Lorsque les premières questions viennent, nous ne sommes pas forcément préparés à quoi dire et comment le faire. Caroline Le Roux, psychologue sexologue et Maëlle Challan-Belval, conseillère conjugale, éclairent ici cette étape de l’éducation.
Parler de sexe à ses enfants c’est avant tout comprendre qu’ils découvrent leur corps dès le plus jeune âge. Ils voient et ressentent des choses sans les comprendre, il est donc important au moment venu de mettre des mots dessus.
Une étape structurante et essentielle
L’éducation affective et sexuelle est un pilier de la construction de l’enfant. Dans son organisme de formation, Comitys, Maëlle Challan-Belval, prône le rôle du parent en tant que passeur. Une position plus qu’importante dans une société où les enfants comme les adultes sont exposés à la sexualité. Même si l’exercice peut paraître gênant pour certains, elle assure que c’est un rendez-vous attendu par les petits comme pour les plus grands. Cette éducation permet de construire des repères et aide ainsi les enfants à se responsabiliser, se protéger et à faire, plus tard, les choix les plus respectueux pour eux et pour les autres.
Mieux comprendre son enfant
Si toutes sortes de questions peuvent germer dans l’esprit des enfants, c’est aussi parce qu’en se développant, ils se découvrent et explorent les prémices d’une sexualité. Il est important de préciser qu’il est question d’une sexualité infantile, bien différente de celles des ados et des adultes, car déconnectée des constructions sociales, de la libido ou de l’activité sexuelle.
Selon le psychanalyste Sigmund Freud, l’enfant passe par plusieurs stades psycho-affectif, de sa naissance à l’adolescence, qui expliquerait la naissance d’une satisfaction sensorielle que l’on appellerait plus communément plaisir.
« Freud va donc dire que dès le début, la zone de plaisir, les zones érogènes existent et qu’elles vont être déplacées en fonction du temps », explique Caroline Le Roux, psychologue sexologue. Elle ajoute que c’est à partir de 3 ans, que l’on pourrait parler de cette découverte plus ou moins consciente du corps.
Caroline Le Roux : « Pas au même niveau que les adultes, le plaisir sexuel chez l’enfant de 3 à 5-6ans c’est le plaisir sexuel, c’est vraiment particulier. Alors que si on lui donne un bon gâteau au chocolat ça va être un autre plaisir. »
Mais eux, que comprennent-ils dans tout ça ?
Dans la rue, à l’école, à la télé ou à la maison ; les enfants observent leur environnement, leurs parents ou leurs camarades. Quand les questions leur viennent sur ces intrigantes situations, il vaut alors mieux qu’ils l’apprennent de votre bouche, dans un cadre rassurant. Typiquement, entendre ses parents dans leur intimité, l’arrivée d’un nouveau bébé ou encore les choses dites dans la cour de récréation soulève toujours des questions.
Caroline Le Roux : « Le fait que les enfants entendent leur parent faire l’amour ? Ça peut paraître paradoxal, mais c’est très structurant pour un enfant. C’est-à-dire que pour lui les parents sont asexués, ils ne peuvent pas avoir de rapports, c’est « dégoûtant ». Même nous, à nos âges adultes, imaginer ses parents en train de faire l’amour on se dit juste que ce n’est pas possible. Par contre, un enfant qui entend, il va avoir plusieurs théories là-dessus. C’est-à-dire qu’à 7 ans, s’il entend des bruits dans la chambre, il ne va pas se dire « mes parents sont en train de faire l’amour ou « en train de faire un bébé », il ne sait pas ce que c’est. Soit il ne dit rien et ce n’est pas grave, il le saura plus tard. Soit le lendemain il va le demander. Ils ont tous des théories infantiles, qui sont souvent les mêmes. »
Quelques conseils
Il n’est jamais aisé de répondre aux questions de nos enfants et encore plus quand il s’agit de sexe. Bien souvent, ce sujet était tabou dans les familles et il est normal une fois adulte de n’être pas si à l’aise qu’on le voudrait.
En matière d’éducation sexuelle et affective, c’est à chaque famille de trouver son rythme et sa façon de faire. « Il y a des familles elles (le) disent tôt, d’autres un peu plus tard. Il n’y a pas vraiment de règles, les parents doivent réfléchir et mûrir », détaille Maëlle Challan-Belval.
Quant au vocabulaire, les mots les plus simples sont parfois les plus efficaces. Caroline Le Roux précise également qu’il est nécessaire d’avoir un discours sans culpabilisation. Elle prend l’exemple d’un enfant qui se toucherait : « Si on voit que l’enfant met sa main dans sa couche et se tripote, il faut dire « ça tu as droit, mais quand t’es tout seul, dans ton bain, mais pas à table. » Il faut lui dire que c’est normal, mais qu’on ne le fait pas devant les autres, c’est leur intimité à eux. »
Maëlle Challan-Belval : « Je pense qu’ils peuvent entendre plein de choses depuis qu’ils sont tout petits, avec des mots simples. Pour moi, un enfant peut comprendre les mots du corps, même à 3 ans il peut savoir que ça s’appelle la poitrine, les seins, les fesses. Pour lui, il n’y a aucun problème à nommer le monde. Et en fait, c’est ça éduquer, parce que sur la sexualité il y a souvent plusieurs registres de langage. Il y a des mots sûrs, ceux qu’il peut employer pour poser des questions à un adulte. »
Il faut toutefois éviter les sujets trop compliqués à appréhender, notamment si cela est conflictuel dans l’entourage de l’enfant. « Il faut préserver l’enfant de tout ce qui peut le déchirer à l’intérieur, parce qu’il ne sait pas comment juger, il est trop petit pour juger », explique Maëlle Challan-Belval.
Protéger ses enfants
Maëlle Challan-Belval : « On ne parle pas de consentement pour les enfants. En fait légalement, un enfant ne peut pas donner son consentement libre et éclairé. On parle plutôt, avec un enfant, d’apprendre à formuler son accord ou son désaccord. Quand il a 4 ans, l’enfant pourra peut-être dire oui, mais ce n’est pas un consentement légal. C’est important de réfléchir avec eux sur comment on se sent à l’intérieur, la notion de choix ou la notion d’accord. Il faut donner à l’enfant des repères moraux et légaux pour l’aider à se protéger. La connaissance fait partie des outils de la liberté. »
En résumé
- Répondre quand les questions viennent
- Parler simplement avec un langage précis
- Se familiariser avec les mots qu’on emploie
- Normaliser plutôt que culpabiliser
- Informer ce n’est pas inciter
- Les plus avertis sont les plus prudents
Quelques références
- Comitys
- Le planning familial
- Osez en parler ! Savoir parler d’amour et de sexualité avec ses enfants, Maëlle Challan‑Belval (InterÉditions)
Les expertes
Maëlle Challan-Belval
Présidente de Comitys, conseillère conjugale et formatrice
www.comitys.com
Caroline Le Roux
Psychologue Sexologue
www.sexologue-france.fr
Par Juliette Dunglas