômes fréquents de ces deux dérégulations de la thyroïde, pour ne plus jamais les confondre !
À lire
Dans son ouvrage « Planète thyroïde », Jean-Marc Comas, endocrinologue, revient sur le parcours parfois douloureux des malades et leur prise en charge.
Quelles difficultés vivent au quotidien les malades souffrant d’hypothyroïdie ?
L’hypothyroïdie pose des problèmes dans la vie de tous les jours, car parfois l’entourage ne comprend pas forcément bien la maladie. Des couples peuvent divorcer, des problèmes relationnels ou au travail peuvent s’installer, notamment à cause des troubles de l’humeur engendrés par l’hypothyroïdie. Les malades vont aussi être moins réactifs, et avoir plus de problèmes de mémoire par exemple. La maladie entraîne de vrais problèmes dans la vie quotidienne. L’hypothyroïdie touche majoritairement les femmes.
Y a-t-il de moments dans la vie où elle sont plus propices à développer cette maladie ?
Oui, particulièrement lors d’une transition hormonale, comme lors de la grossesse ou la ménopause par exemple. Globalement, le risque de développer une hypothyroïdie augmente avec l’âge.Souvent, les patients prennent du poids et se sentent gorgés d’eau, avec la peau sèche et épaisse. Cependant, la prise de poids peut être aussi la conséquence d’une ménopause ou d’un changement de mode de vie, et non de l’hypothyroïdie.
Y a-t-il encore de la méconnaissance autour de cette maladie ?
Oui, souvent la maladie n’est pas forcément très bien enseignée à la fac, en particulier autour des questions de changement d’humeur. Le second problème est que les normes de dosage de TSH ne sont pas toujours standardisées entre les différents laboratoires. Du coup, il arrive que des patients soient traités à tort, ou, à l’inverse, pas diagnostiqués. Au sein de l’Association française des malades de la thyroïde, avec laquelle je collabore, nous recevons parfois des patients en errance thérapeutique depuis des dizaines d’années et qui se tournent vers l’automédication. Mon ouvrage est destiné à faire avancer la prise en charge des patients atteints de maladies thyroïdiennes. Rien ne bouge, alors que c’est un véritable problème de santé publique.
Une partie des recettes du livre est reversée à l’Association française des malades de la thyroïde. www.planete-thyroide.fr.