En décembre 2016, le chanteur Michel Polnareff a été hospitalisé une dizaine de jours à l’hôpital américain de Paris. La raison ? Une double embolie pulmonaire. Un diagnostic qui a amené l’interprète de Lettre à France à annuler les deux derniers concerts de sa tournée.
Qu’est-ce qu’une embolie pulmonaire ?
Explications du Pr Nicolas Meneveau, cardiologue au CHU de Besançon.
Marine Rognone : En quelques mots, qu’est-ce qu’une embolie pulmonaire ?
Nicolas Meneveau : Une embolie pulmonaire est la conséquence de la migration d’un caillot depuis les veines périphériques des membres inférieurs ou du petit bassin (pelvis) vers les artères pulmonaires. Le caillot va alors obstruer ces artères. On parle plus généralement de maladie thromboembolique veineuse, qui regroupe embolies pulmonaires, phlébites ou thromboses veineuses profondes périphériques.
M.R : Qu’est-ce qui influence la formation de ces caillots ?
N.M. : Il existe plusieurs facteurs susceptibles de favoriser la survenue d’une maladie thromboembolique comme l’embolie pulmonaire, dont beaucoup sont bien identifiés. L’âge, par exemple, puisque le risque d’événement thromboembolique veineux est multiplié par deux par tranche d’âge de 10 ans. Une intervention chirurgicale, une immobilisation prolongée (par exemple au cours d’un voyage), la grossesse, l’accouchement (en particulier la période du post-partum) sont d’autres situations à risque d’évènements thromboemboliques veineux. Les traitements hormonaux, en particulier la contraception oestroprogestative ou la fécondation in vitro, les pathologies cancéreuses, les traumatismes, les infections favorisent également ce type de pathologie.
M.R : Comment se manifeste une embolie pulmonaire ?
N.M. : Ce qui caractérise l’embolie pulmonaire, c’est le polymorphisme des symptômes. Le plus souvent, le patient se plaint d’essoufflement, on parle de “dyspnée”, qui survient de façon brutale. Cette dyspnée peut être associée à l’augmentation de volume d’une jambe, à une douleur thoracique ou une expectoration sanglante. Mais bien souvent, la présentation clinique du patient est atypique. Il peut être amené à consulter pour une gêne rétrosternale par exemple, une fatigue importante et prolongée… La dyspnée et la douleur thoracique ne sont pas toujours présentes au premier plan.
M.R : Ce large panel de symptômes signifie-t-il qu’il existe plusieurs formes d’embolie ?
N.M. : Tout à fait. La nature des symptômes dépend de la sévérité de l’embolie pulmonaire. Les formes les plus graves peuvent mettre en jeu le pronostic vital du patient alors que les formes les plus bénignes ne justifient plus d’une hospitalisation systématique. Lorsqu’une embolie pulmonaire est diagnostiquée, il convient d’ailleurs d’en définir le risque évolutif, c’est-à-dire de déterminer le pronostic de cette embolie en fonction de différents critères. On distingue ainsi 4 niveaux de sévérité définis à partir du risque de mortalité précoce qui varie de 2 % pour les embolies les moins graves à près de 50 % pour les formes les plus sévères. L’importance de l’obstruction artérielle pulmonaire et son retentissement sur le coeur expliquent en partie ces différents niveaux de sévérité.
M.R : Quelles conséquences peut avoir une embolie pulmonaire ?
N.M. : Une proportion non négligeable d’embolies pulmonaires ne sont pas diagnostiquées suffisamment tôt. En dehors du risque de mortalité précoce que l’on vient d’évoquer, ce défaut de diagnostic peut exposer le patient à la persistance d’une obstruction des artères pulmonaires au long cours. Le même phénomène peut également se produire, sous traitement anticoagulant bien conduit. À terme, cette obstruction artérielle pulmonaire persistante peut avoir un retentissement sur le cœur et être responsable de manifestations d’insuffisance cardiaque grave.
M.R: Quelles techniques sont employées pour poser le diagnostic ?
N.M.: Une fois le diagnostic d’embolie pulmonaire évoqué, s’en suit toute une cascade d’examens. Dans la majorité des cas, l’examen clef pour faire le diagnostic est l’angioscanner thoracique. Dans certains cas, pour les femmes enceintes ou les patients avec une insuffisance rénale par exemple, une scintigraphie pulmonaire est privilégiée. S’il n’est pas aussi efficace que l’angioscanner, cet examen est en effet moins irradiant et permet de s’affranchir de l’injection de certains produits dangereux pour les reins.
M.R: Quels sont les traitements ?
N.M. : La prise en charge thérapeutique initiale dépend du risque de mortalité précoce. Dans le cas d’un patient avec une embolie pulmonaire en état de choc, un traitement thrombolytique peut être être administré dans le but de dissoudre le caillot très rapidement. Un tel traitement est associé à un risque de complications hémorragiques qui peut faire privilégier dans certains cas une extraction chirurgicale du caillot, on parle alors d’embolectomie. Pour toutes les autres formes d’embolie, la thérapeutique repose sur un traitement anticoagulant prescrit pendant plusieurs mois pour prévenir les récidives. Le risque de récidives est en effet très élevé au cours des 1res semaines qui suivent l’événement aigu. La présence de facteurs favorisant ces récidives peut parfois conduire à proposer un traitement anticoagulant au long cours à certains patients. De nouvelles molécules anticoagulantes (les anticoagulants oraux directs) ont fait leur apparition dans le traitement de la maladie thromboembolique veineuse il y a quelques années. Ces molécules sont plus sûres d’utilisation et comportent un risque hémorragique moindre que les antivitamines K utilisés depuis 40 ans. En cas de pathologie cancéreuse associée on peut être amené à privilégier l’administration d’anticoagulants injectables, de type héparinique.
M.R : Quels gestes peuvent être appliqués en prévention ?
N.M. : Il est important de garder à l’esprit que toute immobilisation prolongée (plus de 24 à 48 h) représente une situation à risque de maladie thromboembolique veineuse. Certaines embolies pulmonaires se manifestent par exemple au décours d’un voyage prolongé, notamment en avion. Dans ce contexte, il faut éviter de boire de l’alcool, bien s’hydrater au cours du voyage, se lever et se déplacer à intervalle régulier (au maximum toutes les deux heures). Pour les personnes ayant une vraie prédisposition, le port de chaussettes de contention est également recommandé. À l’hôpital, la majorité des patients pris en charge vont justifier de l’instauration d’un traitement anticoagulant préventif.
« Toute immobilisation prolongée représente une situation à risque de maladie thromboembolique veineuse. »
Faut-il rester immobilisé en cas d’embolie pulmonaire ?
Non. Aujourd’hui, un lever précoce est recommandé, ainsi que le port de chaussettes de contention, qui réduisent les risques de complications liés à la présence éventuelle d’une thrombose veineuse des membres inférieurs. Cependant, si un patient présente des symptômes cliniques évocateurs d’embolie pulmonaire, il convient d’envisager une hospitalisation et faire en sorte que le patient ne se rende pas à l’hôpital par ses propres moyens.
Testez-vous
Embolie pulmonaire : vrai ou faux ?
- Elle correspond à la formation d’un caillot au niveau pulmonaire.
- Elle peut être dangereuse, voire mortelle.
- Elle ne touche que les personnes âgées.
- L’association pilule-tabac augmente le risque d’embolie pulmonaire.
- Une embolie pulmonaire peut se manifester suite à un voyage en avion.
- Les antécédents familiaux d’embolie pulmonaire n’ont pas d’influence.
- Les principaux symptômes sont un essoufflement et une douleur thoracique.
Réponses
1.Faux. Le caillot se forme le plus souvent au niveau des veines des membres inférieurs. 2. Vrai. 3. Faux. Les personnes âgées sont plus à risque mais ne sont pas les seules touchées. 4. Vrai. 5. Vrai. 6. Faux. Une personne aura davantage de risques de développer une embolie pulmonaire si un membre de sa famille en a déjà présenté une dans le passé. 7. Vrai.
Pilule contraceptive
La survenue d’une embolie pulmonaire dans un contexte de pilule contraceptive constitue une contre-indication formelle à la poursuite de toute contraception par oestrogènes. La fréquence de l’embolie pulmonaire est estimée à 100 000 cas par an en France, dont 10 000 à 20 000 mortels.
Marine Rognone