Ballonnements, rhumatismes, troubles du transit… Depuis plusieurs années, le lait de vache est accusé de tous les maux. Faudrait-il alors en finir avec le dogme de trois produits laitiers par jour chez les adultes ?
Nous sommes de plus en plus nombreux à bouder le lait. En témoignent les chiffres de la consommation française, en chute de 10 % ces 10 dernières années. Et nombreux sont ceux qui veulent récuser les intouchables « trois produits laitiers par jour ». Née d’ouvrages de journalistes, naturopathes ou médecins, la controverse sur le lait s’ancre dans une vague généralisée de peurs alimentaires. Une défiance, qui prend racine depuis la crise de la vache folle, remettant en cause l’intérêt et la sécurité des produits d’origine animale ou industrielle. Si les détracteurs du lait restent minoritaires chez les spécialistes, la question mérite tout de même d’être posée.
3 produits laitiers par jour : une réalité scientifique ?
Partons déjà des recommandations officielles : le ministère de la Santé, via le Plan national nutrition santé, recommande de consommer trois produits laitiers par jour. Ce quota est-il basé sur des faits scientifiques ? En partie, car l’objectif clairement affiché par les autorités de santé est principalement de chercher à couvrir les besoins journaliers de calcium, d’environ 900 mg par jour pour un adulte, après 19 ans. Le calcium est un sel minéral indispensable à la solidité des os et des dents, ainsi qu’au bon fonctionnement du cerveau et du cœur. Impossible donc de s’en passer.
Et les produits laitiers constituent ainsi un moyen simple et complet d’avoir accès à ce calcium, et à toute une flopée de nutriments et vitamines essentiels : vitamine D, B1, B12, phosphore, potassium… Des intérêts nutritionnels que les opposants au lait affirment pouvoir être remplacés par une alimentation équilibrée, intégrant des aliments riches en calcium comme des sardines, du chou ou des fruits secs (voir encadré). S’il est vrai qu’une alimentation très bien maîtrisée en calcium peut se passer de produits laitiers, elle est, dans les faits, très contraignante à mettre en place. L’Institut national de recherche en agronomie explique ainsi qu’en théorie nous pourrions nous passer de lait, mais que les Français n’ont pas une consommation de fruits et légumes assez riche pour cela.
Tous intolérants au lactose ?
Accusées d’être soumises aux lobbies laitiers et agroalimentaires, les recommandations en terme de produits laitiers naissent après la Seconde Guerre mondiale. Alors que Pierre Mendès France, président du conseil de l’époque, souhaite faire repartir l’industrie laitière tout en luttant contre la malnutrition, il lance la distribution quotidienne d’un verre de lait dans toutes les écoles. Depuis, et pendant des décennies, le lait prend une place importante dans l’alimentation des Français.
Pourtant, nous sommes le seul mammifère sur Terre à consommer encore du lait après le sevrage. De quoi se poser des questions… D’autant plus que l’inconfort digestif des adultes lié à l’ingestion de lait est très courant. 20 à 50 % des Français, selon les sources, souffriraient de ballonnements, diarrhées et maux de ventre après avoir bu du lait. Avec l’âge, les adultes produisent de moins en moins de lactases, l’enzyme destinée à digérer le sucre du lait : le fameux lactose. Un déclin programmé dès la fin de la petite enfance, qui n’a cependant rien à voir avec une allergie. Et seuls 10 % des Européens sont réellement intolérants au lactose, contre 90 % des Asiatiques qui ont une alimentation très faible en produits laitiers. En réalité, cet inconfort peut être largement diminué en consommant des produits laitiers plus faibles en lactose que le lait, et en les répartissant tout au long de la journée. Car la teneur en lactose diminue avec l’affinage, passant de 5 % pour un litre de lait à 1 % pour un camembert.
Et si le lait ne protégeait pas les os ?
Jusqu’ici donc, peu de controverse. Les réelles tensions scientifiques se cristallisent surtout autour du rôle du lait sur la prévention de l’ostéoporose et des fractures osseuses. La polémique part d’une bête constatation épidémiologique : en Inde, au Pérou ou en Chine, la consommation de calcium est très faible, de moins de 300 mg en moyenne et pourtant il y a moins de fractures du col du fémur et d’ostéoporose que dans des pays gros consommateurs de lait comme en Europe ou aux États-Unis. Alors le lait ne servirait-il à rien ? Non, car c’est sans compter le nombreux biais de cette association. Premièrement, ces pays sont globalement plus ensoleillés, donc les habitants jouissent de plus de vitamine D, essentielle à la solidité des os. Deuxièmement, il s’agit souvent de pays où le diagnostic est moins bien développé, il pourrait donc y avoir autant de fractures, mais qui sont moins bien rapportées qu’en occident. Quand on regarde le Japon, faible consommateur de lait lui aussi, les fractures du col du fémur y sont aussi fréquentes qu’en Europe.
Le principal problème de ces études est qu’elles ne regardent qu’un seul paramètre dans la prévention de l’ostéoporose : la consommation de lait. Alors que les facteurs sont multiples : calcium certes, mais aussi vitamine D, K, activité physique, concentration d’hormones sexuelles dans le sang et bien sûr antécédents familiaux. Au regard des nombreuses données cliniques et épidémiologiques, les bienfaits du lait, via le calcium, sur la solidité osseuse peuvent difficilement être remis en cause. Avant 20 ans, il participe à la consolidation du capital osseux. Et chez la femme ménopausée carencée en calcium, une supplémentation en lait retarde la perte osseuse.
Surveiller ses apports en calcium
Si les avis sur le lait divergent tant, c’est qu’individuellement, certaines personnes ressentent réellement les bienfaits de l’arrêt de produits laitiers : moins de ballonnements, des articulations moins douloureuses ou même une peau plus nette… Néanmoins, des observations empiriques ne peuvent pas être considérées comme une preuve scientifique solide et applicable à tous. Une chose est sûre : le dogme des trois produits laitiers par jour semble être plus un repère pour aider les adultes à équilibrer leur alimentation, plutôt qu’une règle inaliénable. Les sources de calcium peuvent, et doivent, être variées. Et pour les experts en nutrition, il est tout à fait possible de ne plus consommer de produits laitiers, à condition de respecter les apports calciques. Attention, toutes ces règles valent pour les adultes en bonne santé et ne s’appliquent ni aux enfants ni aux adolescents. Et le lait infantile reste indispensable jusqu’à au moins un an.
Où trouver du calcium ?
- 1 petite boîte de sardines (135 g) = 810 mg de calcium
- 1 grand verre de lait (250 ml) = 300 mg de calcium
- Une portion d’épinards (200 g) = 200 mg de calcium
- 1 yaourt au lait entier nature (125 g) =189 mg de calcium
- 1 part de camembert (30 g) = 171 mg de calcium
- 1 poignée de fruits secs (25 g) = 50 mg de calcium