Qu’est-ce que la maladie d’Alzheimer ?
Décrite pour la première fois en 1906 par le médecin allemand Alois Alzheimer, la maladie d’Alzheimer est aujourd’hui la première maladie neurodégénérative en France. Une maladie neurodégénérative est une maladie qui provoque une perte progressive des neurones dans certaines régions cérébrales. Dans la maladie d’Alzheimer, c’est l’hippocampe, le siège de la mémoire, qui est initialement touché.
Deux types de lésions sont retrouvés :
- les plaques amyloïdes, liées à l’accumulation anormale de la protéine bêta amyloïde naturellement présente dans le cerveau ;
- les dégénérescences neurofibrillaires, liées aux modifications d’une protéine de stabilisation des neurones, appelée protéine Tau, qui devient alors incapable de remplir correctement ses fonctions.
Si la maladie d’Alzheimer reste rare avant 65 ans (moins de 2 % des cas surviennent avant cet âge), sa fréquence atteint 2 à 4 % de la population générale passé 65 ans pour atteindre 15 % à 80 ans.
Mise à part une forme très rare héréditaire de la maladie, dans la plupart des cas, il n’y a pas une cause unique à l’origine de la maladie, mais plutôt une multitude de facteurs génétiques et environnementaux qui contribueraient à mettre en place, au fur et à mesure des années, un terrain favorable à l’émergence de la maladie.
Une fois celle-ci installée, sa vitesse de progression varie également d’un individu à l’autre, en fonction de plusieurs facteurs.
Les travaux du professeur Heiko Braak
L’anatomiste allemand Heiko Braak, récompensé en 2015 par le Grand prix européen de la recherche, a joué dans les années 1990 un rôle majeur dans la compréhension de la maladie d’Alzheimer et les différents stades de son évolution. Grâce à l’étude de plusieurs centaines de cerveaux de patients décédés de la maladie d’Alzheimer, il a montré que celle-ci débutait au niveau de l’hippocampe, avant de s’étendre à d’autres régions du cerveau selon un schéma bien stéréotypé. Il a ainsi pu proposer une classification de la maladie, aujourd’hui universellement acceptée.
Les traitements
Les anticholinestérasiques
Ces cinq dernières années ont été riches en progrès, notamment sur la connaissance des facteurs de risque et des mécanismes de la maladie. Mais pour l’instant, les traitements n’agissent que sur les symptômes, et ne permettent pas encore de ralentir l’évolution de la maladie. Ainsi, les traitements symptomatiques visent à compenser la perte neuronale.
Par exemple, la perte des neurones cholinergiques, qui produisent le neurotransmetteur acétylcholine permettant aux neurones de communiquer entre eux, sera compensée par des traitements anticholinestérasiques.
Ces traitements permettent de réduire l’activité de la cholinestérase, une enzyme chargée de dégrader l’acétylcholine. Ainsi, la réduction d’acétylcholine liée à la perte des neurones sera compensée par une diminution de sa dégradation dans le cerveau.
La stimulation cérébrale profonde : pour bientôt ?
En 2003, les premiers essais de stimulation cérébrale profonde chez des patients atteints de la maladie d’Alzheimer ont eu lieu et se sont révélés efficaces, avec une nette amélioration des souvenirs des patients. Cette technique, déjà utilisée depuis plus de 20 ans pour aider à contrôler les troubles moteurs dans la maladie de Parkinson, consiste à implanter des électrodes de stimulation dans le cerveau, au niveau des zones atteintes par la maladie, ainsi qu’un générateur interne, au niveau de la poitrine, chargé de délivrer un courant électrique de faible intensité pour pallier le manque d’activité des neurones atteints. Des protocoles de recherche clinique sont en cours pour tester la faisabilité et l’efficacité de cette technique. Mais d’après Audrey Gabelle, neurologue au CHU de Montpellier, « même si cette approche paraît novatrice et très intéressante, il est essentiel d’attendre la fin des études et l’analyse détaillée des résultats avant de se prononcer définitivement sur le bien-fondé de ce traitement ». Il faudra donc attendre encore un peu avant de pouvoir accéder à cette thérapie en routine.
L’immunothérapie
Alors que les traitements actuellement disponibles agissent sur les symptômes plutôt que sur les causes de la maladie, plusieurs molécules thérapeutiques sont en cours de développement et visent à bloquer l’accumulation de la protéine bêta amyloïde. La piste la plus développée reste l’immunothérapie, utilisée pour éliminer la protéine amyloïde. Qu’il s’agisse d’injecter directement au patient des anticorps dirigés contre la protéine ou bien une protéine de structure proche qui permettra de « réveiller le système immunitaire », l’objectif reste le même : stimuler le système immunitaire de manière à ce qu’il se dirige contre la protéine amyloïde. Les mêmes stratégies sont adoptées concernant la protéine Tau. « Plusieurs essais cliniques sont en cours, mais il n’est pas encore possible de prescrire ces traitements en pratique clinique de routine », rappelle Audrey Gabelle. Mais la neurologue est confiante : « les premières données sur l’impact de ces molécules sur les lésions cérébrales des patients et le déclin cognitif semblent tout à fait prometteuses ».
Ces traitements seraient plus efficaces aux premiers stades de la maladie, quand les réserves cognitives (voir ci-dessous « 2 questions à Audrey Gabelle« ) sont encore suffisantes pour permettre au patient de récupérer en grande partie ses fonctions intellectuelles. Il serait donc nécessaire de traiter les patients de manière précoce, ce qui pose la question du dépistage : faut-il rechercher et diagnostiquer la maladie chez des sujets bien portants, des années avant l’apparition des premiers signes ? La question reste ouverte… mais quoi qu’il en soit, ces prochaines années devraient être riches en avancées !
Clémentine Vignon
Deux questions à Audrey Gabelle, Neurologue
Qu’est-ce que la réserve cognitive ?
Il s’agit d’un concept pour tenter d’expliquer pourquoi, à charge lésionnelle identique, certains patients présentent beaucoup plus de troubles de la mémoire, du langage ou de la concentration que d’autres. Il semble que les patients dotés d’une importante réserve cognitive, mesurée par le haut niveau socioculturel, les nombreuses activités de loisirs et une vie relationnelle riche, compensent mieux les lésions neurodégénératives dans le cerveau, retardant ainsi l’apparition des premiers symptômes de la maladie.
Quand faut-il se soucier de ses troubles de mémoire ?
Toute plainte de mémoire persistante et qui inquiète la personne doit être prise au sérieux et évaluée par le médecin traitant, puis en consultation mémoire. Une prise en charge précoce permet de ralentir le déclin cognitif, d’éviter l’errance diagnostique et de proposer des thérapeutiques innovantes dans le cadre de la recherche.
Film à voir
Still Alice : Alice Howland (Julianne Moore), la cinquantaine, voit sa vie changée avec l’apparition des premiers symptômes, puis le diagnostic de la maladie d’Alzheimer. Ce film nous plonge dans les prémices de la maladie et met en scène le combat d’une femme pour rester elle-même malgré tout.
À savoir
Au cours de ces 15 dernières années, la France a su créer un réseau très dense de « Centres mémoire » hautement spécialisés dans le diagnostic de la maladie d’Alzheimer, avec plus de 400 consultations disponibles à travers le territoire.





