C’est un fait, les premières applications digitales ont obtenu un remboursement de l’Assurance maladie ! Allons-nous nous faire soigner par notre smartphone et quelle place prendra l’intelligence artificielle dans la santé ?
Depuis plusieurs années, nos appareils digitaux nous suivent et nous conseillent : montre connectée qui nous motive à faire du sport, application pour surveiller nos repas ou notre arrêt du tabac… Désormais, un autre cap a été franchi, la Sécurité sociale rembourse des applications, qu’elle considère comme thérapeutiques.
Moovcare et les applications de suivi
La première application à avoir obtenu le remboursement, Moovcare, est une solution proposée aux personnes atteintes d’un cancer du poumon. « En utilisant Moovcare, le patient remplit un questionnaire à 12 entrées qui va directement être envoyé au médecin concerné », explique Armelle Graciet, directrice industrielle du Snitem, l’organisation représentant les professionnels du dispositif médical, à laquelle les applications digitales de santé sont associées. Si les réponses aux questions semblent alarmantes, le logiciel prévient alors le médecin qui réévaluera l’état du malade. Pour obtenir le remboursement, Moovcare a dû présenter des preuves d’amélioration de la durée de vie des malades (lire encadré).
D’autres applications de ce type sont actuellement en développement : pour l’insuffisance cardiaque, respiratoire ou rénale, ou pour le suivi des implants cardiaques par exemple. « Ces applications permettent au médecin d’agir en amont pour éviter une complication ou une réhospitalisation. Il y a des algorithmes dans ces solutions qui envoient des alertes aux professionnels de santé », souligne Armelle Graciet. Ces Il faut réaliser des études cliniques pour démontrer un intérêt. C’est l’avenir, mais c’est très long à développer. Armelle Graciet, directrice industrielle du Snitem solutions digitales s’inscrivent dans une logique de suivi du patient, elles ne soignent pas en tant que telles, mais aident le médecin en l’informant.
L’intelligence artificielle au service de la thérapie digitale
Toutes les applications digitales ne sont pas des liens de communication avec les professionnels de santé. Par exemple, l’application Diabéo, aussi remboursée, qui est dédiée aux diabétiques. « En fonction des paramètres rentrés dans l’application, elle calcule la quantité d’insuline nécessaire au patient. Il n’y a pas d’intervention directe du professionnel de santé, même si celui- ci a accès aux informations dans l’application, ce qui permet tout de même de discuter avec son médecin lorsqu’il s’est passé quelque chose d’anormal et de comprendre pourquoi », rapporte Armelle Graciet.
L’application est dans ce cas thérapeutique, dans le sens où elle aide aux soins sans forcément passer par un tiers. Diabeloop, qui est aussi une application pour aider les diabétiques, va plus loin. C’est une intelligence artificielle qui calcule la quantité d’insuline nécessaire grâce à un capteur de glucose sanguin. Elle va ensuite injecter la bonne dose via une pompe à insuline connectée. « Les solutions avec IA sont beaucoup plus difficiles à développer techniquement et il y a davantage de conditions de sécurité, car le risque est plus important. Il faut réaliser des études cliniques pour démontrer un intérêt. C’est l’avenir, mais c’est très long à développer », assure la directrice des affaires industrielles.
Seriez-vous prêt à monter dans un avion sans pilote ?
Actuellement, l’IA est surtout utilisée dans le diagnostic, pour épauler les médecins. « De nombreuses start-up se lancent, notamment sur la lecture de radios et dans l’anatomopathologie, certaines ont obtenu le marquage CE. Il existe des IA qui reconnaissent des cancers du sein sur imagerie avec un taux de succès équivalant à l’oeil d’un radiologue. Et l’intelligence artificielle ne se fatigue pas ! », déclare Armelle Graciet.
Avec l’IA, un cap est franchi, mais oserons-nous laisser notre santé entre les mains d’une machine ?
Aujourd’hui, la loi ne le permet pas, car il doit toujours y avoir une garantie humaine. En plus de cela se posent certaines questions, éthiques bien sûr, mais aussi de cybersécurité. Imaginez un hacker prendre le contrôle d’un dispositif médical vital.
« La responsabilité pèse sur le fabricant, qui s’engage à garantir la sécurité des données, la fiabilité, etc. En retour, s’il y a un incident ou un contrôle, et que ces engagements ne sont pas respectés, la sanction est lourde, jusqu’à 10 % du chiffre d’affaires global, répond la responsable, pour qui : la confiance doit être gagnée, car c’est une belle promesse, qui fera épargner du temps au médecin, pour qu’il le passe avec ses patients ».
« Il faut réaliser des études cliniques pour démontrer un intérêt. C’est l’avenir, mais c’est très long à développer ». Armelle Graciet, directrice industrielle du Snitem
Pourquoi est-ce remboursé et à quel prix ?
Pour pouvoir demander un prix de remboursement, le constructeur de l’application doit réaliser une série d’essais cliniques à la méthodologie rigoureuse. Le traitement, dans notre cas l’application, est comparé aux meilleures thérapeutiques actuelles : l’état de l’art. « Il faut démontrer a minima que vous êtes aussi bon et, à ce moment-là, il faut que vous soyez moins cher, ou alors que vous apportiez une amélioration », explique Armelle Graciet. Moovcare, par exemple, a démontré que les patients se servant de l’app vivaient en moyenne 7,6 mois de plus que ceux ne l’utilisant pas. C’est une amélioration de la thérapeutique, une application ne pouvant évidemment se substituer à un traitement anticancéreux.
Ensuite, il faut encore discuter du prix avec les pouvoirs publics. Après de longues négociations et délibérations, le prix de Moovcare a été fixé à 1 000 euros par semestre. « Le prix d’un traitement ne se justifie pas sur son coût, mais sur le bénéfice de santé qu’il apporte à la population et sur les économies qu’il fait faire au système », souligne-t-elle.
Par Pierre-Hélie Disderot