Alors que la rougeole était quasi éradiquée en France à la fin de la dernière décennie, elle est aujourd’hui au cœur des préoccupations des autorités de santé.
La rougeole est une maladie très contagieuse due à un virus dont les complications peuvent être mortelles. Le vaccin est apparu dans les années 1960 et s’est largement répandu dans les années 1980. En France, le nombre de cas a chuté drastiquement grâce aux campagnes de vaccination, laissant entrevoir une possible éradication. Pourtant, ces dernières années, les autorités sanitaires françaises observent une recrudescence de la maladie. Dernièrement, elle a fait la une des journaux, à l’instar de cette famille française qui a réintroduit le virus de la rougeole au Costa Rica ou encore de l’important foyer de cas dans la station de ski de Val-Thorens (Alpes).
L’OMS tire la sonnette d’alarme
Selon une récente alerte de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le nombre de cas de rougeole dans le monde a bondi de 50 % entre 2017 et 2018. La France se plaçant au 10e rang des plus fortes augmentations avec 2 269 cas supplémentaires ! Alors, comment expliquer ces chiffres dans le pays de Pasteur ?
Le phénomène « antivax » et la crise de confiance
Une étude de la London School of Hygiene and Tropical Medicine publiée en 2018 révèle que la France est l’un des pays d’Europe les plus sceptiques quant à la sécurité et l’efficacité des vaccins, puisque 30 % des Français estiment que « les vaccins ne sont pas sûrs ». Françoise Salvadori, maître de conférences en immunologie à l’Université de Bourgogne, co-auteure avec Laurent-Henri Vignaud, historien des sciences, du livre Antivax : la résistance aux vaccins du XVIIIe siècle à nos jours évoque l’influence des scandales sanitaires sur l’opinion des Français ainsi que la mauvaise communication lors de certains épisodes comme celui de la grippe H1N1. Derrière cette mouvance anti-vaccins, « il y a certaines personnes qui ont l’impression qu’on leur cache des choses et qui considèrent les autorités sanitaires comme étant en collusion avec l’industrie pharmaceutique », analyse Françoise Salvadori.
La peur des adjuvants
À ce manque de confiance, s’ajoutent, depuis plusieurs années, les fake-news sur les adjuvants qui vont bon train sur les réseaux sociaux et sur Internet de manière générale. Pourtant, aucune preuve scientifique n’a établi, à ce jour, un quelconque danger des adjuvants. Ces derniers sont des substances indispensables dans beaucoup de vaccins pour permettre une réponse immunitaire et donc, une protection contre la maladie. En outre, l’ajout d’adjuvant dans les vaccins permet de diminuer la quantité d’antigènes par dose vaccinale, et de réduire le nombre d’injections de rappel. En ce qui concerne la rougeole, l’argument est d’autant plus fallacieux que le vaccin rougeole-oreillons- rubéole (ROR) fait partie de ceux qui ne contiennent pas d’adjuvant !
En France, une autre explication à cette recrudescence de rougeole viendrait du fait, selon la chercheuse, que de nombreuses personnes « considèrent qu’il s’agit d’une maladie banale de l’enfance, une expérience normale de la vie, voire, selon les croyances de certains parents, qu’elle fait grandir et que c’est une expérience normale de la vie ». Il faut pourtant rappeler que c’est une maladie parfois mortelle et souvent grave ! Mais « les anti-vaccins font plus confiance à l’immunité procurée par la maladie elle-même, avec les risques que cela comprend, qu’à l’immunité par le vaccin. C’est accorder une confiance un peu naïve en la nature », décrit Françoise Salvadori.
Les adjuvants vaccinaux : comment ça marche ?
Lorsqu’un microbe pénètre dans notre corps, notre système immunitaire se met en branle-bas de combat pour l’éliminer, grâce à nos cellules spécialisées dans la défense de l’organisme. Lorsque l’on injecte un vaccin, on injecte le virus ou la bactérie en très petite quantité, sous une forme non pathogène, pour déclencher une réponse immunitaire. Ainsi, en cas d’attaque par le vrai microbe ou virus, notre corps a déjà les outils pour se défendre ! C’est ce que l’on appelle l’immunité. Or, la plupart des vaccins sont inactivés, c’est-àdire qu’ils ne sont pas composés de microbes vivants. Pour que le vaccin fonctionne, il faut donc une substance qui active efficacement l’immunité… et c’est ça le rôle de l’adjuvant !
Les répercussions de l’affaire Wakefield
En 1998, la revue The Lancet a publié un article dont le premier auteur est le Dr Andrew Wakefield et dans lequel est suggéré un lien entre le vaccin ROR et le développement de troubles autistiques. Les auteurs précisent cependant que leurs travaux ne constituent pas une preuve et méritent d’être approfondis. Mais trop tard, le mal est fait et l’information se répand comme une traînée de poudre, d’abord en Angleterre puis dans le monde entier. Le discours du Dr Wakefield se fait de plus en plus alarmiste et la supposition devient une certitude. Quelques années plus tard, non seulement plusieurs nouvelles études ont permis de montrer l’absence de lien de causalité, mais un journaliste anglais, Brian Deer, a prouvé qu’à l’époque Wakefield était financé par des associations de parents d’enfants autistes contre le fabricant du vaccin. En 2010, la revue The Lancet rétracte la publication. Cependant, l’idée que la vaccination est associée à l’autisme reste très prégnante dans le monde entier et la publication de 1998, bien qu’invalidée, est toujours brandie par les associations anti-vaccins comme « preuve » de la dangerosité de la vaccination. Andrew Wakefield, radié et licencié, reconnu de 36 manquements au code de la déontologie médicale pour falsification de données, continue à militer contre les vaccins aux États-Unis et trouve l’écho de son discours dans les propos de personnes influentes à l’instar du président des États-Unis, Donald Trump.
Du côté des scientifiques, une grande étude publiée en mars 2019 dément, une nouvelle fois, un quelconque lien entre vaccination et autisme. Croyance contre science, la guerre des vaccins se poursuit.
Revendication de médecines tournées vers l’individu
Si la vaccination est importante pour éviter soi-même d’avoir une maladie, elle est d’autant plus importante pour les personnes immunodéprimées qui ne peuvent pas se faire vacciner. Donc, plus une population est vaccinée, plus les gens les plus faibles qui ne peuvent l’être seront aussi protégés. Cependant, la chercheuse estime qu’actuellement en France « la dimension altruiste de la vaccination a du mal à passer. Un phénomène peut-être à mettre en lien avec la popularité croissante de médecines qui revendiquent une prise en compte plus individualisée des malades. »
L’obligation vaccinale
À la fin de l’année 2017, Agnès Buzyn, ministre de la Santé, a décidé de rendre obligatoires 11 vaccins pour les enfants afin de rattraper le retard de couverture vaccinale. Mais la contrainte n’arrange pas forcément les choses : dans le livre Antivax : la résistance aux vaccins du XVIIIe siècle à nos jours, les auteurs révèlent qu’au cours de l’histoire, à chaque fois qu’il y a eu des obligations vaccinales, cela a organisé et durci des mouvements anti-vaccins.
Alors, comment redonner la confiance pour combler les trous de la couverture vaccinale ? Pour la chercheuse, cela passe par des campagnes d’informations citoyennes des autorités de santé, mais également par un renforcement de la formation médicale concernant les vaccins, que ce soit pour les médecins, les infirmiers ou les pharmaciens. La confiance doit se reconstruire entre les patients et ces professionnels de santé, qu’il faut aussi mieux armer pour déconstruire les croyances tenaces. Ainsi, si les causes de la recrudescence de rougeole sont identifiées, beaucoup de travail reste à mener pour en limiter les conséquences, car l’obligation de cette vaccination ne concerne que les nouveau-nés de 2018.
Le vaccin ROR
- Tous les enfants et les adultes nés depuis 1980 doivent être vaccinés contre la rougeole.
- C’est un vaccin très efficace qui protège dans près de 100 % des cas.
- Il faut les deux doses de vaccin pour que la vaccination soit efficace.
- Si 95 % des enfants se faisaient vacciner avec deux doses, il serait possible d’éliminer la maladie.
- Le taux de couverture vaccinale est insuffisant en France chez les 15-35 ans et les nourrissons.
- Pour les enfants nés à partir du 1er janvier 2018, la vaccination contre la rougeole est obligatoire avec une dose à l’âge de 12 mois et une dose entre 16 et 18 mois.
- Si vous n’avez pas été vacciné étant enfant et que vous n’avez jamais eu la rougeole, il est important de faire une vaccination de rattrapage.
Attention aux sites de désinformation !
La référence pour vos questions sur les vaccins : vaccination-info-service.fr. Mais attention, de nombreux sites anti-vaccins ont des noms qui ressemblent énormément à des sites fiables ! Il est donc important de bien vérifier d’où viennent les informations que l’on lit.
Quelques chiffres
- Une personne contaminée par la rougeole peut infecter entre 15 et 20 personnes.
- 5 jours la période de contagion commence 5 jours avant l’apparition des boutons et dure jusqu’à 5 jours après celle-ci.
- 350 cas de rougeole déclarés en France depuis le 1er janvier 2019
- 90 % des cas sont survenus chez des sujets non ou mal vaccinés.
Par Julie Desriac