Si l’homosexualité bénéficie d’une acceptation croissante dans la société, elle n’en reste pas moins un sujet souvent tabou au sein d’une famille. En parler à ses enfants peut provoquer une gêne qui n’encourage pas le dialogue. Et si votre adolescent faisait son coming-out ?
« Maman, papa, je suis homosexuelle »
L’orientation sexuelle de votre enfant lui appartient. En ce sens, c’est à lui de décider s’il souhaite, ou pas, vous parler de ses attirances, de ses doutes ou de ce qu’il ressent. Mais pour qu’il puisse prendre l’initiative de vous en parler, « il doit se sentir à l’aise et libre de pouvoir aborder des sujets qui lui sont difficiles », insiste Catherine Aimelet-Périssol.
Même si la société tend vers plus de tolérance concernant les couples homosexuels, révéler son identité sexuelle reste un acte délicat, surtout quand l’adolescent s’aperçoit qu’il n’est pas dans la « norme hétéro ». L’essentiel est de respecter l’intimité de l’adolescent et de ne pas être intrusif. Favoriser un climat propice au dialogue passe par l’écoute, la bienveillance, une ouverture d’esprit.
Du côté des parents, « le coming-out d’un adolescent est une annonce aux conséquences rarement neutres », affirme la psychothérapeute. En effet, les parents projettent involontairement un avenir pour leur enfant, s’imaginent notamment qu’ils deviendront des grands-parents. « La très grande majorité d’entre eux n’envisage pas que leur enfant soit homosexuel », relève-t-elle. Souvent, l’annonce est une découverte, un choc brutal pour les parents. Mais dans d’autres familles, c’est enfin l’expression d’une réalité qu’elles soupçonnaient tout en la craignant, voire en la rejetant quand le silence demeure. « Un jeune qui révèle son homosexualité a la volonté d’avoir des relations authentiques avec ses proches. Il est primordial qu’un parent questionne son propre état émotionnel afin d’éviter les échauffements et l’incompréhension », analyse Catherine Aimelet-Périssol. Se débarrasser du poids de la culpabilité et de la peur est inhérent à une discussion constructive et saine. Votre enfant reste la même personne, il a besoin d’être écouté sans être jugé.
. « Un jeune qui révèle son homosexualité a la volonté d’avoir des relations authentiques avec ses proches. Il est primordial qu’un parent questionne son propre état émotionnel afin d’éviter les échauffements et l’incompréhension »
Témoignage
« Nous étions à table. Mon fils, alors âgé de 17 ans, prend la parole : “J’ai quelque chose à vous dire. Je suis homo et j’ai un ami.” Le choc. Mon mari est devenu blanc, abasourdi par l’annonce. Moi, j’étais estomaquée. Le lendemain, j’ai cogité en me demandant ce que j’avais fait de travers. J’ai voulu m’informer, en parler à des psys, cela me faisait culpabiliser. Ma déprime a duré 6 mois, jusqu’à ce que je découvre une association de parents d’enfants homos. J’y ai rencontré des parents très différents. Ça m’a permis de comprendre qu’il n’existe pas de règle. Puis mon fils a eu une phrase remarquable : “Même si tu étais responsable, je t’en remercierais, parce que je suis heureux comme ça.” Peu à peu, le dialogue alors raréfié s’est rétabli. Aujourd’hui, nous le voyons régulièrement, avec son ami. Pour ma part, le plus difficile a été d’admettre que je n’aurais pas de petits-enfants. En vérité, j’avais déjà eu des doutes sur l’orientation sexuelle de mon fils. Mais cette question me mettait si mal à l’aise que je n’avais jamais évoqué le sujet avec lui avant qu’il ne fasse son coming-out. Je pense que c’était du déni de ma part. »
Sylvie, mère d’un enfant homosexuel
» Pourquoi les deux hommes s’embrassent ? «
C’est une question que votre enfant vous a peut-être déjà posée. Pourquoi se questionne- t-il ? Son système nerveux fonctionne avec des automatismes, des représentations, des normes. Être témoin ou acteur d’une situation qui échappe à ces représentations transforme cette situation en confrontation qui suscite un questionnement.
Est-il donc conseillé d’aborder le sujet de l’homosexualité avec son enfant ? « À 4 ans, un enfant qui voit un couple homosexuel ne pose aucune question. Il est trop jeune pour avoir de telles considérations. À partir de 7-8 ans, certains enfants se montrent curieux, mais c’est plutôt aux alentours de 10-11 ans qu’ils sont interpellés par ces sujets, explique Catherine Aimelet-Périssol, médecin généraliste et psychothérapeute, conférencière et auteure de nombreux ouvrages. Il n’y a pas de méthode, pas de règle pour aborder le sujet. » En revanche, profiter d’une situation qui surgit ou d’un questionnement de l’enfant est un bon point de départ. « L’enfant intégrera beaucoup mieux si le sujet est abordé à partir de son expérience », poursuit la psychothérapeute. En effet, lorsque la discussion est engagée, il est important de comprendre d’où part l’enfant, par exemple en lui demandant ce qu’il sait sur le sujet.
Pour Catherine Aimelet- Périssol, il est vain de chercher à expliquer l’orientation sexuelle, qu’elle soit homo ou hétérosexuelle. « C’est normal, car ils s’aiment » serait la réponse la plus juste, bien que utopique, poursuit-elle. Si vous aviez un doute : en parler ou ne pas en parler n’influence pas le futur choix d’orientation sexuelle de votre enfant.
Une association qui vous écoute
Union d’associations départementales, Contact aide les familles à comprendre et à accepter l’orientation sexuelle de leur proche.
L’association encourage les lesbiennes, gays, bisexuel-le-s, et en particulier les jeunes, à communiquer avec leurs parents ou leur entourage. Les différents bénévoles s’engagent aussi à travers des actions de lutte contre les discriminations homophobes. Au numéro
08 05 69 64 64
vous trouverez une ligne d’écoute confidentielle et gratuite.
- 72 % des mères disent avoir accepté l’homosexualité de leur enfant
Par Carla Masciari