Après Michael Jackson ou Seal, c’est au tour de Selena Gomez d’être atteinte d’un lupus, diagnostiqué en 2013, et de s’en faire la porte-parole. Après une chimiothérapie en 2015, l’actrice et chanteuse américaine faisait les gros titres des journaux en septembre 2017, non pas pour son actualité musicale, mais pour avoir subi une greffe du rein. Gros plan sur cette maladie auto-immune encore mal connue.
Une maladie auto-immune multifactorielle
Le lupus tire son nom du latin « loup », car l’éruption écarlate qui apparaît généralement autour des joues fait référence au masque de loup. Il n’existe pas un, mais des lupus. Le lupus discoïde est une maladie de peau chronique caractérisée par des lésions du visage siégeant autour du nez et des pommettes. Des croûtes se forment avant de laisser place à des cicatrices. Le lupus systémique est une forme rare, mais plus sévère de la maladie. En plus de la peau, différents organes peuvent être atteints. Plus rare, le lupus induit survient après la prise sur une longue durée de certains médicaments, comme des antibiotiques, des antituberculeux ou encore des bêtabloquants. Il disparaît après leur arrêt.
Comme dans toutes les maladies auto-immunes, les défenses immunitaires qui normalement s’attaquent aux éléments extérieurs (virus, bactéries…) se retournent contre les cellules de l’organisme et se mettent à attaquer différentes parties du corps : reins, cœur, poumons. Des anticorps spécifiques (auto-anticorps) sont alors produits, déclenchant divers processus inflammatoires et lésions ciblées des organes. Le lupus évolue généralement par poussées douloureuses entrecoupées de phases de rémission pouvant durer quelques semaines, mois, voire années. Mais l’évolution de la maladie est imprévisible.
Si aucune cause n’a pu être à ce jour identifiée, l’association de facteurs génétiques, environnementaux et hormonaux pourrait jouer un rôle dans le déclenchement de la maladie, la première poussée survenant généralement après un stress important, une grossesse ou une exposition solaire.
« J’ai découvert que j’avais beoin de subir une greffe de rein en raison de mon lupus » Selena Gomez
Des signes avant-coureurs peu spécifiques
Des signes cutanés sont souvent présents et fortement évocateurs. Mais d’autres symptômes, très nombreux et non spécifiques, peuvent également apparaître dans le lupus systémique : poussées de fièvre inexpliquées, perte de poids, chute de cheveux, fatigue, douleurs articulaires et musculaires, malaises, ganglions, troubles de la vision… L’expression de la maladie est différente pour chacun, les symptômes variant d’un individu à l’autre.
La maladie est évolutive et peut toucher différents organes avec des manifestations cutanées qui se traduisent par des érythèmes, des plaques rouges et une sensibilité au soleil. Les symptômes peuvent également être articulaires et entraîner douleur, rougeurs et raidissement des articulations. Les atteintes rénales provoquent une protéinurie, c’est-à-dire une présence d’albumine dans les urines, et des œdèmes, voire une insuffisance rénale. Ce fut le cas pour Selena Gomez, qui a dû avoir recours à une transplantation rénale. Quand le cerveau est exceptionnellement touché, anxiété, psychose, dépression, épilepsie ou troubles de la motricité peuvent apparaître. Les atteintes peuvent aussi être digestives, entraînant pancréatite ou hépatite, et pulmonaires lorsque la plèvre se remplit de liquide. Lésions cardiaques et ophtalmiques peuvent aussi être présentes.
Traitements : garder le contrôle de la maladie
Les traitements, s’ils ne permettent pas une guérison définitive, réduisent l’intensité des symptômes et soulagent l’inflammation. À long terme, ils préviennent les poussées et visent à obtenir des rémissions très prolongées. Des médicaments d’habitude utilisés pour traiter le paludisme, très bien tolérés et souvent efficaces, sont souvent utilisés comme traitements de fond dans la plupart des lupus. En fonction des organes atteints, les médecins peuvent également prescrire des corticoïdes et des immunosuppresseurs. Si le traitement est bien suivi au long cours, le risque de rechute de la maladie est plus faible. L’objectif étant de le réduire très progressivement à des doses minimales, tout en gardant ces antipaludéens. Lors de chaque poussée, un traitement précoce et intensif peut être mis en place pour limiter le risque de séquelles. Des centres de références et de compétences du lupus ont été créés en France pour faciliter la prise en charge de la maladie, une fois le diagnostic posé.
Aujourd’hui, grâce à des traitements plus ciblés, les dommages sur les organes touchés ne sont plus irréversibles et la survie des malades a progressé puisqu’elle reste normale chez 80 à 90 % des patients.
Vivre avec un lupus
Pendant les phases de poussées, douleurs chroniques diffuses et fatigue intermittente altèrent la qualité de vie et peuvent rendre toute activité sociale, professionnelle ou familiale difficile. Un mi-temps thérapeutique peut alors être envisagé. Mais la maladie n’empêche pas de mener une vie normale. Une bonne hygiène de vie reste indispensable et l’arrêt du tabac fait partie intégrante du traitement. Quelle que soit la forme de lupus, toute exposition solaire doit être évitée.
En dehors des phases de poussées, l’activité physique adaptée est recommandée, à condition d’éviter tout sport traumatisant. Le risque infectieux étant accru, les vaccins doivent être à jour et le vaccin antipneumococcique est particulièrement recommandé. Pour éviter les complications liées au traitement par corticoïdes, dont l’hypertension artérielle, un régime réduit en sel est conseillé lors de l’utilisation de corticoïdes à dose élevée. Une alimentation pauvre en sucres et en graisses permet de limiter la prise de poids et les troubles métaboliques qui peuvent être associés. Enfin, un régime riche en calcium et vitamine D est préconisé pour prévenir l’ostéoporose.
Pourquoi les femmes sont-elles plus touchées ?
Comme pour la plupart des maladies auto-immunes, le lupus est essentiellement féminin puisqu’il touche neuf fois sur dix des femmes en âge de procréer, de 15 à 40 ans. Il pourrait y avoir un lien avec les hormones féminines car la maladie se déclenche souvent pendant la grossesse ou avec la prise de progestatifs.
Les chercheurs penchent également pour une hypothèse génétique. Une femme enceinte atteinte d’un lupus doit être particulièrement suivie pendant la grossesse et après l’accouchement pour éviter tout risque d’avortement spontané et limiter le risque de malformations cardiaques du nouveau-né.
3 questions au Pr Christophe Richez, médecin rhumatologue à Bordeaux
Quelle est l’origine de la maladie ?
On ne connaît pas les causes précises de la maladie, qui sont différentes selon les patients. Il y a un probablement un fond génétique prédisposant associé à un facteur environnemental qui déclenche un emballement du système immunitaire et une réaction inappropriée et chronique. Ce processus est d’ailleurs commun à toutes les maladies auto-immunes. Dans le lupus, quelques variants de gènes ont été impliqués, mais son déclenchement est probablement multigénétique et c’est une combinaison particulière qui en est responsable. On retrouve parmi les facteurs environnementaux les infections virales et bactériennes, le tabac ou encore l’exposition solaire. Des facteurs hormonaux jouent aussi certainement un rôle.
Où en est la recherche ? A-t-elle fait des avancées en matière de nouveaux traitements ?
La recherche est riche. Des études sont actuellement menées pour mieux identifier et caractériser les différentes atteintes (rénales, articulaires, cardiaques…) des patients avec un lupus. La conception de nouveaux outils ne regardant ni les anticorps, ni ce que l’on trouve à l’examen clinique, mais s’attachant à réaliser des analyses plus fines, permettrait de mieux caractériser les malades et les différentes formes de la maladie. De nombreuses équipes essaient également de mettre en évidence des cibles thérapeutiques. De multiples essais cliniques en phase 2 ont été développés ces dix dernières années. Pour certains, les résultats sont encourageants et des phases 3 sont en cours. Mais la recherche prend beaucoup de temps. Si, à l’avenir, les essais de phase 3 sont concluants, les laboratoires négocieront pour la commercialisation de la molécule. Mais il est encore trop tôt pour parler d’arrivée de nouveaux traitements.
Avez-vous vu une évolution du nombre de cas de lupus et du pronostic de la maladie ?
Le nombre de cas est resté à peu près stable. La vraie évolution épidémiologique sur ces vingt dernières années concerne l’amélioration de la prise en charge et l’énorme augmentation de l’espérance de vie qui est aujourd’hui très bonne. La mortalité liée au risque infectieux s’est effondrée grâce aux médicaments et à leur utilisation. Les patients bénéficient aujourd’hui d’une optimisation de leur prise en charge liée à l’apparition de nouvelles molécules et à l’amélioration des connaissances des médecins des différents centres sur le lupus. La recherche est riche. Mais il est encore trop tôt pour parler d’arrivée de nouveaux traitements
Raphaëlle Bartet