Sera-t-il possible dans un futur proche de créer des spermatozoïdes et des ovocytes artificiels ? La réponse semble être oui. Explications.
En 1978, est née Louise Brown, le premier « bébé-éprouvette ». Depuis, la procréation médicalement assistée (PMA) n’a cessé de se développer et de s’améliorer : insémination artificielle (IA), fécondation in vitro (FIV), gestation pour autrui (GPA), diagnostic préimplantatoire (DPI), transfert d’embryons congelés… Et si la prochaine étape était l’autoprocréation ? Et si dans un futur plus ou moins lointain, les humains se passaient totalement des rapports sexuels pour donner la vie ?
La gamétogenèse in vitro
Naturellement, les hommes se reproduisent grâce à leurs spermatozoïdes et les femmes grâce à leurs ovocytes. Mais ces dernières années, plusieurs équipes de recherche ont réussi à concevoir des souris en utilisant le matériel génétique de deux mâles.
En prélevant des cellules de la peau d’un être vivant, on peut créer des gamètes in vitro (en dehors de l’organisme) en reprogrammant ces cellules cutanées pour qu’elles deviennent des cellules souches (cellules pouvant devenir n’importe quel type de cellules). Puis, ces cellules souches sont différenciées en spermatozoïdes ou en ovocytes, indifféremment du sexe de l’être vivant de départ.
En partant de cette base, il serait alors possible de créer des ovocytes à partir de cellules prélevées sur un homme, et inversement, des spermatozoïdes à partir de cellules prélevées sur une femme. Et donc créer des êtres vivants provenant de deux mâles ou de deux femelles.
Faire des enfants tout seul
Ce qu’il en découle peut sembler invraisemblable : faire des enfants tout seul.
En effet, si cette technique s’applique un jour aux êtres humains, il suffira alors de prélever des cellules de peau d’un individu, les transformer en spermatozoïdes et ovocytes, puis les féconder entre eux. Le résultat serait un embryon dont le patrimoine génétique viendrait à 100 % de la même personne.
Application à l’homoprocréation
En utilisant la gamétogenèse in vitro, les couples de même sexe pourraient concevoir des enfants dont le patrimoine génétique viendrait totalement des deux parents, ce qui n’est pas le cas actuellement, car ils doivent faire appel à un donneur.
Mais ces couples ne seront pas égaux. En effet, les femmes ne portant qu’un seul type de chromosome sexuel, le chromosome X en double exemplaire, ne pourront donner à leur descendance que des chromosomes X, et donc n’engendrer que des filles. Les hommes, quant à eux, ont deux types de chromosomes sexuels, X et Y, et pourront donc avoir des filles ou des garçons (voir schéma). De plus, après la fécondation des gamètes, l’embryon doit avoir un lieu où il pourra grandir et se développer (l’utérus). Or, les couples de femmes pourront se faire implanter, mais les hommes, n’ayant pas d’utérus, devront donc faire appel à la gestation pour autrui, interdite actuellement en France. Où pourront-ils peut-être utiliser un utérus artificiel ?
Les utérus artificiels
Non, ce n’est pas de la science-fiction. Un utérus artificiel a accueilli en 2017 des agneaux grands prématurés pendant 4 semaines afin qu’ils terminent leur développement. Cette technique est appelée ectogenèse. Il s’agit de reproduire les mêmes conditions de développement de l’embryon, avec un liquide nutritif proche du liquide amniotique, et une pompe reproduisant les échanges de sang et d’oxygène du cordon ombilical.
Ce procédé n’a pas encore été tenté chez des prématurés humains, car des difficultés techniques persistent… mais pour combien de temps ?
Ces nouvelles techniques soulèvent de nombreuses questions éthiques : destruction d’embryons, bien-être des enfants nés de cette technique, rapprochement avec le clonage, risque de consanguinité… la liste est longue.
La génétique pour les nuls
Une personne est composée de milliards de cellules, chacune dédiée à un ou plusieurs rôles précis.
- Chaque cellule contient un noyau, où sont présents les chromosomes.
- Il y a 23 paires de chromosomes : 22 paires de chromosomes dits autosomes et une paire de chromosomes dits sexuels (X-X pour les femmes et X-Y pour les hommes).
- Les chromosomes sont constitués d’ADN, qui porte les gènes. Les gènes sont le patrimoine génétique de chaque personne.
- Ce sont les gènes exprimés qui permettent de définir la ou les fonctions d’une cellule dans l’organisme.
Lexique
Ectogenèse : développement d’un embryon ou fœtus au sein d’un utérus artificiel qui assure les diverses fonctions (nutrition, excrétion, etc.) de l’utérus humain.
Gamète : cellule sexuelle permettant la reproduction (spermatozoïde ou ovocyte).
Gamétogenèse in vitro :transformer une cellule en gamète.
Gestation pour autrui (GPA) : action pour une femme (mère porteuse) de porter l’enfant d’un autre couple qui leur sera remis à la naissance.
Par Léna Pedon