Alliés indispensables du quotidien pour lutter contre les odeurs indélicates émanant de nos aisselles, les déodorants sont régulièrement pointés du doigt. Faut-il vraiment s’en méfier ?
Déodorant, antitranspirant : quelle différence ?
L’antitranspirant se distingue du déodorant par sa composition et son mode d’action. En effet, il agit en resserrant les pores de la peau et en formant une sorte de bouchon via un agent antitranspirant (sels d’aluminium), empêchant ainsi – partiellement – l’écoulement de la transpiration. De son côté, le déodorant, non composé d’agents antitranspirants, n’empêche pas de transpirer et se contente de masquer ou d’absorber l’odeur, à l’aide d’agents antimicrobiens, qui neutralisent les micro-organismes à l’origine de la mauvaise odeur. Généralement, déodorant et antitranspirant contiennent également un parfum pour favoriser la sensation de « fraîcheur ». À noter que le terme « déodorant » est souvent utilisé de manière générique pour évoquer l’un ou l’autre.
Le déo sous toutes ses formes
Spray (aérosol) compressé ou non, bille (roll-on), stick, crème, solide… Le déodorant se décline sous différentes formes. Chacun ayant une préférence subjective pour l’une ou l’autre. Toutefois, les aérosols sont particulièrement déconseillés. En effet, ils sont d’une part très inflammables en raison des gaz propulseurs (butane, propane…) qu’ils contiennent et, d’autre part, cette forme entraîne l’émission de substances dans l’air et présente ainsi des risques respiratoires.
Des composants divers et variés
Comme on l’a vu, un déodorant regorge de produits différents pour pouvoir exercer son rôle.
Le sel d’aluminium : mieux vaut s’en passer
Les sels d’aluminium sont présents dans les produits cosmétiques sous différentes formes, la plus fréquente étant le chlorohydrate d’aluminium. Principe actif des antitranspirants, ils sont régulièrement décriés. « En 2004, un taux excessif d’aluminium dans le sang a été observé chez une femme qui utilisait tous les matins un antitranspirant », raconte le Dr Olivier Guillard, biologiste à l’université de Poitiers. Ce constat a mis en évidence le passage transcutané de l’aluminium. Cette observation a été validée par une étude in vitro menée par le biologiste et le Pr Alain Pineau1 (avec un stick antitranspirant) : « nous avons démontré qu’il y a bien un passage transcutané de l’aluminium dans l’organisme dans le cas de l’utilisation sur une peau lésée d’un antitranspirant contenant des sels d’aluminium ». Une peau abîmée (par le rasage ou l’épilation notamment) résorbe en effet beaucoup plus l’aluminium. Or, l’aluminium est connu pour être un métal toxique en cas d’exposition chronique. Sur une peau saine, l’absorption n’est pas significative. Ces résultats ont permis à l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps, aujourd’hui ANSM) d’établir un rapport sur l’évaluation du risque lié à l’utilisation de l’aluminium dans les produits cosmétiques en 2011. Ainsi, l’Afssaps recommande qu’une concentration maximale de 0,6 % d’aluminium soit présente dans les déodorants et que les cosmétiques contenant de l’aluminium ne soient pas utilisés sur une peau lésée. Toutefois, il ne s’agit que de recommandations et les industriels peuvent choisir ou non de les suivre. Il convient donc à tout un chacun d’être attentif et vigilant par mesure de précaution. Pourquoi alors les sels d’aluminium continuent-il d’être utilisés ? « Parce qu’ils remplissent bien leur rôle d’antitranspirant, tout en étant peu coûteux », selon le Dr Olivier Guillard.
La pierre d’alun, une bonne alternative ?
Surfant sur la mauvaise publicité faite aux sels d’aluminium, la pierre d’alun s’est frayée un chemin dans notre salle de bain. Elle peut être d’origine naturelle (potassium alum) ou être synthétique (ammonium alum). Dans tous les cas, il s’agit… de sels d’aluminium ! Naturel ne signifiant pas nécessairement sans risque. Toutefois, à ce jour, « aucune étude n’a été menée avec la pierre d’alun », indique le Dr Guillard.
Quid des autres composés ?
- Les antibactériens sont utilisés pour éliminer les bactéries à l’origine de la mauvaise odeur. Plusieurs types d’antibactériens sont utilisés. L’alcool en est un. Il est sans danger, mais peut s’avérer irritant. Quant au triclosan, soupçonné d’être un perturbateur endocrinien, il est souvent pointé du doigt. À noter que les huiles essentielles sont des antiseptiques efficaces mais allergisantes.
- Les parfums permettent de masquer l’odeur. Certains comme le géraniol ou le limonène sont des allergènes cutanés.
- Parmi les conservateurs qui peuvent composer les déodorants, les parabens sont à éviter, soupçonnés comme le triclosan d’être des perturbateurs endocriniens.
Déodorant et risque de cancer du sein
En août 2016, une étude parue dans l’International Journal of Cancer et menée par André-Pascal Sappino avait relevé un lien potentiel entre le chlorohydrate d’aluminium présent dans les anti-transpirants et le cancer du sein.
Les chercheurs ont travaillé sur trois lignées de souris avec une immunité décroissante, auxquelles ils ont injecté sous la peau des cellules de glandes mammaires de souris préalablement mises en présence d’aluminium ou non. Résultat : en présence d’aluminium, une tumeur se développe dans les trois lignées des souris, alors qu’en l’absence d’aluminium, un développement tumoral est observé uniquement dans les lignées les plus immunodéficientes. Ceci montre le caractère mutagène de l’aluminium sur des cellules épithéliales mammaires de souris.
Nous avons demandé l’avis du Pr Marc Pallardy, toxicologue à l’université Paris-Sud. « Le protocole de cette étude est bien construit, les résultats sont convaincants et montrent un probable effet mutagène du chlorohydrate d’aluminium aux concentrations employées. Toutefois, il faut rester prudent et ne pas extrapoler trop rapidement à l’Homme, car les modèles animaux utilisés dans cette publication sont très spécifiques. Notons également que la concentration d’aluminium utilisée est supérieure à celle qui serait susceptible de passer à travers la peau avec l’utilisation d’un antitranspirant. Quoi qu’il en soit, il faut bien sûr continuer à s’intéresser à cette problématique et poursuivre les travaux, afin de confirmer ces résultats. »
Pourquoi la sueur des aisselles sent-elle mauvais ?
La sueur est produite par les glandes sudoripares dans le but de réguler la température du corps en cas de chaleur, d’activité ou bien de stress notamment. On distingue les glandes apocrines situées principalement au niveau des aisselles et les glandes eccrines que l’on trouve un peu partout sur le corps. À la différence de ces dernières, actives dès la naissance, les glandes apocrines n’entrent en activité qu’à la puberté. Lorsqu’elle est sécrétée, la sueur est inodore. Ce sont les bactéries présentes à la surface des aisselles qui, en se nourrissant de la sueur, entraînent une mauvaise odeur.
Et l’aluminium dans les vaccins ?
L’aluminium est utilisé dans certains vaccins en tant qu’adjuvant (afin de les rendre plus efficaces) sous une autre forme que celle utilisée dans les anti-transpirants. Si les quantités du métal sont faibles et qu’aucun lien n’a été démontré entre l’aluminium des vaccins et un retentissement sur la santé, certains souhaiteraient que le principe de précaution soit appliqué et que des alternatives aux vaccins avec aluminium soient proposées. Rappelons que les bénéfices de la vaccination restent bien supérieurs au risque encouru.
par Charlène Catalifaud