Laetitia Milot, actrice française qui a commencé sa carrière dans la série Plus belle la vie, a annoncé il y a quelques années qu’elle souffrait d’endométriose. Cette maladie touche près d’une femme sur dix, pourtant on la connaît mal ou pas. Elle concerne donc près de 3 millions de femmes en France. Il est indispensable de mieux connaître cette maladie pour aider ces femmes qui souffrent souvent en silence.
Une maladie douloureuse
Si Laetitia Milot a été diagnostiquée il y a 10 ans, elle raconte dans son documentaire consacré à la maladie (Devenir maman : notre combat contre l’endométriose, de Laetitia Milot et Juliette Brasseur) qu’elle a souffert de douleurs dès l’adolescence, dans l’indifférence des médecins consultés. « C’est normal de souffrir pendant les règles », lui ont répété les gynécologues. Pourtant, elle sent que quelque chose n’est pas normal : « J’avais des douleurs atroces, j’étais pliée en quatre et, parfois, ça me prenait même en marchant dans la rue », raconte la comédienne.
Un diagnostic difficile
Selon les associations de malades, le diagnostic d’endométriose est obtenu en moyenne après 7 ans d’errance médicale. Sept années de souffrance sans nom. Les symptômes peuvent être variés mais, dans cette maladie, les plus courants sont : des douleurs de règles très intenses, des douleurs lors des rapports sexuels, lors de la miction, mais aussi des troubles digestifs.
Ces douleurs peuvent être présentes avant, pendant et après les règles. Malheureusement, le diagnostic peut être difficile en raison de ces symptômes variés. Il faut donc consulter un gynécologue spécialisé, par exemple en contactant une association de patients pour obtenir les coordonnées d’un spécialiste de cette pathologie.
Des douleurs qui peuvent évoluer avec le temps
Les douleurs sont liées à l’évolution de la maladie. En effet, l’endométriose est la migration des cellules de l’endomètre à l’extérieur de l’utérus. Ces cellules, qui auraient dû rester dans l’utérus, peuvent se retrouver sur les ovaires, les trompes, le péritoine, le rectum, la vessie, le diaphragme, mais aussi les intestins ou les reins. C’est parce qu’elles sont disséminées dans le corps que les douleurs sont diffuses et leurs localisations variables selon les femmes. Au fil des années, les « amas » de cellules peuvent être de plus en plus nombreux ; souvent les douleurs s’amplifient, même s’il n’y a pas de corrélation entre l’importance des douleurs et celle de la maladie. L’endométriose est une maladie chronique, c’est parfois après des années d’évolution que les premières douleurs peuvent apparaître. Les femmes de tout âge peuvent donc être concernées par la maladie.
Des traitements à adapter à chaque femme
Il n’existe aujourd’hui pas encore de traitement pour guérir l’endométriose. Cependant, il est possible de la soulager et de diminuer certains symptômes. Chaque endométriose étant unique, le traitement doit être soigneusement choisi pour correspondre au mieux aux attentes des malades.
Et la grossesse ?
Bonne nouvelle : pour certaines malades, c’est une période de sursis dans les douleurs de la maladie ! Elle peut mettre en sommeil les symptômes de l’endométriose pendant 9 mois, mais malheureusement ce n’est pas le cas pour toutes les femmes. Après l’accouchement, les symptômes peuvent réapparaître sous l’effet des cycles hormonaux.
Pour Laetitia Milot, une opération chirurgicale lui a permis de favoriser une grossesse. Elle est désormais l’heureuse maman d’une petite fille, Lyana, née en mai dernier : « Être enceinte, c’est une première victoire sur l’endométriose. C’est possible, contrairement à ce qu’on a pu nous dire. On a le droit à notre bonheur. On a réussi malgré les obstacles. C’est un combat tellement long, une étape contre la maladie. »
« Il y a un fort impact psychologique des douleurs chroniques et certains médecins le négligent : ce n’est pas parce que les femmes sont « folles » qu’elles ont mal, mais c’est parce qu’on les laisse avoir mal qu’elles deviennent « dingues » ! Dr Pierre Panel, gynécologue, spécialiste de l’endométriose à l’écoute des femmes
L’avis de l’expert DR Pierre Panel, gynécologue, spécialiste de l’endométriose à l’écoute des femmes
Qu’est-ce que l’endométriose ?
Il existe différents types d’endométriose, plus ou moins fréquents. Si on représentait les femmes souffrant d’endométriose sur une pyramide, celles avec une endométriose dite simple (peu de lésions, ce qui ne veut pas dire pas de douleurs !) sont en bas de la pyramide et les plus nombreuses. L’endométriose avec atteintes plus complexes est le milieu de la pyramide. Enfin, les atteintes très sévères d’endométriose concernent le haut de la pyramide et sont les plus rares. Ces formes les plus graves et souvent invalidantes nécessitent des gestes chirurgicaux très lourds.
Quelles sont les causes de l’endométriose ?
C’est une question que se posent les femmes, la réponse n’est pas facile, car on ne sait pas encore tout sur cette maladie et toutes les endométrioses n’ont pas les mêmes causes. On sait que c’est une maladie dite multifactorielle : plusieurs facteurs peuvent favoriser le développement de l’endométriose. Les dernières recherches montrent que l’endométriose sévère (lésions profondes) débute dès la vie in utero. Il n’y a pas de gène de l’endométriose, mais il y a probablement une prédisposition génétique à la maladie, qui ne suffit cependant pas à son développement, il faut y ajouter des cofacteurs. Parmi les cofacteurs suspectés dans l’endométriose, il y a les perturbateurs endocriniens comme les pesticides, qui peuvent intervenir lors du développement des organes génitaux. Si les douleurs débutent après la puberté, l’endométriose peut donc être présente silencieusement depuis toujours.
Comment diagnostique-t-on une endométriose ?
Mal ! Il existe un risque de sous-diagnostic, notamment chez les jeunes femmes qui consultent pour des douleurs. Le problème est que si les lésions sont trop petites (pour être repérées), on ne fait pas le diagnostic, alors que quelques années après, la maladie ayant évolué, on pourra les repérer.
La meilleure approche est d’écouter les femmes et d’évaluer les symptômes (génitaux, digestifs, urinaires, etc.) et la douleur, en termes de fréquence et d’intensité. Nous disposons d’échelles de la douleur et de qualité de vie qui permettent aux femmes de nous expliquer l’impact de la maladie dans leur vie quotidienne (école, travail, etc.).
Ensuite, des examens viennent confirmer le diagnostic et permettre d’évaluer la forme. C’est le cas des échographies, à condition qu’elles soient réalisées par des échographistes formés à détecter cette maladie. Enfin, une IRM (réalisée dans des conditions spécifiques) peut être utile pour mieux caractériser l’endométriose (et la classer en simple, modérée ou sévère).
Quels sont les traitements ?
C’est toujours au cas par cas. On ne traite pas des images ou des résultats d’examens, on traite des patientes. Il est proposé en fonction des douleurs, des symptômes, de leur durée et de l’intensité, etc. Comme on l’a vu, les cas sévères sont rares. Dans la grande majorité des cas, ce n’est pas une maladie grave (même si invalidante), on peut vivre avec sans les complications qui sont rarissimes (occlusion intestinale, atteinte rénale).
Une prise en charge en 2 ou 3 étapes :
1. Soulager la douleur. On évalue la douleur et les traitements antidouleurs déjà pris par la patiente. La prescription d’antidouleurs est proposée, et nous encourageons aussi les femmes à tester les méthodes non médicamenteuses comme l’acupuncture, l’ostéopathie, les cures thermales, etc. qui peuvent aussi les soulager.
2. Bloquer les cycles. Les femmes sécrètent de façon cyclique des hormones responsables des douleurs. Il est donc indispensable de leur prescrire des traitements hormonaux comme une pilule en prise en continu (progestatifs) pour éviter ces cycles spontanés. Une ménopause artificielle peut être proposée ponctuellement, avant une opération chirurgicale ou en vue d’un protocole de fécondation in vitro, par exemple.
Il faut parfois tâtonner pour trouver le traitement hormonal le mieux supporté par la femme, mais dans la plus grande majorité des cas d’endométriose, l’association antidouleurs et traitement hormonal permet de soulager les femmes.
3. Intervenir chirurgicalement. Cette étape est proposée en cas d’échec des traitements antidouleurs, d’une mauvaise tolérance des traitements hormonaux, ou en cas de douleurs profondes lors des rapports sexuels (qui sont souvent synonyme de lésions en arrière de l’utérus et du vagin qu’il faut généralement retirer pour améliorer la situation). Cela ne concerne pas forcément les formes les plus graves. L’opération est possible à tout âge, à partir du moment où les douleurs ne sont pas soulagées par les médicaments.
L’objectif de la chirurgie est de retirer méticuleusement les lésions endométriales à basse température, car ce sont des zones avec beaucoup de nerfs, tout en protégeant les tissus sains au maximum. Lorsque la chirurgie est décidée, il ne faut pas hésiter à prendre un second avis sur le traitement proposé, par exemple grâce au carnet d’adresses de spécialistes d’associations de patientes.
La chirurgie ne guérit pas l’endométriose, les traitements hormonaux doivent être poursuivis pour éviter les variations hormonales et l’évolution de la maladie.
Qu’en est-il de la fertilité de ces femmes ?
Il existe des femmes qui ont de l’endométriose et qui, au premier cycle après l’arrêt de la contraception, deviennent enceintes ! Même si les statistiques montrent chez les patientes ayant de l’endométriose une moindre fertilité et une baisse rapide de celle-ci avec l’âge… ce ne sont que des statistiques ! Je pense qu’il ne faut pas mettre la pression aux femmes avant 30 ans et les déstresser. Après, il faut y réfléchir : la fertilité de ces femmes peut être altérée avec une baisse de la réserve ovarienne précoce. Il peut être utile de songer à la préservation des ovocytes, selon la sévérité de la maladie et la réserve ovarienne. La stratégie thérapeutique doit donc aussi prendre en compte la fertilité de la femme.
Gaëlle Monfort