Depuis plusieurs années, des voix s’élèvent concernant les dangers traumatiques et neurologiques de certains sports de contact, tel le football.
Le cas Bennet Omalu et le football américain
Le film Seul contre tous sorti en 2015 raconte la découverte de Bennet Omalu (joué par Will Smith), médecin légiste et neurobiologiste nigérian, sur les lourdes conséquences de la pratique du football américain chez les sportifs. En effet, le scientifique fit part en 2005 de cas d’encéphalopathie, qu’il nomma encéphalopathie traumatique chronique (ETC), en pratiquant une autopsie poussée sur la dépouille d’un footballeur. Ce dernier, dépressif, endetté, agressif, décéda à 50 ans, officiellement d’une crise cardiaque.
Bien que cette découverte fût ignorée, puis attaquée par les médecins de la NFL (la ligue de football américain), de nombreuses recherches fleurirent suite aux avertissements du Nigérian.
Plus de 15 ans après, les connaissances scientifiques sur cette forme d’encéphalopathie ne seraient pas concluantes. En effet, selon plusieurs experts, les caractéristiques décrites par Omalu dans sa définition de l’ETC sont également retrouvées dans des cerveaux sains ou touchés par d’autres pathologies.
Bennet Omalu, après avoir réalisé plus de 15 000 autopsies, s’est retiré de la recherche et parcourt le monde, témoignant sur sa découverte moyennant rémunération, tout en écrivant des livres. Face aux scientifiques réfutant sa théorie et la NFL, le Nigérian accuse une société corrompue : « On a essayé de dénigrer mon travail en propageant des mensonges, en créant une réalité alternative qui voulait tromper la société. Ils ont commis l’erreur de faire de ce combat une chasse à l’homme. Mais ce n’est pas à propos de moi, c’est à propos de la vérité. On fait de l’argent sur le dos des jeunes, il faut briser ce cycle. » Depuis, il fait couler beaucoup d’encre : certains se rangent à ses côtés et dénoncent les dangers liés aux commotions cérébrales, d’autres n’y trouveraient pas de preuves scientifiques suffisantes. Ceci étant, la NFL a publié sur les dangers traumatiques et neurologiques du football américain, ce à quoi Bennet Omalu a répondu : « C’est une récompense pour la vérité, pas pour mon travail. »
Qu’en est-il du football ?
Afin de déterminer si les impacts à la tête étaient nombreux dans certains sports, une étude a équipé des athlètes de capteurs positionnés sur leur crâne. Les résultats parus en mars 20211 montrent que le football est le sport dont le taux d’impacts est le plus élevé, quel que soit le sexe, avec 80 % de têtes intentionnelles. De plus, une étude allemande a regardé les matchs de Bundesliga (la ligue en Allemagne) de la saison 2017-2018 et a répertorié tous les chocs à la tête pour distinguer les traumatismes crâniens diagnostiqués des autres incidents. Les résultats2 ont présenté 135 chocs à la tête pour 1 000 heures de jeu, dont 123 chocs sévères, et qui ont engendré 29 traumatismes crâniens. La grande majorité était causée par des contacts tête contre tête.
Plus de maladies neurodégénératives chez les footballeurs ?
Il semblerait que les maladies neurodégénératives (comme la maladie d’Alzheimer) soient plus fréquentes chez les footballeurs professionnels. En effet, un rapport anglais datant de 2019 estimait qu’ils avaient 3 fois plus de risque que la population générale de développer ce trouble neurologique. Cependant, cette étude montrait que ces sportifs étaient moins à risque de décéder de pathologies cardiaques ou de certains cancers.
« Il semblerait que les maladies neurodégénératives (comme la maladie d’Alzheimer) soient plus fréquentes chez les footballeurs professionnels. »
Chez les enfants
C’est pourquoi, en juin 2020, l’UEFA (Union des associations européennes de football) a publié des directives concernant le jeu de tête chez les enfants et adolescents. Elles faisaient suite à une étude publiée en 2020 sur l’utilisation de la tête lors des entraînements et des matchs dans 8 pays européens, et montraient que les jeunes étaient très peu exposés, en particulier ceux de moins de 16 ans. Les directives incluent des notions comme la taille et le poids du ballon, la réduction des jeux de tête, le renforcement de la nuque et la sensibilisation aux symptômes de commotion cérébrale, dans le but de diminuer au maximum les effets du jeu de tête sur les jeunes.
Conclusion
L’information et la prévention sont indispensables dans le monde sportif, en particulier chez les jeunes, pour que les conséquences des chocs à la tête soient prises au sérieux. Malgré des études scientifiques parfois contradictoires, le principe de précaution s’impose.
1. Huber CM et al. “Sport and Gender-Based Differences in Head Impact Exposure and Mechanism in High School Sports”. Orthop J Sports Med 2021 ; 9 : 2325967120984423.
2. Beaudouin F et al. “Head Impact Situations in Professional Football (Soccer)”. Sports Med Int Open 2021 ; 5 : E37-E44.
C’est quoi une encéphalopathie ?
L’encéphale est une structure cérébrale composée du cerveau, du cervelet et du tronc cérébral. Lorsque cette structure est enflammée, on parle d’encéphalite. Elle est principalement due à une infection (virale, bactérienne ou fongique), mais peut également être métabolique, toxique ou traumatique. Une hospitalisation en urgence est capitale pour éviter au maximum les séquelles neurologiques, voire le décès. Les principaux symptômes sont la fièvre, les céphalées, les troubles de la vigilance, une confusion, voire des convulsions.
Par Léna Pedon