Entre les sécheresses ayant touché la France cet été, les contaminations chimiques et les inondations, la question de la potabilité future de l’eau est légitime. L’eau sera-t-elle toujours potable à l’avenir ? Nos ressources aquatiques vont-elles s’épuiser ?
Les acteurs de l’eau
Souvent invisible, la filière de l’eau est très organisée en France. « En 2017, le choix a été fait de rassembler les acteurs dans une logique de filière et de chaîne de valeur », explique David Colon. Ce secteur est régulé en premier lieu par l’État lui-même, grâce au ministère de la Santé pour l’aspect sanitaire, de la Transition écologique et solidaire pour l’aspect eau et biodiversité et la Direction générale des entreprises pour l’aspect industriel. Au niveau institutionnel, l’Office français de la biodiversité et les agences de l’eau travaillent sur les objectifs en matière de qualité de l’eau dans les milieux. Puis, les acteurs sont organisés en fédérations : canalisateurs, industriels de l’eau, équipementiers, exploitants publics et privés des services d’eau et d’assainissement, et ingénierie. Le pôle de compétitivité France Water Team regroupe des entreprises, start-up, universités, écoles et collectivités. Enfin, nous trouvons des organismes scientifiques (laboratoires de recherche) et techniques.
« La filière eau représente 54 000 emplois directs et un chiffre d’affaires de 12 milliards d’euros en France. » – David Colon
Eau du robinet versus eau en bouteille
L’eau bue chaque jour ne représente que 1 % de l’eau utilisée au niveau domestique en France, pourtant c’est la part dont la population se soucie le plus. Malgré une confiance relativement haute des Français dans l’eau du robinet, l’Hexagone fait partie du top 5 des plus grands consommateurs mondiaux d’eau en bouteille. « Il y a une montée en puissance des attentes citoyennes en lien avec l’anxiété ambiante sur les polluants qui se retrouvent dans l’eau potable », indique David Colon. Pourtant, l’arrivée de nouvelles technologies dans les années 1980-1990, les technologies par membrane, permet d’enlever tous les composants autres que les molécules d’H2O de l’eau du robinet. « Mais dans l’eau, il y a aussi des minéraux, donc tout retirer n’est pas la solution », ajoute-t-il. L’eau en bouteille, quant à elle, renvoie aux problèmes de pollution par les plastiques, et en particulier les phtalates (des perturbateurs endocriniens). « Les sources d’eau minérale ne sont pas exemptes de la problématique micropolluante », indique-t-il.
David Colon conclut sur ce sujet : « D’un point de vue écologique, l’eau du robinet est la ressource la plus pertinente. Mais notre enjeu au niveau professionnel est que la population ait confiance en cette eau, car il y a beaucoup d’échos anxiogènes autour de cette ressource. »
Existe-t-il des risques que l’eau ne soit plus potable dans quelques années ?
Contamination aux microplastiques, aux pesticides, au plomb, aux nitrates… Pourrons-nous encore boire l’eau du robinet dans quelques années ?
Selon David Colon, les enjeux d’aujourd’hui concernent surtout l’eau rejetée dans les milieux par les stations d’épuration plutôt que par l’eau potable en elle-même. Les seuils réglementaires sont tels que l’eau est propre à la consommation sur 98 % du volume total. Mais ce sont les zones rurales qui posent problème. En effet, « les traitements de l’eau sont moins perfectionnés technologiquement, d’où des risques microbiologiques qui n’engagent pas la santé à long terme », indique David Colon. Ces risques microbiologiques sont dus aux rejets organiques des troupeaux dans les nappes et cours d’eau, pouvant entraîner des diarrhées.
Rassurant, il insiste sur un point : « Il n’y a pas de risque que l’eau devienne non potable à terme. »
Et nos ressources en eau, nos petits-enfants en auront-ils suffisamment ?
Il faut distinguer trois types d’usage de l’eau : l’eau du robinet (usage domestique), l’usage agricole et l’usage industriel. Pour le premier, l’eau est prélevée dans le milieu, rendue potable et, une fois utilisée, elle part en station d’épuration puis est reversée au milieu récepteur. C’est le petit cycle de l’eau et il y a très peu de pertes pour le milieu naturel. Le deuxième, par contre, est plus problématique. « Il y a encore des cultures, type maïs, dans des régions qui ne sont pas adaptées. Des tourniquets pompent directement dans la nappe des quantités d’eau énormes et la rejettent en plein été sous forte chaleur sur les feuilles. Cette eau s’évapore parfois à 80-90 % et sort du territoire. » L’agriculture est en effet très demandeuse en eau. Et pour cause : 40 % de la récolte mondiale est dépendante de l’irrigation. Construction de barrages, de canaux, d’aqueducs, d’une taille toujours plus imposante. Durant le XXe siècle, c’est plus de 45 000 barrages construits dans le monde, desservant 325 millions d’hectares de terres. Bien que le développement de l’irrigation ait répondu à l’augmentation de la population mondiale, il a également provoqué des perturbations environnementales. En effet, les milieux aquatiques et l’écosystème établis sont très affectés par ces constructions.
Le véritable enjeu
Selon David Colon, « l’enjeu de la gestion de l’eau est la façon dont nous devons gérer les grandes variations de disponibilité de l’eau liée aux modifications climatiques. » Entre diminution de la capacité des nappes phréatiques, épisodes répétés d’inondations surtout dans le sud de la France, étés secs avec restrictions d’eau, les ressources en eau semblent variables.
Le réchauffement climatique va nous obliger à être encore plus performants, car les milieux sont de plus en plus sensibles.
Comment l’eau du robinet devient-elle potable ?
- Après captage dans les nappes souterraines ou dans des eaux de surface, l’eau est transportée jusqu’à une station de traitement pour la rendre potable.
- L’Agence régionale de santé (ARS) y effectue des contrôles sanitaires selon 60 critères de qualité établis par l’OMS.
- Devenue potable, l’eau est entreposée dans des châteaux d’eau ou des réservoirs.
- Elle alimente ensuite des habitations. Une fois utilisée, l’eau usée est évacuée dans le circuit d’assainissement.
- L’eau usée est finalement évacuée dans les égouts pour rejoindre une station d’épuration. Elle y sera nettoyée et renvoyée dans les eaux de surface pour un futur pompage.
- 81 % des français font confiance dans l’eau du robinet – Source : Enquête du Centre d’information sur l’eau, 2016
Par Léna Pedon, avec la participation de David Colon, délégué du Comité stratégique de la filière eau, Comité national de l’industrie