La chrononutrition est un mode d’alimentation mis au point en 1986 par le Dr Alain Delabos, gériatre et nutritionniste. En se fondant sur les rythmes biologiques du corps humain, il a élaboré toute une méthodologie qui détermine quel aliment manger en fonction du moment de la journée.
Les rythmes biologiques, qu’est-ce que c’est ?
Nous fonctionnons grâce à des horloges internes qui nous régulent naturellement. Ces dernières donnent cycliquement des instructions très précises à notre corps et cela nous permet de ressentir quand nous avons besoin de dormir, de manger, de brûler des calories ou de fabriquer certaines hormones par exemple… Si certains cycles sont mensuels, par exemple les règles chez les femmes, d’autres, comme celui de la prise alimentaire, durent 24 heures.
Les horloges qui dirigent nos rythmes d’alimentation font de nous des êtres vivants diurnes et non nocturnes. Grossièrement, certaines hormones nous donnent le feu vert pour nous nourrir dès le matin et nous indiquent de nous arrêter et nous reposer à la tombée de la nuit. Le Dr Étienne Challet, chercheur en neurosciences à Strasbourg, précise que « nos rythmes reposent principalement sur la lumière. Ce qui compte, c’est d’avoir une période d’alimentation et une période de jeûne synchronisées par la lumière ». Il explique que « les hormones liées à l’alimentation […] sont sécrétées avant l’heure des repas à heures fixes et d’autres, après ». C’est sur la base des rythmes biologiques que le Dr Delabos a fondé sa méthode de nutrition. Il est d’ailleurs entré encore plus dans le détail et a défini quels types d’aliments ingérer en fonction de l’heure.
Le saviez-vous ?
« Lorsque l’on vit sur des rythmes décalés et notamment dans le cas du travail posté (par exemple : le personnel soignant qui alterne le travail de jour puis de nuit), cela va altérer les horloges internes et donc le métabolisme. Sur le long terme, on perd alors le rythme des sécrétions d’enzymes et d’hormones. » Dr Étienne Chalet
La méthode Delabos
Elle se compose de deux concepts : la morpho et la chrononutrition. Alors que le premier prend en compte la morphologie pour opérer une perte de poids localisée, le second se concentre sur le mode d’alimentation au sens strict.
La morphonutrition
Le Dr Delabos définit onze formes de corps qui seraient le reflet de ce que nous mangeons. Il propose donc à celles et ceux qui le souhaiteraient de perdre du poids de façon localisée en analysant les endroits où se trouve la « surcharge pondérale » afin d’atteindre la « silhouette idéale ». Ainsi, trop de légumes donnerait des hanches et des cuisses « trop larges », les excès de viande, quant à eux, seraient la cause d’épaules « trop imposantes ». Évidemment, ceci est faux et ce qu’il faut surtout comprendre c’est que chaque personne possède une morphologie propre. Un bassin large ne rentrera jamais dans un jean taille XXS et encore moins en diminuant les légumes (bien au contraire) ! Bien sûr, si les petites rondeurs qui sont apparues au fil des ans vous dérangent, il est possible, grâce au sport et à une bonne alimentation, de remédier à cela, mais avec une perte de poids globale et raisonnée.
La chrononutrition
Toutefois, bien que le concept de morphotype soit discutable, il semblerait que le mode d’alimentation, lui, ne le soit pas. Camille Piquet est diététicienne et conseille souvent la chrononutrition en consultation. Satisfaire les besoins journaliers en gras plutôt le matin est une bonne idée selon elle, car « le cholestérol que l’on retrouve dans l’organisme provient principalement de notre propre synthèse (70 % en moyenne) et le reste est apporté par notre alimentation. Bien qu’indispensable à notre organisme, il ne doit pas être présent en trop grande quantité. Un apport de cholestérol le matin permet de ralentir la synthèse qui est faite par l’organisme. À l’inverse, si l’on en mange plutôt le soir, on rajoute cela à ce qui a déjà été synthétisé dans la journée. Le petit déjeuner en version salée a plusieurs intérêts. On évite les montées de glycémie brutales (dues au sucre) qui peuvent provoquer des coups de fatigue, des fringales… », précise la diététicienne. La chrononutrition prévoit également un goûter qui procurera le sucre dont nous avons besoin ainsi que des graisses végétales. Selon Camille Piquet, « Ce type de collation, en plus d’apporter des bonnes graisses, permet d’apporter du tryptophane avec les oléagineux et le chocolat noir qui aide à la production de sérotonine permettant de « freiner » en fin de journée. Reprendre du sucre (attention à la qualité) fait monter la glycémie qui favorise la synthèse de cette sérotonine, qui nous indique la fin de journée. » Le déjeuner sert, pour sa part, à bien nourrir l’organisme pour tenir le reste de la journée sans grignotage. Il est composé, comme le dîner, principalement de protéines, accompagnées de féculents le midi et de légumes le soir. Au final, « Le schéma est plutôt pertinent, mais il est à moduler en fonction de la personne. C’est intéressant d’aller voir un professionnel de santé. Tout dépend du métabolisme de chacun qui est défini par l’activité physique, l’historique (régime ou non) et les prédispositions génétiques. »
« Tout dépend du métabolisme de chacun qui est défini par l’activité physique, l’historique (régime ou non) et les prédispositions génétiques. » Camille Piquet, diététicienne
De son côté, le Dr Étienne Challet confirme bien « qu’un dîner copieux et gras favorise le stockage des graisses alors qu’en début de journée, on se dépense et on stocke moins. On a également une moins bonne tolérance au glucose le soir. Il va rester dans le sang plus longtemps et avoir tendance à pénétrer dans les cellules adipeuses, et favoriser ainsi la synthèse de tissu adipeux. ».
Les menus de la chrononutrition
Petit déjeuner : pain et fromage accompagnés d’une boisson chaude sans sucre
Le conseil de Camille Piquet « Prendre du pain avec des fibres, donc pain complet, pain de seigle ou aux céréales. »
Déjeuner : des protéines animales ou végétales (viande, poisson, soja ou oeufs), accompagnées d’un bol de féculents
« On ajoute les légumes pour les vitamines et les antioxydants. C’est toujours bien d’avoir les trois composants (protéines, féculents et légumes). Pour être plus efficace, choisissez des féculents avec des indices glycémiques bas (plus de fibres comme les pâtes et le riz complets). »
Goûter : du chocolat noir et des fruits secs ou des graines, un fruit
Dîner : des protéines maigres et un bol de légumes
« Quelqu’un qui fait beaucoup de sport ou qui a l’habitude peut garder des féculents au dîner. »
Le sucre ajouté, les viennoiseries, le vin… et les desserts d’une façon générale ne sont pas recommandés dans la chrononutrition, sauf à l’occasion des deux repas « jokers » autorisés chaque semaine.
La qualité avant tout !
Ce qui est important dans n’importe quel mode d’alimentation, c’est surtout la qualité. Camille Piquet dresse ici une liste des options de bonne qualité pour vos assiettes.
- Féculents non raffinés (complet)
- « Bonnes » graisses (poissons gras, huiles végétales)
- Produits non transformés
- Plutôt bio et local
Les expert(e)s
- Dr Étienne Challet, chercheur à l’Institut des neurosciences cellulaires et intégratives, CNRS/ Université de Strasbourg
- Camille Piquet, Diététicienne
Par Juliette Dunglas