Ces bonnes bactéries peuvent-elles prévenir l’apparition de mycoses vaginales ? Certains gynécologues sont sceptiques. Les microbiologistes enthousiastes. Que dit la science ?
Ils sont partout ! Diarrhées, constipation, peau et désormais mycoses vaginales : les probiotiques sont en passe de devenir l’eldorado santé du XXIe siècle. Particulièrement intéressant : les probiotiques enrichis en bactéries lactobacilles. Il faut dire que le rôle des lactobacilles présents dans le microbiote vaginal est particulièrement riche. La flore est un écosystème à lui tout seul, que les lactobacilles régulent. Ces bactéries rendent le vagin hostile à la colonisation de microorganismes pathogènes. Et ce, grâce à la dégradation du glycogène, le nutriment de ces bactéries, en acide lactique. Le vagin devient alors acide et est protégé contre de nombreuses infections, à l’instar des candidas, les fameuses mycoses vaginales.
Les lactobacilles vaginaux produisent également du peroxyde d’hydrogène, lui aussi toxique pour certains microorganismes comme les gonocoques, les chlamydiae ou les trichomonas. Plus généralement, les lactobacilles, qui composeront ensuite les probiotiques, entrent en compétition avec les autres microorganismes en se collant à la paroi du vagin et en volant, en quelque sorte, la place des autres.
Pour ou contre ? Oui, en préventif !
Sur le papier, les lactobacilles présents dans les probiotiques semblent donc parfaits pour prévenir les mycoses de la vulve et du vagin. D’autant plus que les femmes qui présentent un microbiote déséquilibré et faible en lactobacilles sont plus touchées par les mycoses : « la flore vaginale se déplace en cas de candidose et les lactobacilles pourraient devenir moins efficaces même s’ils sont toujours présents en nombre. Le champignon peut prendre le dessus », déclare le Dr Gilles Brami, directeur médical des Laboratoires Iprad, qui commercialise notamment la gamme Saforelle et Physioflore. 75 % des femmes souffriront un jour ou l’autre d’une candidose vulvovaginale. Et dans la plupart des cas, il s’agira d’un candida albicans. Grossesse, deuxième partie du cycle menstruel, thérapie hormonale, antibiothérapie ou hygiène inappropriée sont autant de situations à risque. Et « il y a beaucoup de confusion avec la vaginose », nous apprend Gilles Brami. La mycose est toujours caractérisée par une démangeaison importante et des écoulements blanchâtres, alors que la vaginose, plus fréquente, est toujours associée à une mauvaise odeur.
Alors que dit la science ? « Les lactobacilles ont un vrai intérêt préventif, notamment sur les mycoses récidivantes », explique le Dr Jean-Marc Bohbot, médecin infectiologue et directeur du département IST et d’andrologie de l’Institut Fournier et co-auteur du livre : Microbiote vaginal : la révolution rose. Il cite ainsi l’étude Candiflore : « des lactobacilles administrés par voie vaginale ont permis de réduire par deux le nombre de récidives de candidoses chez ces femmes qui avaient au moins quatre épisodes par an ». Les bienfaits des probiotiques se concentreraient donc surtout sur la prévention des mycoses récidivantes. « Nous n’avons, par contre, encore aucune preuve de leurs effets curatifs », assure le Dr Brami.
« Les lactobacilles administrés par voie vaginale ont permis de réduire par deux le nombre de récidives de candidoses chez ces femmes qui avaient au moins quatre épisodes par an »
Des études qui doivent être consolidées
À y regarder de plus près, les études publiées sur le sujet sont plus qu’hétérogènes. Différence de souche testée, de méthodologie, d’échantillon… Si un grand nombre d’entre elles méritent d’être reproduites, les conclusions sont globalement encourageantes et tendent vers un réel effet préventif. Particulièrement lorsqu’il s’agit d’endiguer les effets indésirables des antibiotiques. Alors que nous avons souvent le réflexe de prendre des probiotiques pour éviter les troubles digestifs liés aux antibiotiques, c’est moins le cas pour les mycoses.
Dans la pratique, « nous proposons des probiotiques toujours en complément des antifongiques, en cas de récidive », indique le Dr Bohbot. Il ajoute : « en termes de résultat et de bien-être, il n’y a pas photo ! Ça conforte beaucoup les femmes dans le fait qu’elles n’auront pas à prendre des antifongiques toute leur vie. » Une alternative intéressante, alors que les candidas deviennent résistants aux traitements antifongiques.
Tous les probiotiques se valent-ils ?
Les probiotiques vont donc à la fois remplacer la flore défaillante et, dans un second temps, créer des conditions écologiques favorables à la recolonisation par des lactobacilles naturels. S’ils sont proposés par voie orale et vaginale, c’est cette dernière qui semble à privilégier. Tampons probiotiques, gélules, ovules… « L’administration locale est beaucoup plus efficace », insiste Jean-Marc Bohbot.
Une affirmation que confirme le Dr Brami : « par voie vaginale, on sait exactement la dose qui arrive, contrairement à la voie orale. Une gélule vaginale correspond à peu près à la dose de lactobacilles qui se trouve naturellement dans tout le vagin ». Pour un minimum d’efficacité, des concentrations précises sont à respecter : 108 UFC (unités formatrices de colonies) minimum par gélule vaginale et par souche. Vient ensuite la sélection des souches… Et là, le choix ne manque pas. « Les souches de lactobacilles les plus intéressantes sont celles qui sont déjà présentes à l’état naturel dans le vagin », déclare le Dr Bohbot. À savoir : lactobacillus crispatus, présent chez 50 % des femmes saines, lactobacillus gasseri ou lactobacillus rhamnosus. Alors que les cures courtes de probiotiques pour prévenir les candidoses n’ont pas donné de résultats concluants, il faut au moins prolonger le traitement 3 mois, à raison d’une prise tous les jours, une semaine par mois, « si possible avant les règles », précise le Dr Bohbot.
Miser sur la science
« Effectivement, les probiotiques ne résolvent pas tout, même si je suis persuadé qu’ils révolutionneront notre approche thérapeutique dans les prochaines années », tempère Jean-Marc Bohbot. Et une partie des gynécologues reste sceptique. Le microbiote vaginal n’est réellement étudié que depuis une dizaine d’années et la recherche doit encore clarifier son rôle sur l’immunité, la durée optimale des traitements préventifs et la voie d’administration idéale. « Finalement, pour bien choisir un probiotique, le plus important est de privilégier ceux qui ont été testés en essai clinique. C’est le rôle de la science de montrer leur efficacité », suggère le Dr Gilles Brami.
D’ici à quelques années, la réglementation sur ces produits devrait changer. Du statut de dispositif médical, ils passeront à celui de médicament. Les probiotiques pris par voie orale resteront, quant à eux, des compléments alimentaires.
Mycose vaginale : quels symptômes ?
Les mycoses sont des infections liées à des champignons, qui peuvent coloniser la vulve et le vagin. La plupart du temps, ce sont les deux qui sont touchés, d’où le terme de mycoses vulvovaginales. Elles ne sont pas sexuellement transmissibles. La démangeaison est le symptôme principal, accompagné d’irritation, de brûlure en urinant et de pertes blanches crémeuses.
Mais, contrairement aux idées reçues, cette infection est rarement associée à de mauvaises odeurs. Pour éviter les récidives, mieux vaut ne pas porter de vêtements trop serrés et synthétiques et tout laver à 70°. Enfin, l’hygiène intime est primordiale, mais doit rester douce, grâce à des produits au pH compris entre 7 et 8, et à raison d’une toilette par jour.
- 75 % des femmes seront un jour ou l’autre touchées par une candidose vulvo-vaginale
Léa Galanopoulo