La ménopause s’accompagne de symptômes plus ou moins contraignants. Parfois, un petit coup de pouce hormonal peut être nécessaire pour redonner aux femmes une qualité de vie qu’elles avaient perdue. Depuis le début des années 2000, le traitement hormonal substitutif pâtit d’une image négative difficile à surmonter. Des études françaises publiées depuis se veulent plutôt rassurantes…
La ménopause
Certains chamboulements ont lieu dans le corps des femmes autour de la cinquantaine, parmi lesquels l’arrêt de la production d’œstrogènes par les ovaires. La carence en cette hormone sexuelle féminine est responsable de tous les symptômes de la ménopause, encore appelés troubles climatériques. Bouffées de chaleur, sécheresse vaginale, troubles urinaires, troubles de l’humeur, insomnies… la présence et l’intensité des symptômes varient d’une femme à l’autre. La période précédant la ménopause – la périménopause – est souvent ponctuée de signes annonciateurs liés aux variations hormonales. Ces “pics” de ménopause alternent avec des périodes de “rémission” et la ménopause n’est affirmée qu’après 1 an d’absence de menstruations.
Le traitement hormonal substitutif
Le traitement hormonal substitutif (THS) a pour objectif de pallier la carence en œstrogène, et ainsi d’atténuer, voire de faire disparaître les symptômes caractéristiques de la ménopause. En France, le THS est indiqué chez les femmes dont les troubles climatériques altèrent la qualité de vie, et en prévention de l’ostéoporose post-ménopausique chez celles ayant un risque accru de fracture ostéoporotique et présentant une intolérance ou une contre-indication aux autres traitements indiqués dans la prévention de l’ostéoporose. Le traitement hormonal substitutif se compose d’un œstrogène, le 17-bêta-estradiol, et d’un progestatif, la progestérone dite micronisée. « L’ajout de progestérone est obligatoire pour protéger l’utérus des œstrogènes », précise Odile Bagot, gynécologue à Strasbourg et auteur du Dico des nanas paru aux éditions Hachette. Sans progestérone, les œstrogènes risquent d’entraîner une multiplication incontrôlée des cellules de l’endomètre, la paroi tapissant l’utérus et, à terme, un cancer de l’utérus. Ainsi, seules les femmes hystérectomisées, c’est-à-dire chez lesquelles l’utérus a été enlevé, peuvent se passer de progestérone.
Des compositions différentes d’un pays à l’autre
Le 17-bêta-estradiol et la progestérone micronisée qui entrent dans la composition française du THS sont qualifiés de biosimilaires, c’est-à-dire de même structure moléculaire que les hormones naturellement produites par les femmes avant la ménopause. Ce n’est pas le cas dans tous les pays. Par exemple, les États-Unis utilisent des œstrogènes conjugués d’origine équine obtenus à partir d’urine de juments enceintes. Ainsi, les résultats de l’étude américaine WHI (Women’s Health Initiative) publiés en 2002 et mettant en évidence une augmentation du nombre de cancers du sein et d’accidents cardiovasculaires chez les femmes traitées par THS ne sont pas extrapolables à la France. Malgré les biais de cette étude, immédiatement dénoncés par plusieurs scientifiques français, les répercussions ont été mondiales, avec une baisse considérable du recours au THS à la ménopause. « De nombreuses femmes ont été privées d’un traitement hormonal efficace », regrette Odile Bagot. Aujourd’hui, certains médecins vont même jusqu’à parler d’une « génération de femmes sacrifiées ». « Par ailleurs, une récente étude portant sur les femmes suivies dans la WHI a montré que plus de 10 ans après, la mortalité par cancer du sein n’était pas supérieure chez celles ayant pris un traitement hormonal », rassure Odile Bagot. En somme, même si l’incidence du cancer du sein est plus élevée chez ces femmes (38 femmes sur 10 000 chaque année contre 30 femmes sur 10 000 n’ayant pas pris de traitement hormonal), la mortalité par cancer du sein resterait quant à elle inchangée.
« Le 17-bêta-estradiol et la progestérone micronisée qui entrent dans la composition française du THS sont qualifiés de biosimilaires »
L’étude E3N
L’étude française qui a permis d’endiguer la vague d’inquiétude est celle de la cohorte E3N. Portant sur plus de 80 000 femmes, cette vaste étude a montré que les traitements oestroprogestatifs à base de 17-bêta-estradiol et de progestérone micronisée n’augmentaient pas le risque de cancer du sein. En revanche, un risque accru de cancer du sein était retrouvé avec d’autres progestatifs tels que la médrogestone ou la cyprotérone. Ainsi, le risque de cancer du sein sous THS semble dépendre de sa composition.
Concernant le risque vasculaire, le mode d’administration a son importance. « L’œstrogène pris par voie transcutanée n’augmente pas le risque vasculaire, contrairement à la voie orale », explique Odile Bagot. En France, le 17-bêta-estradiol se prend sous forme de gel à appliquer sur la surface corporelle, ou de patch placé sur la peau. Le progestatif peut être pris séparément ou en association au 17-bêtaestradiol via un patch combinant les deux hormones. D’autre part, le risque cardiovasculaire semble diminuer quand le traitement est instauré en début de ménopause. Les bénéfices d’un traitement précoce sont quant à eux plus manifestes, notamment dans le syndrome génito-urinaire. Ce trouble fréquent de la ménopause associant sécheresse vaginale, atrophie vaginale, et incontinence urinaire peut notamment avoir d’importantes répercussions sur la vie sexuelle. « Et une fois la muqueuse atrophiée, il est très difficile de faire marche arrière », alerte Odile Bagot. Mieux vaut donc prévenir que guérir.
La durée du traitement
Beaucoup de femmes se posent la question de la durée du traitement. La Haute autorité de santé (HAS) a confirmé le service médical rendu (SMR) important des traitements hormonaux des symptômes de la ménopause, tout en recommandant une prescription à dose minimale et pour une durée limitée. « Mais grâce à l’étude française E3N, on s’est aperçu qu’au bout de 10 ans, il n’y avait toujours pas plus de risques de cancer du sein ou d’accident vasculaire », explique Odile Bagot. La durée du traitement est donc à définir au cas par cas en accord avec les objectifs thérapeutiques et la sécurité de la patiente. « Ce que l’on essaye de faire, c’est de diminuer progressivement les doses », ajoute la gynécologue.
Les contre-indications
Les contre-indications absolues du traitement hormonal substitutif sont les antécédents d’accidents thromboemboliques veineux ou de cancers hormono-dépendants dont font partie le cancer du sein et le cancer de l’endomètre. Même si le traitement hormonal ne semble pas avoir un effet initiateur du cancer du sein, c’est-à-dire qu’il ne va pas transformer une cellule saine en une cellule cancéreuse, on le soupçonne cependant d’avoir un effet promoteur, c’est-à-dire qu’il pourrait contribuer au développement des cellules cancéreuses tapies dans le sein.
Conclusion
D’après une enquête réalisée en 2010 par l’Association française pour l’étude de la ménopause (AFEM), 80 % des femmes gynécologues ménopausées interrogées étaient sous traitement hormonal substitutif. Un pourcentage loin d’être atteint dans la population générale. Comment expliquer cette différence ? « Certains confrères n’ont pas envie de prendre un risque qu’ils considèrent pourtant faible, voire nul, ni de s’expliquer auprès de leurs patientes sous THS qui auraient un cancer du sein et viendraient leur demander des comptes », analyse Odile Bagot.
Je ne veux pas prendre d’hormones : que faire ?
Pour les plus réticentes aux hormones, d’autres solutions existent pour lutter contre les symptômes de la ménopause. Parmi elles, on peut citer les huiles essentielles ou encore l’homéopathie. Quant aux compléments nutritionnels à base de phytoestrogènes naturellement présents dans certaines plantes comme le soja, il faut rester vigilant. S’ils sont naturels, ils n’en comportent pas moins de risques ! De tels compléments sont notamment contre-indiqués en cas de cancer du sein.
Dans l’ensemble, ces solutions alternatives ne bénéficient pas d’études de vigilance aussi robustes que les médicaments ayant une autorisation de mise sur le marché (AMM) tels que le traitement hormonal substitutif (THS) des symptômes de déficit en estrogènes chez les femmes ménopausées.
- 80 % C’est le pourcentage de femmes gynécologues sous traitement hormonal substitutif (TSH) (Source : AFEM)
- À lire Le Dico des nanas d’Odile Bagot alias Mam Gynéco, paru en 2016 aux éditions Hachette santé.
Clémentine Vignon