Vous n’avez pas pu la manquer, l’ASMR a envahi les plateformes vidéo sur Internet, et en particulier YouTube. Mais pourquoi le chuchotement est soudainement devenu tendance ? Retour sur le phénomène ASMR.
Quésaco ?
ASMR. Derrière ces quatre consonnes se cache l’Autonomous Sensory Meridian Response, autrement dit la réponse autonome sensorielle culminante, un terme bien complexe pour définir une sensation difficilement descriptible. L’ASMR se caractérise par un picotement très agréable derrière le crâne, qui peut se propager vers les épaules et le long de la colonne vertébrale. Malgré son côté plaisant et intime, l’ASMR n’est pas une pratique sexuelle ; la sensation se rapproche plutôt d’un massage du cerveau qui plonge celui qui l’expérimente dans une douce torpeur, et favorise le sommeil.
Histoire de l’ASMR
L’ASMR refait surface dans nos sociétés au début du XXIe siècle. Fin 2007, sur un forum anglophone, une utilisatrice anonyme décrit cette sensation comparable à des doigts qui glissent sur sa peau, qu’elle éprouve depuis son enfance. Ce ressenti se déclenche à divers moments, qui ne sont a priori pas liés. D’autres internautes lui répondent, indiquant qu’elle n’est pas la seule à avoir ces sensations, ils partagent tous la même expérience. En 2010, une Américaine propose alors de donner un nom à ces étranges chatouillis, l’ASMR. Toutefois, si le nom n’a qu’une dizaine d’années, la sensation est beaucoup plus ancienne. Certains pensent que Virginia Woolf décrivait déjà un ressenti d’ASMR dans son roman Mrs Dalloway, publié en 1925, avec des chuchotements « qui chatouillaient délicieusement » l’un des personnages.
Une communauté grandissante
Au début des années 2010, la communauté s’organise et découvre que l’ASMR peut être déclenchée dans certaines situations, par exemple dans un environnement calme avec des chuchotements. À travers le monde, des individus commencent alors à poster des vidéos pour partager cette sensation, il devient possible de ressentir de l’ASMR à distance. Aujourd’hui, les vidéos destinées à déclencher l’ASMR sont monnaie courante sur YouTube, notamment en France. En 2019, le terme « ASMR » faisait partie du top 10 des mots recherchés sur la plateforme vidéo.
La sensation de bien-être procurée par l’ASMR n’est pas la seule utilité de cette pratique. En effet, elle est couramment utilisée pour lutter contre les insomnies, les chuchotements participant à créer une ambiance calme, propice à l’endormissement. D’autres se servent de ces vidéos pour gérer les problèmes de stress et d’anxiété. Si cette pratique ne remplace pas une thérapie classique face à de réels problèmes de santé mentale, elle peut servir d’alternative gratuite et facilement accessible pour laisser de côté les problèmes du quotidien.
Et la science dans tout ça ?
La sensation de l’ASMR n’est pas partagée par tout le monde. En effet, certaines personnes vont être indifférentes aux bruits et déclencheurs, et d’autres vont même les trouver agaçants et énervants. Pour mieux comprendre d’où venait l’ASMR, les chercheurs se sont penchés sur la question mais, pour l’instant, aucun mécanisme n’a été formellement prouvé. Un article récent indiquait que les chatouillis typiques de l’ASMR s’accompagnaient d’une dilatation de la pupille, suggérant que cette sensation n’était pas inventée par ceux qui la ressentaient. Un sentiment magique que la science a du mal à expliquer.
Le point de vue d’un ASMRtiste
Alexis (ASMR Mariandy)
créateur de vidéos ASMR
Pourquoi vous êtes-vous lancé dans la création de vidéos ASMR ?
J’ai découvert l’ASMR en 2018, en tombant sur une vidéo de mukbang (dégustation de nourriture). J’étais très étonné par la sensibilité du micro. J’ai alors commencé à regarder des vidéos ASMR tous les soirs avant de m’endormir. À force d’en écouter, j’ai eu une nouvelle perception des objets : je les touchais, les grattais, les tapotais. J’étais sensible à cette pratique et je savais que j’étais capable de ressentir si un objet pouvait être un déclencheur ou non. Comme je suis très à l’aise avec les réseaux sociaux et devant une caméra, j’ai décidé de me lancer dans cette aventure. Pour obtenir une bonne qualité d’enregistrement, j’ai acheté un micro que je connecte à mon portable qui me sert de caméra.
Quel est votre processus habituel d’enregistrement ?
Tout est improvisé chez moi. Je branche mon micro, j’installe la caméra et je tourne. Les idées viennent des suggestions de mes abonnés. Je note toutes leurs idées.
En revanche, le gros inconvénient quand on tourne est le silence. Il ne faut pas un seul bruit parasite comme le trafic de voitures ou des voisins qui écoutent de la musique… C’est la raison pour laquelle je tourne mes vidéos très tard la nuit, vers 2-3 h du matin, pour être sûr que tout le monde est au lit. À la fin de l’enregistrement, je fais un peu de montage pour réduire le son et couper des passages où il y a des bruits parasites.
Que vous apporte la création de vidéos ?
Les créateurs de vidéos ASMR sont des personnes bienveillantes. Je crée du contenu pour mes abonnés, pour leur bien-être et non pour moi-même. Avec la crise sanitaire que nous vivons, de nombreuses personnes ont des difficultés à dormir ou sont prises d’angoisses. Être là pour elles me rend utile d’une certaine manière.
Par ailleurs, mes abonnés ont l’impression de me connaître, car je les rassure au quotidien. Je lis tous leurs commentaires, et je prends le temps d’y répondre. C’est une communauté bienveillante. Je reçois des messages privés et des mails de remerciement aussi. Ces messages sont très touchants et me motivent pour continuer.
Le vocabulaire ASMR
Pour mieux comprendre le dialecte des vidéos ASMR, n’hésitez pas à utiliser ce petit dictionnaire.
- Tingles : les chatouillis provoqués par l’ASMR
- ASMRtiste ou artiste ASMR : personne réalisant la vidéo ASMR
- Roleplay (RP) : jeu de rôle où l’ASMRtiste prétend être un personnage
- Trigger : déclencheur auditif ou visuel de l’ASMR
- Whispering : chuchotement
Par Baptiste Gaborieau