Suspicion autour des hormones, crainte du stérilet, inconfort du préservatif… De plus en plus de femmes se tournent vers des méthodes dites naturelles. Avec des résultats parfois douteux.
En février dernier, l’alerte a été donnée par la Fédération nationale des collèges de gynécologie médicale (FNCGM). Elle dénonce la montée en puissance des méthodes contraceptives naturelles, qui « nous font revenir très en arrière », déplore-t-elle. Retrait du partenaire avant l’éjaculation, prise de température, calendrier d’ovulation… « Avec un taux d’échec de l’ordre de 17 à 20 %, ces procédés dont la fiabilité est un leurre sont entretenus par les réseaux sociaux », indique encore la fédération. Garantie sans hormones ni effets indésirables, la contraception naturelle prend de l’ampleur. Et pour cause : la désaffection des Françaises envers la pilule est nette. Selon le dernier baromètre Santé publique France, seules 36 % des femmes utilisent la pilule aujourd’hui, contre 45 % en 2010. « On s’aperçoit que les jeunes femmes prennent une contraception orale vers 15-16 ans, puis vers 19-20 ans, étudiantes, pas de vie de couple, une sexualité plus ou moins épisodique, elles s’arrêtent de prendre la pilule qui à leurs yeux n’est plus considérée comme quelque chose de facilitant, mais plutôt comme un acte contraignant », explique pour sa part la FNCGM. Sans compter les remous autour des pilules des 3e et 4e générations.
Si la majorité de celles qui refusent la pilule s’est ensuite tournée vers le stérilet, d’autres se laissent tenter par des méthodes artisanales. L’efficacité d’une contraception est calculée grâce à l’indice de Pearl. Un indice de 12 signifie que 12 grossesses ont été observées sur 100 femmes avec le contraceptif. L’indice de Pearl doit être comparé avec l’efficacité pratique, observée dans la vie quotidienne. Car des aléas, comme un oubli de pilule ou un préservatif déchiré, peuvent faire baisser l’efficacité.
La méthode Ogino
Utilisée dans les années 1950, la méthode Ogino consiste à s’abstenir de rapport sexuel les jours du cycle où la femme est fertile. L’ovulation arrive au 14e jour du cycle, le 1er jour étant le premier jour des règles. Sachant que l’ovule peut vivre 24 heures et les spermatozoïdes 5 jours, la fenêtre de fertilité s’étalerait du 9e au 22e jour du cycle. Durant cette période, l’abstinence, ou la protection avec un préservatif, doit être totale. Dans les faits, il resterait une petite semaine par mois de possibilité de relation sexuelle sans protection. C’est peu. D’autant plus que cette méthode est loin d’être fiable. À tel point qu’après la Seconde Guerre mondiale, les Français parlent de « bébé Ogino ». Sous l’effet du stress, d’une infection ou de fatigue, le jour d’ovulation peut être avancé ou retardé. Et ce, même chez les femmes qui ont des cycles réguliers. Bien sûr, nous ne saurions que la déconseiller aux femmes aux cycles irréguliers : à l’adolescence ou en préménopause.
- 9 % Taux d’échec pour une utilisation parfaite (indice de Pearl)
- 25 % Taux d’échec en vie réelle
La prise de température
Au moment de l’ovulation, la température du corps augmente légèrement, de 0,2 à 0,4 °C. Pour repérer la période d’ovulation, et ainsi adapter son abstinence, certaines méthodes proposent de prendre sa température tous les jours au lever. Une fois la température augmentée, il faudra attendre 3 jours avant le prochain rapport sexuel. Seul problème : la température du corps peut varier à cause d’un simple rhume par exemple, et fausser l’analyse. Par ailleurs, puisque les spermatozoïdes vivent 5 jours dans l’utérus, il faudrait également envisager l’abstinence avant l’ovulation et donc le pic de température…
- 0,5 % Taux d’échec pour une utilisation parfaite (indice de Pearl)
- 20 % Taux d’échec en vie réelle
Observation de la glaire cervicale
Pour faciliter le passage des spermatozoïdes, lors de la période fertile, la glaire cervicale secrétée par le col de l’utérus est plus fluide. Elle est liquide et file entre les doigts. À l’inverse, pendant la période infertile du cycle, la glaire est plus épaisse, pâteuse et blanchâtre, et le passage par les spermatozoïdes est presque impossible. En observant tous les jours sa glaire, il pourrait être possible d’adapter sa sexualité aux périodes fertiles. Sauf que la consistance de la glaire peut être modifiée par de multiples facteurs, comme le désir sexuel, la présence de sperme ou une infection vaginale, rendant cette méthode contraceptive peu fiable.
- 1 % Taux d’échec pour une utilisation parfaite (indice de Pearl)
- 22,5 % Taux d’échec en vie réelle
La méthode sympto-thermique
Cette méthode a l’avantage de combiner toutes celles qui précèdent : prise de température, calendrier et observation de la glaire. Multicritère, elle consiste également à auto-observer les modifications de texture de son col de l’utérus. Une manipulation ardue. En dehors des règles et de la période d’ovulation, le col est palpable et très dur. Lors de l’ovulation, il devient plus mou et ouvert. Lorsqu’elle est bien appliquée, cette méthode peut être efficace selon l’OMS. Cependant, la maîtriser est complexe et quelques mois de pratique sont nécessaires. Ces observations doivent être corrélées avec l’apparition de symptômes prémenstruels.
- 0,4 % Taux d’échec pour une utilisation parfaite (indice de Pearl)
- 2,4 % Taux d’échec en vie réelle
Le retrait
Méthode la plus artisanale et la plus simple qui soit, le retrait consiste pour le partenaire à éjaculer en dehors du vagin ou de son entrée. L’éjaculation étant un réflexe, elle est parfois difficile à contrôler et anticiper. Et les quelques gouttes de liquide préséminal, qui précèdent l’éjaculation, peuvent contenir quelques spermatozoïdes suffisant pour engendrer une grossesse. Le retrait possède un fort pourcentage d’échec.
- 4 % Taux d’échec pour une utilisation parfaite (indice de Pearl)
- 19 % Taux d’échec en vie réelle
Appli et IVG
Ces méthodes, aussi incertaines soient-elles, se digitalisent. En témoigne le succès de l’application suédoise « Natural Cycles ». Chaque matin, l’utilisatrice doit prendre sa température, rentrer le résultat dans l’appli et noter le premier jour de ses règles. « Natural Cycles » indiquera alors si c’est un jour fertile ou non, tout en précisant ne de pas utiliser cette information comme un résultat, mais une prédiction.
Elle se vante d’être « la seule appli contraceptive certifiée », avec un taux d’échec de 1 à 10 %. Le site met d’ailleurs en avant une étude d’efficacité, réalisée par des « experts indépendants » suédois, mais financée par Natural Cycles. De quoi douter de l’impartialité des résultats. « La femme n’est pas un “robot” et ne fonctionne pas toujours comme un métronome », indique la fédération des gynécologues. À Stockholm, 37 femmes qui avaient dû subir un avortement après avoir utilisé l’application ont porté plainte contre Natural Cycles. D’autres plaintes devraient suivre.
Un désamour pour la contraception ?
Entre 5 et 10 % des femmes seraient adeptes de la contraception naturelle. Au-delà d’un manque de fiabilité, toutes requièrent une période d’abstinence et des contraintes sur la vie sexuelle. Si la contraception reste un choix libre pour chaque femme et chaque couple, la FNCGM rappelle que : « depuis 40 ans, la contraception a apporté une amélioration de la qualité de vie et de la santé des femmes et cela correspond à l’arrivée de la pilule ».
Si la pilule est moins utilisée, il n’y a pas, pour autant, de désamour global pour la contraception. La part de femmes qui n’utilise aucune contraception est en baisse, de 13,6 % en 2010 à 8 % aujourd’hui. Enfin, des contraceptions non hormonales et efficaces existent. C’est le cas du stérilet au cuivre, du préservatif masculin et féminin, ou encore du diaphragme associé à un spermicide.
Efficacité des principales méthodes contraceptives
Léa Galanopoulo