Connaissez-vous l’histoire du stéthoscope ? On vous en dit plus sur cet instrument aujourd’hui incontournable. Au programme également : la trisomie 21 et la manœuvre de Heimlich.
De la pudeur au stéthoscope
Par le Dr René Laënnec
C’est dans le Finistère, à Quimper, que naît en 1781 René Théophile Hyacinthe Laënnec, ce médecin qui va changer la consultation médicale. À l’époque, les examens cliniques imposent aux médecins de réaliser des percussions (chocs sur le torse pour évaluer l’état du patient en fonction de la résonance) ou de coller leur tête au torse du malade pour écouter le cœur.
Aussi peu hygiéniques que pratiques, ces techniques étaient également peu fiables et l’efficacité variait selon les patients et sans doute les médecins.
Dans son ouvrage De l’auscultation médiate ou Traité du diagnostic des maladies des poumons et du cœur, publié en 1819, René Laënnec explique : « Cette méthode est cependant loin de donner les résultats qu’elle semblerait promettre. Je ne l’ai trouvée indiquée nulle part ; tous les médecins à qui je l’ai vu pratiquer l’avaient apprise par tradition. (…) Aussi incommode d’ailleurs pour le médecin que pour le malade, le dégoût seul la rend à peu près impraticable dans les hôpitaux ; elle est à peine proposable chez la plupart des femmes, et chez quelques-unes même, le volume des mamelles est un obstacle physique à ce qu’on puisse l’employer. Par ces divers motifs, ce moyen ne peut être mis en usage que très rarement, et on ne peut par conséquent en obtenir aucune donnée utile et applicable à la pratique. »
Fort de ces constatations, René Laënnec se souvint d’une technique acoustique enfantine : si l’on applique l’oreille à l’extrémité d’une poutre, on entend très distinctement un coup d‘épingle donné à l’autre bout. Il prit alors un cahier qu’il roula et tint fortement serré avant de le poser sur le torse de son patient et d’y placer son oreille à l’autre extrémité. Et cela fonctionna ! L’idée du stéthoscope était née, la révolution dut suivre !
Plusieurs essais de cylindres en bois vont se succéder pour parvenir à un outil satisfaisant pour son créateur. Il sera ensuite amélioré par d’autres médecins et à d’autres époques, mais c’est bien l’ingéniosité de ce Breton qui est à l’origine de cet outil devenu universel en médecine.
Le syndrome de Down
Par le Dr John Langdon Down
Une petite tête ronde au visage aplati, des yeux qui parfois louchent, un large sourire, un corps plutôt trapu et court, des pieds et des mains petits, et une façon bien particulière de voir le monde et d’interagir. Telles étaient les personnes que des siècles d’histoire clinique ont voulu décrire comme caractérisées par une forme d’idiotie. En 1866, John Langdon Down publie une étude clinique intitulée Observations sur une classification ethnique des idiots qui cherche à classer selon leurs origines ethniques des personnes présentant, à son sens, des troubles mentaux. Il est en réalité en train d’étudier les porteurs d’une anomalie génétique : des personnes nées avec un chromosome surnuméraire. La description médicale de la trisomie 21 pourrait remonter un peu plus tôt au XIXe siècle, lorsque des médecins français se penchèrent sur la maladie mentale dont souffraient des personnes au physique atypique et au comportement dit « dégénérescent ». Bien que la maladie porte aujourd’hui le nom de Monsieur Down, ce dernier n’avait pas réalisé, à l’époque, que le syndrome de Down n’était pas une forme d’idiotie, et que les caractères physique et cognitif étaient variables selon les individus. Il faudra attendre 1959 pour que des médecins français comprennent que les enfants nés avec un physique dit « mongolien » (à cause de leur ressemblance supposée avec les peuples mongols) étaient porteurs d’un chromosome surnuméraire sur la 21e paire.
Les sciences au temps du Dr Down n’étaient certainement pas les mêmes qu’aujourd’hui, et l’état des connaissances ne pouvait lui permettre de comprendre la maladie dans sa totalité. Il est d’ailleurs amusant de noter que cette même année, Gregor Mendel publia son premier travail sur l’hérédité que personne ne prit au sérieux. Ainsi, John Langdon Down était un médecin et un psychiatre renommé qui exerça dans les hautes sphères du monde médical. Il travailla durant toute sa carrière dans un asile pour idiots, son sujet de prédilection.
« Les sciences au temps du Dr Down n’étaient certainement pas les mêmes qu’aujourd’hui, et l’état des connaissances ne pouvait lui permettre de comprendre la maladie dans sa totalité. »
Un geste qui sauve des vies
Par le Dr Henry Judah Heimlich
Largement enseignée dans le monde à toutes personnes se destinant aux métiers du soin et du secours, la manœuvre de Heimlich est un geste que chacun devrait connaître. Cette méthode mise au point en 1974 par le Dr Henry Judah Heimlich permet de libérer les voies aériennes en cas d’obstruction totale par un corps étranger. Elle peut être pratiquée sur les adultes et les enfants de plus d’un an lorsque les tapes dans le dos n’ont eu aucun effet. Le Dr Heimlich, un médecin et professeur américain né en 1920, fut à l’origine de nombreuses innovations médicales de son temps. Lors de son service militaire dans l’US Navy, il mit au point un traitement antibiotique en mélangeant de la sulfadiazine, un antibiotique, et de la crème à raser pour soigner une infection bactérienne. Il continua sa carrière dans le civil en tant que chirurgien thoracique et proposa en 1961 une méthode de remplacement de l’œsophage par une prothèse, puis en 1964 une valve permettant de traiter chirurgicalement certains incidents pneumothoraciques. Quelques années plus tard, il inventa la fameuse manœuvre de Heimlich qui consiste à opérer une compression abdominale sur une personne qui s’étouffe en se plaçant derrière elle. Elle n’est à utiliser que si l’obstruction est totale, c’est-à-dire qu’aucune quantité d’air ne passe, et que la victime n’est plus capable d’émettre le moindre son ou de respirer. La manœuvre se pratique après avoir essayé de taper plusieurs fois dans le dos, sans succès. La compression a pour effet de faire remonter les viscères sous les poumons, créant une pression qui permet d’aider à expulser le corps étranger.
L’histoire raconte que le Dr Henry J. Heimlich n’utilisa sa propre méthode qu’à 96 ans, dans sa maison de retraite où un pensionnaire était en train de s’étouffer !
Par Juliette Dunglas & Gaëlle Monfort