Marie est à bout. Aujourd’hui, elle fête ses 17 ans, et la situation ne s’est toujours pas arrangée. Chaque mois, elle éprouve de vives douleurs au moment des règles. Des douleurs qui la clouent au lit, l’empêchant d’avoir une scolarité normale.
Même ses amis commencent à manifester des signes d’impatience, quand elle ne peut pas sortir avec eux à cause de son « mal de ventre ». Sans parler de son petit copain, certes compréhensif, mais qui se demande pourquoi elle le rejette systématiquement. Les douleurs au moment des rapports sont insupportables. Pourtant, Marie reste muette. Elle se demande parfois si toutes les jeunes filles ne sont pas comme elle, à souffrir en silence.
Mais cette année est une année importante, celle du baccalauréat. Sa plus grande peur est de ne pas pouvoir assister aux examens, à cause de ses douleurs intenses. C’est décidé, elle va enfin en parler à son gynécologue et mettre un mot sur sa maladie…
Comme 1 femme sur 10 en âge de procréer, Marie souffre certainement d’endométriose, une maladie gynécologique qui peut s’avérer très invalidante au quotidien.
L’endométriose, qu’est-ce que c’est ?
L’endométriose est liée à la présence hors de l’utérus, de cellules de l’endomètre qui tapissent normalement l’intérieur de l’utérus. Ces cellules vagabondes viennent principalement coloniser les organes génitaux tels que les ovaires ou le vagin, mais peuvent également atteindre les appareils urinaires et digestifs, et plus rarement la plèvre voire les poumons.
Comment parviennent- elles à sortir de l’utérus ? Lors des règles, il est fréquent que du sang transportant avec lui des fragments d’endomètre, s’échappe de l’utérus via un passage qui ne lui est normalement pas dédié : les trompes de Fallope.
Ce phénomène de reflux de sang, ou « menstruation rétrograde », concernerait 90 % des femmes, mais heureusement toutes ne sont pas atteintes d’endométriose. Il est donc probable que des facteurs de susceptibilité individuelle interviennent également dans le développement de cette maladie.
Chez une femme non touchée par la maladie, les tissus rebelles vont rapidement être éliminés par le système de réparation naturel de l’organisme, tandis que chez une femme atteinte d’endométriose, ils auront tendance à se développer, engendrant des lésions, des adhérences – c’est-à-dire l’union de 2 organes ou tissus proches normalement séparés – et des kystes ovariens.
Quels en sont les symptômes ?
Les femmes atteintes d’endométriose relatent des douleurs pelviennes insupportables, au moment des règles, mais aussi à n’importe quel moment du cycle, lors de la défécation, la miction ou encore des rapports sexuels.
Dans l’utérus, les cellules de l’endomètre se développent au cours du cycle menstruel pour se tenir prêtes à accueillir en embryon au cas où il y aurait fécondation. En l’absence de fécondation, ces cellules se désagrègent et saignent : ce sont les règles.
Or, tout comme les cellules endométriales localisées dans l’utérus, celles qui ont migré vers d’autres organes sont sensibles aux hormones féminines. En dehors de l’utérus, les cellules endométriales se comportent donc exactement de la même manière que si elles étaient situées dans l’utérus. À chaque cycle menstruel, elles vont proliférer, saigner et déclencher une réaction inflammatoire responsable des douleurs ressenties.
Par ailleurs, les lésions sont d’autant plus douloureuses qu’elles sont situées à proximité des nerfs. Certaines lésions peuvent ainsi toucher les fibres nerveuses du petit bassin, et par répercussion, entraîner l’activation du centre de la douleur dans le cerveau.
Mais l’endométriose peut également être asymptomatique. Dans ce cas-là, elle est généralement révélée lorsque la patiente consulte en raison d’une difficulté à concrétiser un projet de grossesse. En effet, de nombreuses femmes atteintes d’endométriose souffrent d’infertilité (voir encadré Endométriose et infertilité).
Comment la diagnostique-t-on ?
« Le plus souvent, l’endométriose se manifeste par des règles douloureuses, à l’adolescence », indique le Dr Pierre Panel, gynécologue au Centre hospitalier de Versailles. Mais en tout début de maladie, les lésions qui sont alors microscopiques ne sont pas forcément détectées à l’examen. « Et puis, avec la prise de la pilule, les douleurs ont tendance à se calmer et à se faire oublier… », rapporte le gynécologue. Il est donc fréquent que l’endométriose ne soit révélée qu’à l’arrêt de la pilule, lors d’un désir de grossesse… En moyenne, les patientes doivent attendre 6 à 7 ans avant que le diagnostic ne soit posé !
Mais les douleurs peuvent également persister, malgré la pilule, et devenir très invalidantes. Différents examens sont alors proposés pour en déterminer la cause, parmi lesquels, la laparoscopie, ou cœlioscopie. C’est une chirurgie mini-invasive réalisée sous anesthésie, qui consiste à introduire une petite caméra dans la cavité abdominale afin d’examiner les organes internes et prélever des échantillons de tissu pour analyse. « Mais il ne s’agit pas d’opérer toutes les femmes qui se plaignent de douleurs, on a d’autres approches que la chirurgie pour diagnostiquer l’endométriose », témoigne le Dr Pierre Panel, pour qui la laparoscopie ne doit pas être systématique. « La présence des symptômes caractéristiques de la maladie et l’examen clinique suffisent généralement à poser le diagnostic », précise-t-il. Dans certains cas, une échographie ou une IRM, réalisées par un médecin référent qui connaît bien la maladie, peut également aider à orienter le diagnostic.
Quels sont les traitements ?
Si la prise de la pilule ne suffit pas à réduire les douleurs, un traitement hormonal destiné à provoquer une aménorrhée (absence de règles) est généralement proposé. Il peut s’agir de contraceptifs œstroprogestatifs monophasiques en continu ou de progestatifs, par exemple, qui visent à réduire le taux d’œstrogènes dans l’organisme des patientes. L’efficacité de ces traitements n’est pas toujours immédiate, et il faut parfois attendre plusieurs cycles menstruels avant d’obtenir les effets escomptés. En attendant, la prise d’analgésiques, et notamment d’anti-inflammatoires, peut être recommandée pour soulager les douleurs. Mais s’ils visent à atténuer les douleurs, les traitements médicamenteux ne permettent pas de ralentir la progression des lésions.
En cas d’inefficacité des traitements médicamenteux et de persistance des douleurs, la chirurgie peut alors être proposée. Cette dernière consiste à détruire ou retirer les lésions provoquées par la maladie en respectant au mieux les tissus et organes concernés (pour cela il faut préférer le bistouri ultrasonique, l’énergie plasma ou le laser, plutôt que le courant électrique). La chirurgie peut également être évoquée en cas d’infertilité, lors d’un désir de grossesse.
« Une jeune femme de 18 ans qui arrive à mon cabinet, qui rapporte des règles douloureuses, des douleurs au moment des rapports, et qui présente à l’examen une douleur nette sur un des ligaments de l’utérus, pour moi, il est clair qu’elle est atteinte d’endométriose. »
« L’exposition in utero aux perturbateurs endocriniens est probablement un facteur de risque d’endométriose. ». »
Endométriose et infertilité
L’endométriose peut être responsable de troubles de la fertilité. On estime que 30 à 40 % des patientes qui ont une endométriose ont aussi un problème de fertilité.
Les explications scientifiques ne sont pas encore bien définies, mais deux causes possibles peuvent d’ores et déjà être avancées :
- les causes mécaniques : la présence d’amas de tissus et notamment de kystes ovariens pourrait créer une barrière à la fécondation dans le cas de lésions graves, ou provoquer l’accolement de différents organes reproducteurs comme les trompes de Fallope et les ovaires, faisant obstacle au processus de fécondation ;
- les causes inflammatoires : les lésions seraient à l’origine d’un environnement utérin moins favorable à l’implantation d’un embryon.
Les femmes atteintes d’endométriose ont aussi tendance à présenter une défaillance prématurée de leurs ovaires, c’est-à-dire que leur réserve ovarienne s’épuise plus vite que chez une femme non touchée par la maladie.
« Dans ces cas-là, il peut être intéressant de proposer, le plus tôt possible, une conservation ovocytaire », indique le gynécologue Pierre Panel. « Mais cette démarche n’est pas anodine, avertit le Dr Pierre Panel. Elle nécessite de suivre un protocole de stimulation ovarienne assez lourd, qui peut notamment engendrer des poussées d’endométriose. »
Clémentine Vignon