Dérèglement du rythme, insomnies, apnée du sommeil, somnambulisme… Quatre français sur dix déclarent souffrir d’un trouble du sommeil. Une source d’inquiétude. Toutes les réponses à vos questions sur le sommeil !
« Si mon médecin me prescrit des somnifères, vais-je devenir dépendante ? » Sylvie, 60 ans
En premier lieu, les thérapies cognitives et comportementales (TCC) sont à privilégier avant la prise de somnifères. Elles constituent le traitement de référence de l’insomnie pour l’Organisation mondiale de la santé. Quant aux somnifères, des hypnotiques pour la plupart, ils doivent être utilisés sur le court terme, idéalement pendant 12 jours et jusqu’à 28 jours. Sur le long terme, leurs effets indésirables sont tels qu’ils ne sont plus considérés comme efficaces. Ces médicaments créent un sommeil artificiel et induisent des troubles de la mémoire, de la concentration et de la somnolence durant la journée. Une accoutumance s’installe qui conduit à une augmentation de la dose initiale, et la peur de ne pas pouvoir dormir crée un cercle vicieux. Un sevrage progressif peut être réalisé, mais il est plus facile en théorie qu’en pratique. C’est pourquoi les autorités de santé demandent aux médecins d’éviter leur prescription, en particulier chez la personne âgée.
« Le manque de sommeil fait-il grossir ? » Clara, 22 ans
Oui ! L’alimentation influence le sommeil et vice versa. Une enquête de l’Institut national du sommeil et de la vigilance (INSV) parue en 2015 a évalué l’augmentation du risque d’obésité chez les personnes qui dorment peu à 34 % pour les femmes et 50 % pour les hommes. Une enquête de Santé publique France a quant à elle constaté qu’une extension de la durée du sommeil sur de jeunes obèses « petits dormeurs » (6 heures par nuit) permet de diminuer leur appétit pour des aliments à haute teneur énergétique, et de limiter leur prise calorique durant la journée.
« Certaines nuits, je sens que je suis éveillé mais impossible de bouger, est-ce seulement un cauchemar ? » Julien, 35 ans
La paralysie du sommeil est une parasomnie de plus en plus fréquente. Caractérisée par l’incapacité d’effectuer des mouvements volontaires avant l’endormissement ou juste avant de s’éveiller. Pourtant, la personne est consciente. Ce phénomène donne un sentiment d’anxiété et d’oppression. Ce trouble n’a pas de traitement particulier mais peut constituer un symptôme de la narcolepsie : consulter votre médecin traitant en cas de doutes. Cette pathologie, classée dans les hypersomnies, provoque une somnolence durant la journée allant jusqu’à des endormissements involontaires.
« Je me réveille plusieurs fois pendant la nuit, que faire ? » Madeleine, 42 ans
Si vous vous levez pour uriner, vous buvez peut-être trop de liquide avant le coucher. Les tisanes aux plantes sont bénéfiques, mais n’en abusez pas ! Se lever plusieurs fois dans la nuit pour uriner se retrouve dans l’apnée du sommeil (cf. focus). En cas de réveils sans envie de miction, le problème est peut-être d’ordre psychologique. Pensez à la relaxation ou à la thérapie cognitive et comportementale.
« Mon conjoint ronfleur m’empêche de dormir, quelles sont les solutions ? » Hélène, 39 ans
Un rhume, la consommation d’alcool… les ronflements peuvent survenir occasionnellement chez n’importe qui. Quotidiennement, les nuits deviennent un cauchemar pour le conjoint. Un amaigrissement, en cas de surpoids ou d’obésité, ou la diminution de la consommation de boissons alcoolisées avant le coucher diminuent les ronflements. Vérifiez que votre conjoint n’a pas d’arrêt dans sa respiration, signe d’apnée du sommeil. Les différents produits type sprays antironflements buccaux ou nasaux, lubrifieraient les voies aériennes supérieures pour atténuer les vibrations.
« Est-ce que faire du sport aide à l’endormissement ? » Thomas, 25 ans
Nous pourrions croire que le sport favorise l’endormissement s’il est pratiqué avant le coucher. L’activité sportive est en effet bonne pour le sommeil : elle le rend plus profond et réparateur. Des endorphines, aux propriétés anxiolytiques et analgésiques, sont secrétées et favorisent une bonne qualité de sommeil. Cependant, il faut privilégier le sport le matin plutôt que le soir ou bien à distance du coucher. Le corps a besoin de se refroidir pour s’endormir. Or la pratique sportive augmente la température corporelle.
« J’ai entendu parler de vidéos sur internet pour aider à dormir, qu’est-ce que c’est ? » Léa, 16 ans
Des vidéos d’ASMR, de l’anglais Autonomous Sensory Meridian Response, sont très à la mode sur la plateforme YouTube. Elles sont constituées de sons enregistrés avec des microphones ultraperformants pour provoquer une sensation de bien-être. Cette méthode de relaxation n’a pas encore été prouvée scientifiquement mais compte des millions d’adeptes à travers le monde. Il existe des appareils de relaxation pour rythmer la respiration afin de s’endormir. Cependant, ils ne sont pas recommandés, car ils diffusent de la lumière bleue.
« Je parle durant mon sommeil, est-ce du somnambulisme ? » Loïc, 51 ans
Qui n’a pas déjà parlé dans son sommeil ? Ce phénomène s’appelle la somniloquie. Elle n’a aucune conséquence sur votre santé et n’est pas synonyme de mauvais sommeil. Elle arrive à n’importe quel stade de votre sommeil, paradoxal ou profond. Vous ne vous réveillez pas, contrairement au somnambulisme. Typiquement, un somnambule se lève durant la nuit et effectue des tâches les yeux ouverts. L’épisode se produit dans les trois premières heures après l’endormissement et dure environ 10 minutes. Un somnambule est souvent somniloque, l’inverse n’est pas automatiquement vrai. Si vous sentez une fatigue au réveil, consultez un médecin.
Focus apnée du sommeil : une maladie encore sous diagnostiquée
Pr Jean-Claude Meurice, Pneumologue au CHU de Poitiers
Les jeunes peuvent-ils être affectés par l’apnée du sommeil ?
L’apnée du sommeil peut affecter des personnes à tout âge. Chez les adultes ou personnes âgées, la surcharge pondérale est souvent en cause. Ils ont une réduction du calibre des voies aériennes supérieures comme la gorge, la bouche ou le nez, par des dépôts graisseux, ou bien des anomalies anatomiques comme un recul de la mâchoire inférieure. Chez les enfants, la cause est essentiellement anatomique : petits mentons, anomalies de la mâchoire inférieure, voies aériennes de petit calibre, petite mâchoire ou anomalies nasales. Une obstruction au niveau nasal engendre l’absence de développement de la muqueuse ou d’agrandissement des voies aériennes supérieures. Chez le pré-adolescent, la cause peut être l’hypertrophie des amygdales. Quelques symptômes permettent de les repérer : ils ronflent, s’endorment facilement dans la journée et ont un retard de croissance.
Comment peut-on détecter les symptômes ?
Tous les ronfleurs ne sont pas des apnéiques, mais 90 % des apnéiques sont ronfleurs. L’entourage va remarquer des arrêts de la respiration, il n’y a plus de ronflement. Par ailleurs, un apnéique se lève plusieurs fois pour uriner. La baisse d’oxygène dans le sang et la difficulté à respirer mettent en jeu les muscles du thorax et induisent un changement de pression au niveau du cœur. Les cellules cardiaques sont stimulées et sécrètent une hormone qui donne envie d’uriner. Un apnéique se sentira plus fatigué le matin que la veille au soir, éprouve des maux de tête au réveil et ressent une somnolence durant la journée.
Certains patients sont-ils réticents à se faire traiter ? Pour quelles raisons ?
Le traitement connu est la pression positive continue (PPC) : un masque relié à un compresseur qui délivre de l’air sous pression. L’air vient repousser les parois de la gorge. Le bruit de l’appareil peut être gênant pour des patients à sommeil très léger mais, aujourd’hui, ils ont beaucoup évolué et sont extrêmement tolérables. Sur un million de patients traités en France, entre 15 et 20 % y sont opposés ou ont abandonné la PPC. Les raisons évoquées sont la difficulté à tolérer un litre d’air par seconde ou d’ordre psychologique, type claustrophobie. Des problèmes techniques sont aussi rapportés comme des fuites, une sécheresse cutanée… Mais, en général, les patients l’intègrent très bien dans leur quotidien.
Existe-t-il d’autres traitements ?
Cette pathologie pourrait être traitée dans 50 % des cas par un amaigrissement. La chirurgie bariatrique ou des mesures hygiéno-diététiques adaptées permettent une perte de poids. Car la PPC ne résout pas tout ! Les patients obèses gardent autant de facteurs de risque cardiovasculaires même sous traitement. Des exercices réguliers pour entraîner les muscles à laisser la gorge ouverte aident à une meilleure respiration. L’orthèse d’avancée mandibulaire existe également et propulse la mâchoire inférieure en avant pour libérer l’espace à l’arrière de la langue. Beaucoup mieux acceptée que la PPC, elle reste moins efficace. Des protocoles sont en cours sur la stimulation par pacemaker des muscles de la gorge. Et puis, certaines molécules existantes utilisées en association pourraient améliorer les apnées, mais restent encore du domaine de la recherche.
Cette maladie est très sous-évaluée, probablement sous-traitée. Elle est pourtant la cause de comorbidités cardiovasculaires et neurologiques très importantes. Une raison complémentaire pour aller chez votre médecin traitant dès la moindre suspicion.
4 astuces pour mieux dormir
Créer un rythme
La sérotonine, l’hormone du réveil, est stimulée par la lumière du jour. Et celle du sommeil, la mélatonine, est secrétée la nuit. Pour une horloge circadienne bien huilée, avoir un rythme à heures fixes est primordial ! Faire la grasse matinée pour compenser votre manque de sommeil est une fausse bonne idée car elle le dérègle. Privilégiez les siestes de moins de 20 minutes, à ne pas dépasser pour ne pas empiéter sur votre capital sommeil.
Les médecines naturelles
Les séances de luminothérapie permettent de stimuler la sécrétion de sérotonine et sont à effectuer le matin. Attention en cas de problèmes oculaires, demandez l’avis à votre médecin. La phytothérapie est également un bon moyen de favoriser l’endormissement ou d’éviter les réveils nocturnes. Un mélange de passiflore, relaxant musculaire, de valériane aux propriétés anxiolytiques et de mélisse, plante sédative, est une recette de grand-mère efficace. Attention en cas de prise d’anxiolytique en concomitance. D’autres plantes comme l’aubépine, la lavande ou le pavot de Californie ont des effets bénéfiques sur votre sommeil, ainsi que les huiles essentielles de petit grain de bigaradier, basilic tropical ou lavande. Parlez-en avec votre pharmacien.
Éviter les écrans !
La lumière des lampes ou des écrans mime la stimulation de sécrétion de sérotonine et empêche celle de mélatonine. Le soir, baisser vos lumières pour vous préparer progressivement au sommeil. L’INSV propose d’utiliser une lumière rouge, moins active sur l’horloge biologique.
L’alimentation et les boissons
L’effet de la caféine est plus durable qu’il n’y paraît. Cette famille de molécule dérègle notre horloge biologique : à éviter. Quant à l’alcool, son effet anxiolytique aide à l’endormissement, mais dégrade le sommeil. Il génère une augmentation des réveils nocturnes, des ronflements et des risques d’apnée du sommeil. Par ailleurs, dînez tôt et léger car la digestion augmente la température corporelle.
Quelques chiffres
- 4 français sur 10 déclarent souffrir d’un trouble du sommeil. (Source : Enquête 2019 de l’INSV/MGEN)
- 7 français sur 10 ressentent que le manque de sommeil influe sur leur quotidien. (Source : Enquête mondiale « World Sleep Day 2019 » Sanofi et YouGov)
Par Solène De Meulemeester





