L’avènement des exosquelettes, une vision futuriste ? Pas tant que ça… Certains revêtent déjà cet apparat que ce soit dans l’objectif de retrouver une fonction perdue telle que la marche ou pour obtenir des forces supplémentaires nécessaires à la réalisation de lourdes tâches.
Retrouver des fonctions perdues
Dans le film Patients (2017), on suit le parcours du combattant de Ben, un jeune homme devenu paraplégique à la suite d’un grave accident. Grâce à un mental de fer et un travail physique acharné en centre de rééducation, Ben retrouve peu à peu l’usage de la marche. Ces prochaines années, un nouvel outil de rééducation pourrait se frayer un chemin dans les centres. Les exosquelettes, déjà expérimentés en France, sont de plus en plus prisés. Il s’agit d’une structure solide, une sorte de carapace, dans laquelle le patient peut s’installer grâce à un système d’attaches. « L’exosquelette est pourvu de moteurs qui ont pour fonction de remplacer les muscles défaillants et de faire bouger les articulations », indique Matthieu Masselin, cofondateur de la société Wandercraft qui vient juste de commercialiser l’exosquelette Atalante à destination des patients paraplégiques. Chez ces personnes, la connexion entre le cerveau et les membres inférieurs est rompue ou partiellement endommagée au niveau de la moelle épinière, de sorte qu’elles se retrouvent paralysées, dans l’incapacité de bouger leurs jambes. L’exosquelette leur permet dans un premier temps de se remettre debout puis, au fur et à mesure des séances, de remarcher. « C’est l’utilisateur, grâce aux mouvements du haut de son corps, qui déclenche lui-même les différents mouvements », explique Matthieu. Pour initier la marche, il doit par exemple se pencher légèrement en avant. Bien entendu, une phase d’apprentissage est nécessaire pour que le patient se familiarise avec l’exosquelette. De son côté, l’exosquelette doit lui aussi s’adapter à la personne qu’il porte grâce à de puissants algorithmes qui lui permettent de prendre en compte rapidement les caractéristiques morphologiques de chaque individu. « La puissance des algorithmes développés pour Atalante réside également dans leur capacité à reproduire une marche dynamique », indique Matthieu Masselin. En effet, la marche humaine est dite « dynamique ». Nous ne nous en rendons pas compte tant ce processus nous paraît naturel, mais marcher est en réalité un vrai travail d’équilibriste ! On alterne en permanence entre perte d’équilibre quand la jambe se lève et rattrapage d’équilibre, quand le pied se pose de nouveau au sol. Chaque pas est en quelque sorte une chute en avant contrôlée et c’est le mouvement continuel de la marche qui permet de rester stable. Au contraire, les robots ont généralement une marche dite « statique », sans perte d’équilibre. Atalante est donc le tout premier robot pouvant se vanter de marcher (presque) comme un humain ! Les patients arrivent ainsi à se passer des béquilles, ce qui était inenvisageable jusqu’à présent avec les autres exosquelettes tels que ReWalk de la start-up israélienne Argo Medical Technologies.
« Nous espérons disperser nos exosquelettes dans de nombreux centres de rééducation pour obtenir des retours sur leur utilisation et leur intérêt en conditions réelles », indique Matthieu. Les exosquelettes permettront- ils d’accélérer la récupération de la marche chez les patients paraplégiques incomplets, c’est-à-dire ceux dont la moelle épinière n’est pas totalement lésée ? Est-ce que le fait de retrouver ne serait-ce que temporairement la position debout améliore le moral des patients ? « Les retours que nous avons des patients sont pour l’instant extrêmement positifs », se réjouit-il.
Tandis qu’Atalante est destiné à intégrer les centres de rééducation, Wandercraft élabore actuellement une version plus personnelle de l’exosquelette dont l’objectif sera de renforcer l’autonomie des patients à leur domicile. À suivre…
Bouger par la pensée
Faisons encore un pas de plus vers le futur avec Guillaume Charvet, ingénieur responsable du projet Brain Computer Interface du centre de recherche biomédicale Clinatec, à Grenoble. Lancé en 2008, le projet BCI visait à démontrer qu’il était possible de contrôler un exosquelette quatre membres à partir de la mesure et du décodage de l’activité cérébrale. Après une phase de développement de presque 8 ans, un patient tétraplégique, c’est-à-dire paralysé des bras et des jambes, a pu tester le dispositif en 2017. « Le principe de cette technique est que lorsqu’on imagine faire un mouvement et lorsqu’on le fait réellement, il se passe à peu près la même chose dans notre cerveau, et plus précisément au niveau de notre cortex moteur », explique Guillaume Charvet.
Ainsi, pour capter les ordres de mouvement émis par le cerveau, deux implants munis de 64 électrodes chacun sont placés de part et d’autre du cerveau juste en dessous de la boîte crânienne. « On se place à la surface du cortex moteur, mais on ne pénètre pas dans le cerveau, ce qui est beaucoup moins invasif que les solutions implantées jusqu’à présent », indique Guillaume. L’activité cérébrale est mesurée, puis les données transmises à un ordinateur situé dans le dos de l’exosquelette. Des algorithmes de décodage permettent ensuite de convertir les signaux perçus en commande de mouvement pour l’exosquelette. « La tâche mentale à réaliser par le patient n’est pas très compliquée, on lui demande juste d’imaginer bouger son bras ou marcher comme avant l’accident. » Selon l’ingénieur, les résultats obtenus sont très encourageants en termes de contrôle de la marche et de mouvements des bras et seront bientôt publiés dans une revue scientifique. De là à contrôler un exosquelette en totale autonomie ? « Il y a encore de nombreux verrous technologiques comme la gestion de l’équilibre des exosquelettes quatre membres qu’il faudra braver pour parvenir à cela », rappelle l’ingénieur. En attendant, l’interface homme-machine développée pourra avoir d’autres utilités comme le contrôle d’un fauteuil ou d’un bras robotisé. « Par ailleurs, nous aimerions partager notre technologie pour qu’elle s’étende à d’autres applications que la tétraplégie », conclut Guillaume Charvet.
L’homme sera-t-il de plus en plus fort ?
Les exosquelettes sont aussi utilisés pour augmenter la force de personnes valides. Ils permettent par exemple aux militaires de marcher plus vite avec des charges plus lourdes. C’est le cas de Hulc, l’exosquelette de la compagnie Lockheed Martin qui confère aux militaires américains la possibilité de porter des charges allant jusqu’à 90 kg sur une distance d’environ 20 km. Les exosquelettes sont aussi de plus en plus exploités dans la société civile pour accroître les capacités physiques des travailleurs, notamment dans les secteurs de la construction ou de la manutention.
En chiffre
- 68 kg c’est le poids de l’exosquelette Atalante ! Cette charge n’est pas ressentie par le patient
Par Clémentine Vignon