À l’instar de plus de 8 millions de Français, Michel Drucker est hypocondriaque et ne s’en cache pas. L’animateur télé et radio, obsédé par sa santé, se dit très à l’écoute de son corps et n’hésite pas à consulter une brochette de médecins à la moindre occasion. Focus sur l’hypocondrie, une maladie pas si imaginaire…
« Bien sûr, mon hypocondrie fait la joie de mon entourage tant familial que professionnel qui considère avec une belle unanimité, sans oser me le dire, que le spécialiste que je devrais consulter en priorité c’est… un psychiatre. Cela dit, les moqueurs sont en général les premiers à me demander le nom d’un grand praticien pour eux ou leurs proches, que je m’empresse de leur donner, avec une joie non dissimulée. J’ai ainsi l’impression de devenir enfin le médecin que je rêvais d’être. […] » Extrait de « Mais qu’est-ce qu’on va faire de toi ? »,par Michel Drucker, éditions Robert Laffond (2007)
Le profil de l’hypocondriaque
L’hypocondriaque vit dans la crainte permanente de tomber malade. Redoutant que son corps ne « lâche », il est très à l’écoute de celui-ci, attentif au moindre petit changement, générant un climat d’anxiété constante. Le moindre fourmillement va être interprété comme étant les prémices de telle ou telle maladie, car l’hypocondriaque doute de son corps.
Différents degrés d’hypocondrie
Il existe différents types d’hypocondries : allant de l’hypocondrie ponctuelle à la¬quelle nous avons tous déjà été confrontés (sentir une petite boule inhabituelle, avoir mal au ventre et penser qu’il s’agit d’une crise d’appendicite…) à une hypocondrie bien installée qui peut virer à l’obsession et devenir une réelle source de souffrance.
La prise en charge
Rien ne peut rassurer un hypocondriaque : les visites chez le médecin et les examens médicaux ne soulagent qu’un temps (lorsque leur fiabilité n’est pas remise en cause…). Heureusement, une hypocondrie qui perdure n’est pas une fatalité pour autant. Le médecin généraliste peut orienter ses patients vers un psychologue ou un psychiatre (non sans avoir écarté le diagnostic d’une autre maladie en amont). Basée sur la re¬lation entre le patient et son thérapeute, la psychothérapie va aider l’hypocondriaque à déterminer les causes de son hypocondrie et à affronter ses peurs. Il existe plusieurs approches, dont la thérapie cognitive et comportementale, l’hypnose, la psychothérapie psychanalytique et l’EMDR (Eye-Movement Desensitization and Reprocessing ou Désensibilisation et Retraitement par les Mouvements Oculaires). Il importe également de faire appel à un psychothérapeute expérimenté dans le domaine. Dans certains cas, le médecin peut prescrire des anxiolytiques. La relaxation et la méditation peuvent également apaiser les hypocondriaques.
Les causes
Si tous les mécanismes liés à l’hypocondrie ne sont pas connus et que plusieurs causes entrent probable¬ment en jeu, il n’est pas rare que l’hypocondrie trouve son origine dans l’enfance : une blessure oubliée ou même des parents obnubilés par la santé de leur progéniture qui ont transmis leur crainte. L’hypocondrie peut également survenir suite à un événement traumatisant, comme le décès d’un proche. L’hypocondrie concerne aussi des personnes ayant acquis une anxiété au fil de leurs expériences et ayant une facilité à entrer en état de stress.
L’entourage
Que ce soit au cinéma ou dans les discussions entre amis, l’hypocondriaque est généralement présenté de manière caricaturale et tour¬né en dérision. Pas considéré comme un « vrai malade », l’hypocondriaque est sou¬vent incompris et peut passer pour une personne un peu trop centrée sur sa personne, ce qui peut conduire dans certains cas à l’isolement social. Pour les proches, il n’est pas simple de trouver la bonne posture face à un hypocondriaque : faut-il entrer dans son jeu ? Ignorer ses plaintes ? Le conjoint notamment peut vite avoir un rôle protecteur qui peut finir par peser sur le couple.
3 questions au Dr Colette Combe Psychanalyste et psychiatre à Villeurbanne
Que signifie le concept de mémoire corporelle ?
C. C. : L’hypocondrie est une grande anxiété à propos du corps qui se manifeste par la peur que le corps dysfonctionne. Cette angoisse s’exprime généralement chez des personnes qui ont, dans leur expérience passée, déjà été confrontées à la vulnérabilité du corps. Ainsi, le stress de la mère peut se trans¬mettre in utero et entraîner une anxiété chez l’enfant. Il n’est d’ailleurs pas rare d’observer au sein des familles une anxiété transgénérationnelle. Un enfant qui est né prématurément a aussi été, dès sa naissance, confronté aux faiblesses du corps. Il va garder le souvenir de ce traumatisme en lui, même s’il ne s’en souvient pas. Tout comme un jeune enfant hospitalisé, alors qu’il ne sait pas encore communiquer ce qu’il ressent par la parole : très tôt, il fait l’expérience de la fragilité de son corps. Une anesthésie par exemple va le confronter à l’étrangeté du corps qu’on ne contrôle plus. Un accident ou une opération le mettent face à la séparation de son environnement familier. Il s’agit alors d’une mémoire sans souvenir et sans mots, d’une mémoire inscrite dans le corps par des tensions. Ce sont des résonances du passé auxquelles nous n’avons pas accès : c’est ce qu’on appelle la mémoire corporelle. Nous n’avons pas le souvenir conscient de tout ce qui nous amène à douter.
Que pensez-vous des méthodes alternatives ?
C. C. : L’acupuncture, l’hypnose, le yoga, la sophrologie… Toutes ces techniques permettent de retrouver une relation harmonieuse avec son corps et de se le réapproprier. Elles sont donc bénéfiques pour les patients hypocondriaques, en plus de la psychothérapie qui va aider le patient à avoir une vision plus positive de ses doutes et de ses angoisses.
Quels conseils donner à l’entourage ?
C. C. : Il est important pour l’entourage d’essayer de com¬prendre les circonstances à l’origine de la souffrance de la personne. En comprenant bien que ce n’est pas juste « dans sa tête », mais qu’un contexte sous-jacent existe, l’incompréhension peut se dissiper. Les hypocondriaques ne sont pas des malades imaginaires.
Vous avez notamment travaillé auprès de comédiens. Quel constat avez-vous pu faire ?
C. C. : Chez ces personnes dont leur corps est leur outil de travail, il est fréquent d’observer, suite à des situations de réussite, une crainte accrue que le corps ne lâche, notamment au niveau du cœur. Cela se manifeste par un vécu de chaos.
Cette angoisse s’exprime généralement chez des personnes qui ont, dans leur expérience passée, déjà été confrontées à la vulnérabilité du corps.
Internet à éviter !
Avec Internet – et les nombreux forums santé dont il regorge –, l’hypocondriaque dispose d’un outil parfait pour trouver une interprétation dramatique à tous les symptômes qu’il pense avoir. Le conseil que l’on peut donner aux hypocondriaques est donc d’éviter au maximum ce genre de sites, tout comme les séries télévisées du type Dr House !
- Étymologie
Mot d’origine grecque signifiant littéralement « sous les basses côtes ».
Les hypocondres sont à l’origine une partie du corps située sous le cartilage, zone qui ne pouvait être examinée par les médecins et dont on pensait qu’elle était à l’origine de l’hypocondrie. - Vocabulaire
Nosophobe, hypocondriaque, quelle différence ?
La nosophobie est la peur de contracter une maladie en particulier, contrairement à l’hypocondriaque qui craint tout type de maladie.
Charlène Catalifaud